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Liban - Portrait

L’ambassadrice d’Espagne : des livres, de la musique, de l’énergie et... une volonté d’aider les femmes libanaises à accéder au pouvoir

Souriante et débordante d’énergie et de bonne humeur, l’ambassadrice d’Espagne, Milagros Hernando Echevarria, aime la lecture, la musique et le théâtre. Arrivée à Beyrouth en juillet dernier, elle est curieuse de découvrir le Liban sous toutes ses couleurs. Dans un entretien avec « L’Orient-Le Jour », Mme Echevarria s’est penchée sur sa carrière et ses passe-temps favoris. Cette entrevue fait partie d’une série d’articles sur les diplomates femmes en poste au Liban.

Souriante et débordante d’énergie et de bonne humeur, l’ambassadrice d’Espagne, Milagros Hernando Echevarria, aime la lecture, la musique et le théâtre.


Milagros Hernando Echevarria est originaire de Bilbao, capitale du pays basque espagnol. Dynamique, drôle, optimiste et pleine de vie, l’ambassadrice d’Espagne est entrée un peu par hasard dans le corps diplomatique.
« Beaucoup de personnes disent qu’elles voulaient faire depuis toujours tel ou tel métier, souligne-t-elle. Ce n’était pas mon cas. J’ai suivi des études de sciences politiques et de sociologie, des matières que j’aimais. Puis, grâce à une bourse, je suis partie à Strasbourg pour suivre des cours à l’Institut des hautes études européennes. » C’est dans cette ville européenne qu’elle fait la connaissance d’un diplomate espagnol, qui l’encourage à entamer une carrière diplomatique.
De retour en Espagne, elle enseigne à la faculté de sciences politiques de Madrid. Elle se présente au concours du corps diplomatique espagnol. Il lui a fallu deux essais avant d’être acceptée à la troisième fois, en 1986. « J’avais de bonnes notes partout, à part dans une matière que je ratais toujours », explique-t-elle.
Le choix de sa carrière diplomatique était un cheminement, comme une conséquence des différentes options.
« Dans la vie, nous prenons une option, puis nous trouvons une fenêtre et nous voyons une maison, puis il y a une porte, nous ouvrons la porte... » dit-elle.
Au sein du corps diplomatique espagnol, sa première mission est en Afrique sub-saharienne, travaillant dans le domaine de la coopération et du développement, couvrant tous les pays de la région, de la Mauritanie à l’Éthiopie.
Elle occupe ensuite un poste au Pérou, habite plus tard la République tchèque, où elle est nommée secrétaire d’ambassade.
Pour Mme Echevarria, le fait d’être une femme diplomate a joué en sa faveur. « C’était de la discrimination positive, indique-t-elle. Dans mon cas, le fait d’être une femme a joué un rôle positif dans ma carrière. Quand j’ai entamé mon travail dans le cadre du corps diplomatique espagnol, l’on essayait de soutenir les femmes dans la vie professionnelle. À deux reprises, j’ai été nommée à des postes de directeur général car le gouvernement voulait une femme à la tête de certains services », note-t-elle.
C’est ainsi qu’elle devient directrice générale de la Planification et de l’Évaluation des politiques de développement, en 2005, et directrice de la Politique internationale et de Sécurité au cabinet du Premier ministre, en 2008.

L’importance de la société civile dans le changement
Née en 1957, l’ambassadrice d’Espagne affiche son âge sans complexes et éclate de rire quand on lui demande pourquoi cela ne lui pose pas problème. « Je suis très respectueuse des femmes qui ne veulent pas dire leur âge, mais je pense que c’est un peu absurde, dit-elle sur ce plan. Dans mon cas, dévoiler mon âge est une façon d’expliquer ma trajectoire et mon cheminement. Je n’ai pas entamé ma carrière hier, c’est une manière de faire preuve de consistance historique. Cela fait 25 ans que je suis diplomate. Et avec ma promotion, nous célèbrerons cela par une visioconférence. »
Dans son bureau, Mme Echevarria est entourée d’objets offerts par des amis, des objets qui lui rappellent des souvenirs : un poivrier et une salière, une peluche violette, des photos d’amis imprimées en couleur sur des papiers A4...
À Beyrouth, elle assume son premier poste de chef de mission. Avant de venir au Liban, en juillet 2012, quand elle a appris sa nomination en janvier de la même année pour le poste d’ambassadrice, elle a commencé à se préparer à la tâche. « En Espagne, je me suis réunie avec des experts du Liban et du Moyen-Orient, j’ai fait appel aux anciens collègues qui étaient en poste à Beyrouth, indique-t-elle. Ils m’ont présenté leurs perceptions du pays, son évolution historique, sa société, sa géographie, sa musique, et ils m’ont surtout aidée à choisir une bibliographie que je devais lire pour suivre les nouvelles et la dynamique politique au Liban. » Et de poursuivre : « À mon arrivée, j’ai divisé mes contacts en trois groupes : mes collègues ambassadeurs, les personnalités politiques, et la société civile. C’est vrai que le pays est petit, mais il n’est pas simple. »
Mme Echevarria croit en « la société civile libanaise car elle porte en elle une profonde volonté de changement et fait bouger le pays ». « Elle est dynamique, généreuse, engagée et positive, dit-elle. L’histoire du Liban n’a pas été simple, nombre de choses négatives sont restées dans la pensée collective. L’Espagne a aussi vécu sa guerre civile entre 1936 et 1939, et il reste toujours aujourd’hui quelques séquelles et blessures. La société libanaise est dynamique, elle le prouve si bien quand elle est à l’extérieur du pays », ajoute-t-elle, citant notamment en exemple la réussite de la diaspora libanaise en Amérique latine.
S’est-elle fait une idée de la femme libanaise ? L’ambassadrice d’Espagne se demande « pourquoi il n’y a pas, dans un pays moderne comme le Liban, de femmes dans le processus de décision politique, pourquoi il n’y a pas de femmes ministres et pourquoi elles ne sont pas présentes dans les partis politiques ». « Au Liban, les femmes sont un peu partout, notamment dans les entreprises, les universités, le commerce, relève Mme Echevarria. C’est bizarre qu’elles ne soient pas dans le monde politique. »

