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À La Une - Attaque de Benghazi

La Libye n'en finit plus de s'excuser auprès des USA

L'ambassadeur US tué à Benghazi lors d'un mouvement de protestation contre un film anti-Islam.

Dans la nuit du mardi 11 septembre 2012 au mercredi, des hommes en colère contre un film jugé insultant pour l'islam attaquent le consulat américain à Benghazi, en Libye. Bilan : l'ambassadeur et quatre diplomates tués. Photo AFP

Un film, Innocence of Muslims, a mis en colère des milliers de musulmans à travers le monde arabe depuis 48 heures. Sauf que certaines manifestations, aussi barbares que ce brûlot-navet amateur était criminel, ont eu une fin tragique, comme à Benghazi, où l’ambassadeur américain Chris Stevens et trois fonctionnaires diplomatiques ont été tués dans l’attaque contre le consulat américain.


« Nous présentons nos excuses aux États-Unis, au peuple américain et au monde entier pour ce qui s’est passé », a ainsi déclaré Mohammad el-Megaryef, le président du Congrès général national (CGN), plus haute autorité politique de Libye. « Nous nous tenons aux côtés du gouvernement américain face à ces (...) assassins », a-t-il encore dit, qualifiant l’attaque de « lâche ». Ce qui s’est passé hier « coïncide avec le 11-Septembre et a une signification claire », a-t-il ajouté, sans nommément citer el-Qaëda.

Plus tôt, M. Megaryef avait également pointé du doigt les partisans de l’ancien régime kadhafiste. D’après lui, l’attaque du consulat à Benghazi a coïncidé aussi avec d’autres tentatives de faire échouer l’expérience démocratique libyenne et de porter atteinte aux réalisations des autorités, notamment l’extradition de « plusieurs symboles de l’ancien régime ». Le chef du gouvernement libyen, Abdelrahim al-Kib, a néanmoins refusé d’accuser une quelconque partie, estimant que cela porterait préjudice à l’enquête en cours. Dans un tweet, le vice-Premier ministre Moustapha Abou Chagour a accusé des « parties extrémistes ».

Toujours besoin...
L’ambassadeur libyen aux États-Unis Ali Suleiman Aujali a estimé, quant à lui, que son pays avait toujours « besoin de l’aide » américaine, indiquant que son gouvernement « ferait tout son possible pour trouver les responsables de l’attaque mortelle », afin de savoir si les auteurs « avaient des liens à l’étranger et combien de groupes sont impliqués ». Le « gouvernement libyen se tient aux côtés des États-Unis pour s’opposer aux actes de terrorisme », a ajouté l’ambassadeur, assurant que les « Libyens ne soutenaient pas » de tels actes. Évoquant M. Stevens, M. Aujali a rendu hommage à son « partenaire de tennis », qui « venait prendre le petit déjeuner chez moi. Il était l’homme qu’il fallait au bon moment et au bon endroit », a ajouté l’ambassadeur, répétant que ce décès était « une grande perte pour nous ».

Flagrante retenue
Côté égyptien, où la volonté de calmer la rue était flagrante, le gouvernement a dénoncé le film anti-islam comme étant « immoral et offensant », mais a demandé à la population de faire preuve de « retenue », au lendemain d’une manifestation violente devant l’ambassade des États-Unis au Caire. « Tous les Égyptiens, musulmans et chrétiens, expriment leur rejet de cette insulte », ajoute le communiqué. Le texte, lu par le Premier ministre Hicham Qandil, juge également « regrettables » les incidents survenus la veille devant l’ambassade des États-Unis, où des manifestants sont parvenus à enlever le drapeau américain pour le remplacer par un étendard islamiste. « Il est de notre devoir de protéger toutes les missions diplomatiques en Égypte. »

 

(Lire aussi : Un copte égyptien ayant soutenu le film anti-islam se justifie)


Parallèlement, des appels à manifester hier soir devant la mission américaine avaient été lancés par des organisations coptes, mais leur présence n’était pas visible. Deux à trois cents militants et sympathisants islamistes ont, de leur côté, manifesté devant l’ambassade US.
Les Frères musulmans ont, quant à eux, appelé à des manifestations pacifiques vendredi dans tout le pays.

Asphyxié
Rappelons que mardi soir des hommes armés ont attaqué notamment avec des roquettes le consulat américain à Benghazi, bastion de la révolution considéré comme un fief des islamistes radicaux. Des bombes artisanales ont également été lancées et des affrontements ont opposé forces de sécurité aux hommes armés parmi lesquels des salafistes. Le consulat a été incendié après avoir été pillé et vandalisé. Surpris par la violence de l’attaque, des membres des services de sécurité libyens chargés de la surveillance du consulat ont fui, selon une source de sécurité.
L’ambassadeur Chris Stevens, qui avait soutenu avec passion la révolte populaire contre le régime Kadhafi, et trois fonctionnaires du consulat y ont péri. Cinq civils américains ont par ailleurs été blessés selon un responsable américain. Des agents de sécurité libyens ont également été tués, d’après un diplomate libyen à l’ONU.


