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Liban - Liban

Débat de March sur la censure : des militants pour la liberté confondent le censeur

Lorsque des militants pour la liberté d’expression sont mis face à un acteur direct de la censure, l’impact de cette pratique est de prime abord amoindri.  Le censeur, qui prête l’oreille aux satires contre la désuétude, souvent ridicule, de ses décisions, reconnaît que la censure est loin d’anéantir la production artistique.

De gauche à droite, Jihad el-Murr, Tarek Mitri, Jean-Pierre Katrib, André Cassas, Colette Naufal. Photo Nasser Traboulsi

Voulant valoriser la dynamique libérale qui continue de nourrir le Liban, l’organisation non gouvernementale March a choisi de réunir, dans le cadre de sa campagne pour la liberté d’expression (FREE), des figures médiatiques et culturelles, avec le président de la commission de censure et délégué du ministère de l’Information, André Cassas.


Alors que le représentant de l’Association pour les droits de l’homme et le droit humanitaire Jean-Pierre Katrib a rappelé que « la liberté d’opinion et d’expression, consacrée par la Charte universelle des droits de l’homme, est la garante des droits naturels », André Cassas a consacré le tiers de son intervention à la lecture du texte de loi de 1949, qui accorde à une commission ministérielle et religieuse la compétence de censurer, par le biais de la Sûreté générale, « toute atteinte aux bonnes mœurs, à la sûreté nationale, la paix civile, l’image d’un État ami... »


Prié de préciser la teneur de ces critères – « l’on ne sait même pas ce qui est interdit au Liban », selon Léa Baroudi, cofondatrice de March –André Cassas invoque « l’existence de tranches sociales conservatrices et traditionnelles non disposées à accepter ce qui est considéré comme sans problème à l’étranger ». Un argument vivement contesté par le journaliste Nadim Koteich, présent dans l’audience, qui défend le caractère infondé, et de surcroît préjudiciable, des propos sur une tranche de la population inapte à assimiler les travaux artistiques présentés au public. Les intervenants réunis se sont d’ailleurs accordés sur la nécessité de substituer la censure à une classification des films et présentations théâtrales, de sorte à prévenir l’audience à l’avance de ce qui risquerait de la déranger. Et si quelque projection ou publication s’avère profondément attentatoire à une personne ou un groupe de citoyens, c’est la justice qui devrait être le seul recours.

Mitri
C’est sur ce point qu’a insisté d’ailleurs l’ancien ministre Tarek Mitri. Avec la manière simple de ceux qui décrivent la liberté sans qualificatifs superflus, de ceux qui la perçoivent comme allant de soi, il évoque ses passages consécutifs à la tête du ministère de la Culture (son autorité légale, uniquement morale, lui a permis, grâce à l’appui de l’opinion publique, de neutraliser certaines décisions de la Sûreté générale), puis du ministère de l’Information (il y détenait le pouvoir d’interdire la mise en vente de publications écrites étrangères, un pouvoir qu’il n’a jamais mis à exécution, mais que certains membres zélés de la SG exerçaient à son insu). « Le ministre de l’Information a décidé de ne pas être censeur », avait-il alors fermement défendu. Mais le risque de dérapage, même des plus libéraux des ministres, reste fort présent en l’état actuel de la loi, prévient Tarek Mitri, avant d’énoncer son « bilan fort simple : la nécessité d’abolir entièrement la censure préalable ».


Toutefois, c’est sur les pressions étroitement politiques que Colette Naufal, directrice de la Fondation du film de Beyrouth (Beirut Film Foundation), a choisi de mettre l’accent, déplorant notamment les pressions exercées par l’ambassade d’Iran, quelques jours après la formation en 2011 de l’actuel gouvernement, pour retirer du programme du Festival du cinéma de Beyrouth des projections iraniennes.
Le président du groupe 2U-2C Jihad el-Murr a rappelé pour sa part « l’annulation de concerts d’artistes internationaux accusés d’être juifs ou de soutenir Israël, comme Lara Fabian, Gad el-Maleh, le groupe LMFAO », soulignant le caractère surréel, tragi-comique de la fameuse liste noire des sionistes, « qui ne fait que du tort au tourisme et à l’image du pays. Certes, le boycottage est une expression consacrée de la pensée, tant qu’elle demeure pacifique ». C’est dans ce cadre d’ailleurs que l’accent a été mis sur le rôle de l’État comme « défenseur de la démocratie intellectuelle », un État qui veillerait de loin à l’exercice des libertés, sans prétendre à quelque rôle pédagogique ou moralisateur auprès de la société.

 

Pour mémoire

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Voulant valoriser la dynamique libérale qui continue de nourrir le Liban, l’organisation non gouvernementale March a choisi de réunir, dans le cadre de sa campagne pour la liberté d’expression (FREE), des figures médiatiques et culturelles, avec le président de la commission de censure et délégué du ministère de l’Information, André Cassas.
Alors que le représentant de...

commentaires (4)

On n'abolit pas complètement la censure. Quand il s'agit de sauvegarder la Concorde et la Sécurité de la Nation on doit l'accepter. Mais mettre d'insignifiantes choses ou actes sous ce label, c'est catégoriquement inacceptable.

SAKR LEBNAN

04 h 57, le 02 août 2012

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Commentaires (4)

  • On n'abolit pas complètement la censure. Quand il s'agit de sauvegarder la Concorde et la Sécurité de la Nation on doit l'accepter. Mais mettre d'insignifiantes choses ou actes sous ce label, c'est catégoriquement inacceptable.

    SAKR LEBNAN

    04 h 57, le 02 août 2012

  • Il est interdit d'interdire ....ne serait ce que pour ne pas donner raison à la bêtise humaine....

    M.V.

    01 h 25, le 02 août 2012

  • Une fois de plus, la situation dans ce pays résume parfaitement le débat qui s’y déroule par dessus les têtes des intervenants, comme on dit quand on a oublié le nom des types qui débattent avec moult attirail d’invectives qui sont échangés, de raisonnements spécieux, de griefs éculés, de bonnes raisons et de mauvaises émotions à moins que ce ne soit le contraire ! Le tout ponctué des sempiternels "Ne m’interrompez pas!" pour les censeurs ; qui font immanquablement penser au commun "des Malsains" qu’il aurait mieux valu ne pas y renoncer à les interrompre ; et "Ne me censurez pas" pour tous les autres…. censurés ! Et pendant ce temps-là au Nord ou dans la Bekaa, on ne cessait d’éructer : Attention Danger, tout en l’exaltant. Ils devront tout de même finir par arrêter de déblatérer, ces hâbleurs censeurs couverts de morgue, avant de finir par compter les morts ! Avantage à la marque actuellement mais momentanément aux types du 14 Mars. Mais demain peut-être et même sans doute, ceux du 8 Mars réduiront l’écart ! Ce qui mènera à de nouvelles statistiques. Dans ce pays, on a tellement l’habitude de censurer et d’être censuré, que c’est plutôt l’intellectuelle honnêteté qu’on n’ose plus dévisager…. ou regarder en face, pour persister à "la regarder en Farce" ! Une farce sinistre dont ils sont si nombreux, ces cauteleux et éructants locaux, à en être les instigateurs patentés Censeurs.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    23 h 11, le 01 août 2012

  • les tranches conservatrices et traditionnelles ,hein???elle est bien bonne celle-là....pourquoi ne pas appeller un chat un chat et un con réactionnaire une tranche conservatrice et traditionnelle???çà sera plus simple....

    GEDEON Christian

    20 h 45, le 01 août 2012

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