Revendiquer le droit de choisir
« J’appuie le système de quotas pour les femmes dans les partis politiques et au Parlement », dit-elle, mettant l’accent également sur les discriminations contre les femmes sur le plan législatif.
Au Liban, selon l’ambassadrice d’Espagne, il est nécessaire d’exercer des pressions politiques pour que la femme puisse être présente au Parlement et au gouvernement, de même qu’un appui législatif est vital afin que des lois non discriminatoires à l’encontre de la femme puissent voir le jour.
« Du point de vue social, il y a des femmes libanaises qui estiment que si elles n’ont pas besoin de travailler, elles ne le feront pas, déclare Mme Echevarria. Mais les mentalités changeront, c’est simplement une question de temps. La femme devrait avoir le choix de décider si elle veut ou non travailler. Le temps est contre celles qui ne revendiquent pas leur droit de décider et qui considèrent que la société dicte ce qu’il faut faire », ajoute-t-elle.
Les ambassadeurs européens et les ambassadeurs femmes peuvent peut-être aider à changer certaines discriminations envers les femmes au Liban ? « Je dis à mes collègues femmes que nous nous mobiliserons pour cela en formant un lobby ! déclare Mme Echevarria. Nous avons accès aux responsables, ministres et députés, et nous leur parlerons. Nous sommes presque vingt ambassadeurs femmes, entre pays et organismes onusiens présents au Liban. Nous nous réunissons une fois par mois et nous invitons toujours quelqu’un qui présente un thème qui nous intéresse. Ce que les ambassadeurs femmes en poste au Liban peuvent faire pour améliorer la situation de la femme libanaise est de mettre sur pied une sorte de lobby pour appuyer ses demandes. C’est notre façon de la soutenir », poursuit-elle.
Elle note également que les discriminations envers les femmes existent encore partout dans le monde. « En Europe et en Espagne, ces discriminations sont présentes dans le monde de l’économie, indique Mme Echevarria. Les femmes travaillent énormément, mais elles sont moins payées et elles sont quasi absentes dans les conseils d’administration. Dans le monde politique, une décision a été prise pour la mise en place de gouvernements et de Parlements paritaires », dit-elle.
Au ministère espagnol des Affaires étrangères, l’on compte beaucoup moins de femmes que d’hommes. « Dans la carrière diplomatique espagnole, nous sommes 1 200, précise Mme Echevarria. Il faut compter 10 à 15 % de femmes, c’est-à-dire 150 au sein du corps diplomatique espagnol. Au niveau des générations âgées actuellement de 70 ans, il n’y a pas de femmes. Ma promotion compte quatre femmes sur 26 diplomates. Actuellement, pour les jeunes promotions, c’est du 50/50 », ajoute-t-elle.
L’ambassadrice d’Espagne reconnaît que les femmes, notamment celles qui évoluent dans un contexte plutôt masculin, comme le monde diplomatique ou journalistique, doivent travailler beaucoup plus que les hommes pour se faire respecter. « Les attitudes machistes sont faciles à détecter. Il est plus difficile et plus compliqué de travailler dans un milieu misogyne », dit-elle, soulignant que « certaines femmes peuvent être aussi misogynes que les hommes ».
Et d’ajouter : « Il est très compliqué de lutter contre la misogynie. On ne se rend pas compte immédiatement de la situation et l’on a besoin de temps pour savoir ce qui se passe. Dans ce cas, il est nécessaire de lutter beaucoup et de travailler énormément pour démontrer que votre talent est le même que celui d’un homme ou pour essayer de montrer, dans une conversation, que cette personne misogyne a tort. Cela implique un important niveau de violence et de stress. Il faut beaucoup d’énergie pour lutter contre la misogynie », indique-t-elle, soulignant sur ce plan : « Peut-être qu’il faut faire du théâtre, ça marchera mieux. Il faut des techniques théâtrales pour se mettre dans le rôle de l’autre. »