Le vice-ministre de l’Intérieur Wanis al-Charef, relatant sa version des faits, a affirmé que la situation avait dégénéré quand les gardes américains avaient « tiré sur les manifestants protestant contre le film », parmi lesquels « des criminels et des hommes se sont infiltrés ». La mort de l’ambassadeur serait due à une asphyxie au monoxyde de carbone.


Un avion américain a atterri à l’aéroport de Tripoli pour rapatrier les quatre corps transportés dans la capitale libyenne dans un avion privé depuis Benghazi, selon une source aéroportuaire.

Prédiction de « Vile Rat »
Pour la petite histoire, l’un des quatre diplomates, l’ancien militaire de l’US Air Force Sean Smith, officier en charge du service des communications au consulat, était en train de jouer en ligne quand des hommes armés ont commencé à manifester devant la représentation américaine. M. Smith, qui utilisait le pseudonyme « Vile Rat », était en discussion avec un autre joueur et a alors répondu à un précédent message : « Si l’on ne meurt pas ce soir. On a vu l’un des policiers qui gardent les lieux en train de prendre des photos. Il était connecté sur le service de messagerie instantanée quand les événements se sont produits », a raconté un de ses amis joueurs qui utilise le pseudonyme « The Mittani ». Ce dernier a ajouté que Sean Smith avait ensuite écrit « Coups de feu ! » avant de se déconnecter. Il n’est ensuite jamais revenu en ligne.

Obama vs Romney
« Les États-Unis condamnent dans les termes les plus forts cette attaque scandaleuse et choquante. Nous œuvrons à mettre nos diplomates en sécurité avec le gouvernement libyen », a vertement asséné le président Barack Obama lors d’une intervention solennelle à la Maison-Blanche. Il a tenu notamment à souligner que nombre de Libyens avaient tenté d’aider les Américains pendant l’attaque et avaient transporté la dépouille de l’ambassadeur à l’hôpital. « L’attaque ne rompra pas les liens entre les États-Unis et la Libye », a-t-il assuré. M. Obama, qui a aussi promis que les auteurs de l’attaque rendraient des comptes, a en outre donné l’ordre de mettre les drapeaux américains en berne sur les édifices publics jusqu’à dimanche. « Les États-Unis rejettent les efforts visant à dénigrer les croyances religieuses des autres, et nous devons tous, de façon non équivoque, nous opposer à ce genre de violence insensée qui coûte la vie à des fonctionnaires », a encore souligné M. Obama.


De son côté, la secrétaire d’État Hillary Clinton a condamné un « attentat choquant pour toutes les consciences » et accusé « un petit groupe sauvage » de l’avoir mené. Le Pentagone a annoncé de son côté le déploiement d’une équipe de marines spécialisés dans la lutte antiterroriste. Le plus haut responsable militaire américain a par ailleurs téléphoné au controversé pasteur Terry Jones pour l’exhorter à ne plus soutenir le film.


Malgré cette triste nouvelle, Mitt Romney le candidat républicain a la présidentielle n’en a pas moins oublié la campagne, persistant dans ses critiques de l’administration Obama. Il a ainsi jugé « honteuse » la réponse de la Maison-Blanche à ces violentes manifestations. Pour lui, le communiqué de l’ambassade du Caire condamnant la vidéo donnait l’impression que Washington, censé défendre les « valeurs de l’Amérique » et notamment la liberté d’expression, présentait des excuses aux manifestants. À ses yeux, « la première réaction des États-Unis doit être l’indignation face aux atteintes à la souveraineté de notre nation ».

Cameron « prêt »
À New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné « dans les termes les plus fermes » l’attaque contre le consulat, estimant ces actes « injustifiables quels que soient leurs motivations, leurs auteurs » et les circonstances. « Les Nations unies s’opposent à toute forme de calomnie contre une religion, mais rien ne justifie les actes de violence qui ont eu lieu à Benghazi », a déclaré de son côté le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon.
Les alliés européens des États-Unis, à commencer par Paris et Londres, mais aussi l’Allemagne, l’Italie, le Canada et des organisations comme l’OTAN et l’UE, ont eux aussi dénoncé cet attentat. Le Royaume-Uni s’est même dit être prêt à aider la Libye et les États-Unis à traduire en justice les responsables de l’attaque, a déclaré le Premier ministre David Cameron.

Dans le monde arabe
Du côté des pays musulmans, les protestations contre le film commencent à faire tache d’huile. Des centaines de personnes ont ainsi manifesté dans plusieurs pays. En Tunisie, la police a procédé à des tirs de gaz lacrymogène pour disperser quelque 300 militants salafistes qui ont tenté de forcer le périmètre de sécurité autour de l’ambassade américaine. Au Maroc, entre 300 et 400 personnes ont également manifesté. Plusieurs centaines de personnes se sont en outre rassemblées devant l’ambassade des États-Unis à Khartoum. Dans l’enclave palestinienne de Gaza, des dizaines de personnes ont aussi manifesté contre les États-Unis, incendiant devant le siège de l’ONU à Gaza des drapeaux américains et des photos de Terry Jones.

 

 

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