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Culture - Théâtre

Antigone, entre héroïsme et extrémisme !

Pour interpréter ce texte fondateur de Sophocle, qui a traversé le temps sans une ride, Ania Temler et sa troupe de comédiens (libanais et suisses) se sont mis à l'écoute de cette Antigone qui est présentée ce soir encore sur les planches du Monnot à 20h30.

De la violence dans cette pièce intemporelle. (Wassim Daou)

Un grand bac de sable est planté au milieu de la scène. En face s'élève un mur transpercé par des lucarnes de différentes formes. Ce ne sont pas des tableaux, mais bien des fenêtres qui s'ouvrent sur le temps. En effet, comme un ballet musical, missiles, armes, tanks et avions évolueront dans ces brèches spatiales, évoquant ainsi l'intemporalité de l'action. Antigone n'est plus cette révoltée de Sophocle qui, au nom de sa foi religieuse, va s'opposer à son oncle Créon. Elle n'est plus non plus l'Antigone d'Anouilh, en rébellion contre le pouvoir politique. Elle est toutes ces Antigones-là, qui porte le flambeau des toutes les jeunesses, de tous les idéaux et de toutes les
flammes.
Comédienne et réalisatrice ayant collaboré avec la compagnie du «Troisième spectacle en Suisse» tant pour la direction d'acteurs que pour la production ou l'administration, Ania Temler a décidé pour ce spectacle d'«Antigone Beyrouth» de se nourrir des expériences locales afin de livrer une pièce non seulement contemporaine, mais actuelle. Un spectacle qui résonne avec l'air du jour.
La pièce s'ouvre lorsque Créon, devenu maître de la ville après que les frères d'Antigone, Etéocle et Polynice, se soient entre-tués durant la guerre des sept chefs, décide de ne pas assurer les rites funéraires adéquats à Polynice. Antigone va se rendre coupable d'un crime au regard de la loi proclamée par son oncle en obéissant à celle des dieux, qui impose que l'on rende les ultimes devoirs à un être humain et tout particulièrement à un membre de sa famille. Loin de se résigner ou de demander pardon pour son crime, la jeune fille de seize printemps transgresse l'interdit et revendique au contraire la légitimité de son geste. C'est la loi divine qu'elle invoque et qui, à ses yeux, est supérieure à la loi humaine établie par le roi. Ainsi, nous pouvons voir qu'à travers l'opposition entre les deux personnages de Créon et d'Antigone, c'est une réflexion sur la nature de la justice et sur les rapports entre la force et la liberté qui se joue.
Durant plus d'une heure, Chérine Khouri (Antigone), Khaled Khouri (différents rôles, dont Hémon), Alain Saadeh (Créon) et Sandra Melhem (Ismène), dans les costumes de Krystelle Paré (également vidéaste et scénographe), ressuscitent cette tragédie humaine. Le texte servi par cette poignée de comédiens fascinants de justesse et de sincérité - avec une petite mention spéciale pour les magnifiques Chérine Khouri et Khaled Khouri - constituera l'espace d'échange entre le public et la scène.
Qui peut prétendre ne pas se reconnaître dans cette Antigone? Dans ce conflit entre les générations? Qui d'entre les spectateurs n'a pas perçu le portrait de cette autorité parentale capable parfois des pires maladresses, comme la maltraitance des enfants au nom... Au nom de quoi? De ce que les hommes appellent obéissance, lois, ordre et pouvoir? Qui n'a pas frémi à la vue de cette jeune fille qui met en scène sa mort à travers un film vidéo, tout comme ceux qui vont à la mort volontairement, qui s'offrent l'Hadès en l'éclaboussant sur les autres hommes, les martyrs qui s'autorisent le droit de tuer d'autres humains dans cette région de la planète? Qui ne s'est pas demandé un seul moment dans sa vie : « est-on capable de mourir pour une cause, ou encore quelle cause mérite qu'un être humain se donne la mort ? » Confond-on souvent l'héroïsme au simple extrémisme ? «Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente»! chantait avec humour le poète.
Si, à la fin du spectacle, l'une de toutes ces questions a effleuré l'esprit, c'est que le message de cette petite troupe talentueuse est parvenu et qu'Antigone a su perdurer à travers les âges.

Un grand bac de sable est planté au milieu de la scène. En face s'élève un mur transpercé par des lucarnes de différentes formes. Ce ne sont pas des tableaux, mais bien des fenêtres qui s'ouvrent sur le temps. En effet, comme un ballet musical, missiles, armes, tanks et avions évolueront dans ces brèches spatiales, évoquant...

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