Un programme à Radio Liban
L’ambassadrice d’Espagne aime le théâtre. D’ailleurs, elle en a fait quand elle était à l’école et à l’université. Il semble aussi qu’elle ait un véritable don d’imitatrice. « Si un jour la parenthèse du théâtre s’ouvre pour moi, je la prendrai », dit-elle simplement.
Elle aime aussi la musique. D’ailleurs, une fois par mois, elle présente, sur les ondes de Radio Liban, un programme sur la musique espagnole.
Cette femme dynamique et simple raconte sa rencontre avec Nanette Ziadé, l’une des voix francophones de Radio Liban. « C’était à Vinifest, en octobre dernier ; l’ambassade d’Espagne avait son stand, souligne-t-elle. Tous les soirs, il y avait un concert. C’est là que j’ai rencontré Nanette Ziadé qui, de fil en aiguille, m’a proposé de présenter un programme durant son émission de 10 heures. Et ça a marché. Il y a même des personnes qui m’ont abordée pour me dire qu’elles m’écoutent à la radio », indique-t-elle, amusée.
Avec une collaboratrice à l’ambassade, Mme Echevarria présente l’histoire de la musique espagnole : XIXe et XXe siècles, flamenco... « Nous avons diffusé jusqu’à présent cinq émissions. »
« Franchement, ce programme constitue pour moi une opportunité extraordinaire pour diffuser la musique espagnole. Il se poursuivra jusqu’à la fin de l’année. Et peut-être, plus tard, aborderons-nous la culture espagnole », déclare-t-elle.
Même si elle ne dispose pas de beaucoup de temps libre et passe parfois ses week-ends au bureau, l’ambassadrice d’Espagne tente de s’adonner à ses activités favorites. « J’aime beaucoup me promener à pied. Et il fait bon se balader à Beyrouth. J’aime la Corniche et la Marina de Beyrouth, Hamra, les souks de la capitale. C’est une ville pleine de vie. De plus, la société libanaise gâte les étrangers ; les Libanais sont accueillants, chaleureux, ouverts, généreux et hospitaliers. Ils font sentir aux étrangers qu’ils sont les bienvenus », note-t-elle.
Mme Echevarria aime aussi la lecture. Elle est venue au Liban avec sa collection de plusieurs milliers de livres. « Je lis actuellement de la littérature sur le Liban et le Moyen-Orient », dit-elle, citant les titres d’ouvrages qu’elle a lus ou qu’elle compte lire.
« J’aime la musique. J’ai amené tous mes CD avec moi. J’écoute de la musique populaire, classique... Actuellement, j’écoute aussi des chansons libanaises, notamment celles de Fayrouz, Sabah et Majida el-Roumi », affirme-t-elle. Une façon pour Mme Echevarria de se plonger entièrement dans la culture libanaise.
Milagros Hernando Echevarria est originaire de Bilbao, capitale du pays basque espagnol. Dynamique, drôle, optimiste et pleine de vie, l’ambassadrice d’Espagne est entrée un peu par hasard dans le corps diplomatique.« Beaucoup de personnes disent qu’elles voulaient faire depuis toujours tel ou tel métier, souligne-t-elle. Ce n’était pas mon cas. J’ai suivi des études de sciences...

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Petite précision, Mme Echevarria n'est pas "ambassadrice" (c-à-d. femme de l'ambassadeur), mais bel et bien "ambassadeur" (exerçant la fonction d'ambassadeur). Cette manie (lancée jadis par Lionel Jospin pour plaire aux féministes) de vouloir féminiser les noms de fonction ne sert qu'à créer des confusions. Il faut dire et répéter qu'en français, le genre grammatical des mots n'est pas nécessairement lié au sexe. UN ambassadeur est aussi UNE Excellence, qu'il soit homme ou femme. Le soldat qui monte la garde est UNE sentinelle. Quant aux animaux, une chouette ou un grillon peuvent être mâle ou femelle (sans parler d'UN escargot qui, lui, est hermaphrodite!)

Yves Prevost

07 h 33, le 16 avril 2013

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Commentaires (1)

  • Petite précision, Mme Echevarria n'est pas "ambassadrice" (c-à-d. femme de l'ambassadeur), mais bel et bien "ambassadeur" (exerçant la fonction d'ambassadeur). Cette manie (lancée jadis par Lionel Jospin pour plaire aux féministes) de vouloir féminiser les noms de fonction ne sert qu'à créer des confusions. Il faut dire et répéter qu'en français, le genre grammatical des mots n'est pas nécessairement lié au sexe. UN ambassadeur est aussi UNE Excellence, qu'il soit homme ou femme. Le soldat qui monte la garde est UNE sentinelle. Quant aux animaux, une chouette ou un grillon peuvent être mâle ou femelle (sans parler d'UN escargot qui, lui, est hermaphrodite!)

    Yves Prevost

    07 h 33, le 16 avril 2013

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