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Liban - Sécurité

Encore sous le choc, Aïcha Bakkar quadrillé par l’armée

La tension régnait toujours hier à Aïcha Bakkar, témoin la veille de violents accrochages qui avaient opposé des supporters du Courant du futur à des militants du mouvement Amal. Les accrochages avaient fait cinq blessés et une tuée, Zeina Miri. L'armée, qui avait quadrillé le secteur, avait arrêté sept personnes impliquées dans les affrontements et était toujours à la recherche de fugitifs.

Peu après-midi hier, dans le secteur de Aïcha Bakkar, des rues étaient encore bloquées par l'armée libanaise, qui avait quadrillé la zone la veille, et des magasins avaient toujours les rideaux baissés. Il y avait des deux côtés de la chaussée des voitures criblées de balles et aux pare-brise éclatés.
C'est que, malgré le calme précaire, la tension régnait toujours dans ce quartier de Beyrouth. Vers midi, les proches de Zeina Miri, une femme de trente ans tuée durant les accrochages, avaient brûlé des pneus pour manifester leur mécontentement. Contrairement aux habitudes musulmanes, qui consistent à enterrer rapidement les morts, les funérailles de Zeina ne se sont pas tenues hier au lendemain des accrochages ; certains de ses proches indiquent qu'ils attendent l'arrivée de membres de la famille résidant en Allemagne, alors que d'autres affirment que l'enterrement n'aura lieu que quand ceux qui ont tué Zeina seront livrés à la justice, la famille obéissant ainsi à des coutumes ancestrales.
Zeina Miri avait trente ans, elle était mère de cinq enfants, l'aînée, Farah, âgée de 13 ans, et la benjamine, Yasmine, un nourrisson de 7 mois. Hier, après avoir brûlé des pneus, les parents et les proches de Zeina sont restés dans la rue. Nombre d'entre eux s'étaient assis sur des chaises en plastique devant l'immeuble où la jeune femme avait péri.
Zeina n'a pas reçu une balle perdue. La jeune femme, qui comme à l'accoutumée tous les dimanches rendait visite à sa sœur Assia, était sortie au balcon de la cuisine pour ramener les couverts afin de dresser la table pour le dîner. Elle a reçu une balle, droit dans le cœur. « Le projectile a transpercé son corps, perçant le cœur et sortant de l'épaule droite », indique Mahmoud, le frère de la jeune femme.
En effet, des rafales ont été tirées en direction du troisième étage ; les vitres de la maison où la jeune femme a été tuée en sont témoins.
Entouré de ses proches, le beau-frère de Zeina, propriétaire de la maison où la jeune femme a été tuée, s'insurge d'une voix glacée : « Ça ne sert à rien de parler. Nous n'avons pas la solution. C'est Nabih Berry et Saad Hariri qui doivent la trouver. »
« Nous ne nous tairons pas, pour tout l'or du monde. Notre sang vaut beaucoup plus que de l'argent. Personne n'achètera notre silence. Il y a eu des morts avant Zeina, ils ont acheté le silence de leur famille. Il y a même eu un officier pilote de l'armée libanaise (Samer Hanna, tué l'été dernier à Sojoud par un combattant du Hezbollah), et justice n'a pas été faite. Ça ne se passera pas ainsi avec nous. Zeina ne sera pas enterrée tant que ses tueurs n'ont pas été remis aux autorités. Nous les connaissons, ce sont des habitants du quartier. Nous avons communiqué leur nom aux autorités. Dans le cas contraire, c'est le sang qui appellera le sang. Et nous enverrons les responsables du crime dans des linceuls à leurs familles », ajoute-t-il.
Zeina vient d'une famille sunnite kurde, communauté qui s'est toujours sentie marginalisée au Liban. « Les députés viennent chez nous avant les élections. Ils ne ratent ni mariage ni enterrement. Mais ils ne sont jamais là quand nous avons besoin d'eux. Nous ne tairons pas », martèle-t-il encore.
« Au Liban, l'histoire se répète. Il y a toujours eu des guerres intercommunautaires. Il faut qu'une solution soit trouvée. J'ai deux beaux-frères chiites, je les aime autant que mes frères. Que voulez-vous que je fasse, que je les tue ? » demande le beau-frère de la jeune femme.

Bloquée à l'entrée de l'immeuble
Mahmoud, le frère de Zeina, raconte encore : « Quand ma sœur a été touchée, son mari l'a portée pour l'amener à l'hôpital. Arrivé à la porte d'entrée, les miliciens ont tiré dans sa direction. Il a posé son épouse par terre et rampé pour se protéger. Nous avons crié pour qu'ils arrêtent. En vain. »
Dans la salle où les femmes reçoivent les condoléances, la fille de Zeina, âgée de sept mois et habillée d'une robe turquoise, passe de bras en bras. Yasmine et son frère Siraj, âgé de sept ans, étaient avec leur mère quand cette dernière avait été tuée.
Farah, 13 ans, Dina 11 ans et Nadine 9 ans étaient chez leur grand-mère maternelle, Mounira, qui habite Tallet el-Khayat. Hier matin, elles sont venues avec elle à Aïcha Bakkar. Mounira, qui porte le foulard blanc du deuil, se lamente : « Ni la justice ni la vengeance ne pourront me ramener ma fille. Elle avait trente ans et allaitait toujours sa benjamine. Qui va s'occuper désormais de ses enfants ? »
« Je me souviens des soldats israéliens qui avaient occupé Beyrouth en 1982. Ils avaient frappé à ma porte, j'avais eu peur. Ils étaient à la recherche de fedayin. Ils avaient perquisitionné l'immeuble et étaient repartis. Ceux qui ont tué ma fille son pires que les sionistes », dit-elle.
Hier, tout le quartier était encore sous le choc de la mort de la jeune femme qui vivait à Haret Hreik, mais qui passait la plupart de son temps chez sa sœur Assia, à Aïcha Bakkar, son mari, Mounir, tenant un magasin de fruits et légumes non loin de là.
Dans cette rue de Aïcha Bakkar, la majorité des habitants est sunnite alors que d'autres rues du secteur comptent des habitants chiites.
Ici, on raconte que les problèmes avaient commencé samedi. Une femme précise : « Quand nous étions en train de célébrer la nomination à la tête du gouvernement du chef de Bloc du futur, à deux reprises ils étaient venus avec des bâtons, nos hommes les avaient roués de coups. Dimanche, ils sont venus se venger avec des armes automatiques. Ils étaient environ une centaine à investir cette zone de Aïcha Bakkar. » Son témoignage est repris par plusieurs autres personnes croisées dans la rue.
Hier, beaucoup d'habitants s'en prenaient à l'armée, prônaient l'autodéfense, voire la vengeance. D'autres étaient moins passionnés. Ils souhaitaient simplement le désarmement des milices pour que les Libanais vivent dans l'égalité et la sécurité.
Peu après-midi hier, dans le secteur de Aïcha Bakkar, des rues étaient encore bloquées par l'armée libanaise, qui avait quadrillé la zone la veille, et des magasins avaient toujours les rideaux baissés. Il y avait des deux côtés de la chaussée des voitures criblées de balles et aux pare-brise...

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