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Lifestyle - Rencontre

Le style Fouad Boutros

Grande figure politique et véritable homme d'État dont les valeurs ont toujours symbolisé le projet d'un Liban fort, État et nation, Fouad Boutros demeure,  aux yeux de nombreux patriotes ou idéalistes, un repère, une référence, une école. Et aujourd'hui une exception. 

De gauche à droite, Saëb Salam, Sabri Hamadé, Fouad Boutros et Fouad Chéhab.

À sa manière directe, décidée, claire et élégante, Fouad Boutros a été l'un des acteurs essentiels et le témoin privilégié de l'histoire contemporaine de notre pays. Dans son livre Mémoires, traduit en français par Jana Tamer et paru aux éditions L'Orient-Le Jour, qu'il a rédigé « parce que mon entourage me le demandait », son riche parcours politique et personnel décrit la vision d'un politicien perçu comme étant, d'abord et surtout, « chéhabiste ». « Je ne suis pas issu d'une famille politique, aime-t-il à rappeler, et mon éducation n'a pas été celle d'un homme destiné à la politique mais plutôt aux affaires ou à une carrière libérale. Je l'ai fait pour compléter ma formation et ma culture. Fouad Chéhab m'y a plongé et le reste en a résulté. »
Le reste sera une entente parfaite entre les deux hommes qui aura duré jusqu'au dernier jour de la vie du président Chéhab. « Je peux même dire qu'elle ne s'est pas achevée, écrira Boutros ; elle a seulement pris une autre tournure. » Une complémentarité mue par un engagement commun à « édifier un État juste et fort en qui tous les Libanais pourraient avoir confiance, de sorte que leur appartenance ne soit pas tant à leur communauté qu'à leur patrie ».
Au cours de ces 700 pages, dans un journal de bord où les faits essentiels sont décrits et décryptés, Fouad Boutros, assisté par Antoine Saad pour la collecte de certaines informations, revient sur les étapes essentielles de sa carrière, à travers laquelle c'est l'histoire du Liban, jusqu'en l'an 2000, qui est également contée.
Ministre extraparlementaire de l'Éducation nationale et du Plan en 1959, député de Beyrouth, vice-président de la Chambre des députés en 1959 et 1960, vice Premier-ministre et, tour à tour, ministre de la Justice entre 1961 et 1964, ministre des Affaires étrangères en 1968 et de 1976 à 1982, puis de la Défense entre 1976 et 1978, il fut surtout, à chacune de ces responsabilités, un ardent et farouche défenseur de la souveraineté du Liban, loin de tous les « seigneurs de la guerre » et autres chefs de milices. « Le Liban, répète-t-il après Chéhab, n'a pas institué le service militaire obligatoire. Faire de la politique est une manière de remplir son devoir à l'égard de son pays. »
Médiateur, certes, modéré mais intransigeant lorsqu'il s'agit d'indépendance et de l'édification d'un État fort et d'une nation, il a su donner une véritable dimension au Liban en termes de politique étrangère, notamment dans le contexte sensible des années de guerre. « J'ai été attiré par les difficultés, animé par le désir ardent de surmonter les obstacles. Ce n'était pas facile. Je prétends avoir empêché le pire... » Ses propos restent d'actualité, comme en atteste ce qu'il disait... en 1961 : « La volonté de vivre en commun, en pays souverain, à l'intérieur du monde arabe auquel nous sommes intimement liés, mais dans un climat de liberté et de libéralisme disciplinés en vue d'assurer le bonheur et la prospérité matérielle et morale de l'individu, telle est la règle d'or qui doit être inscrite au fronton de notre édifice national. »

Pragmatisme au service de la cause
« Durant toutes ces années, je n'ai pas perdu la tête, avoue Fouad Boutros. J'ai gardé mon sang-froid, quelles que soient les circonstances. Je n'ai pas pu réaliser tout ce que je voulais, poursuit-il, mais je n'ai rien entrepris qui soit contraire à mes convictions. J'ai assez rapidement réalisé les difficultés énormes qu'un homme politique à principes pouvait rencontrer, s'il tenait à mettre à exécution sa politique. »
Cet homme de grande culture reste très impressionnant. Son interlocuteur, en sa présence, se sent rapidement intimidé par ce qu'il symbolise : une catégorie de grands hommes qui se font rares. Même si son discours demeure incorruptible, sa franchise ne veut heurter personne. Son regard sur le pays, qu'on dit pessimiste, a rarement été démenti. « C'est une opinion on ne peut plus superficielle et irrationnelle, précise-t-il. Si les choses m'ont paru noires, c'est qu'elles l'étaient. En réalité, j'anticipe et je fais preuve d'un certain sens de la précision et du futur. Le critère essentiel n'est pas mon souhait mais la réalité telle que je la vois. » Et de reprendre un extrait de son livre : « Il existe une grande différence entre le pessimisme qui s'apparente au fatalisme et le réalisme qui incite à travailler en vue de parvenir au résultat souhaité. » Même dans les coulisses, il tient les même propos, dans une forme de révolte sourde mêlée à une déception certaine. Le tout avec une lucidité et une constance qui ont toujours accompagné ses analyses, ses options et ses décisions politiques.
« J'estime que j'ai fait mon devoir à 100 %, conclut-il, sans regret, sans remords. Ce n'était pas suffisant pour rendre blanc ce qui était noir, mais je n'ai pas ménagé mes efforts dans le sens qu'il fallait... »
À sa manière directe, décidée, claire et élégante, Fouad Boutros a été l'un des acteurs essentiels et le témoin privilégié de l'histoire contemporaine de notre pays. Dans son livre Mémoires, traduit en français par Jana Tamer et paru aux éditions L'Orient-Le Jour, qu'il a rédigé...

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