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Lifestyle - Archéologie

Genève restitue à Beyrouth un nouveau lot des archives libanaises de Maurice Dunand

L’importante documentation, constituée par le célèbre archéologue français sur ses fouilles de Byblos, était conservée jusque-là dans le département des Archives administratives et patrimoniales de l’Université de Genève.

Genève restitue à Beyrouth un nouveau lot des archives libanaises de Maurice Dunand

Maurice Dunan à Tell Kazel. Photo DR

Des milliers de documents originaux relatifs au site de Byblos où le célèbre archéologue français Maurice Dunand a mené des fouilles de 1926 à 1977 avaient déjà été restitués en 2010 au Liban par l’Université de Genève, dépositaire du fonds Dunand. Plus d’une décennie plus tard, un nouveau lot de photographies et d’archives scientifiques est rapatrié au Liban, au sein duquel on retrouve notamment des photographies du site de Byblos, une correspondance scientifique avec Ernest Renan, une autre avec Pierre Montet qui a exhumé en 1923 la nécropole royale et le sarcophage d’Ahiram, et ses lettres d’échange avec l’orientaliste et archéologue René Dussaud, qui dirigea le musée du Louvre de 1928 à 1936. « Elles ont été récemment découvertes dans les réserves de l’université », déclare à L’Orient-Le Jour Patrick Michel, de l’Université de Lausanne. Mandaté par les Archives administratives et patrimoniales (AAP) de l’université genevoise, Patrick Michel les a remis au ministre de la Culture, Mohammad Abbas Mortada le 8 février, en présence du directeur Général des Antiquités du Liban, Sarkis Khoury, et de Mmes Maja Messmer et Alia Chucri, respectivement chef de mission adjoint à l’ambassade Suisse, et responsable des Affaires Culturelles ainsi que Tania Zaven, directrice régionale du Mont-Liban-Nord et du site de Byblos à la DGA. À ces documents d’un grand intérêt scientifique s’ajoutent des objets ayant appartenu à Maurice Dunand, notamment « son appareil photo, son compas, ainsi que les règles gradées de mesure et celles de dessins en bois, que les AAP ont décidé de faire don au Liban », précise Patrick Michel, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité à l’Université de Lausanne et membre exécutif d’Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit). Le coût du transport de ce second lot a été couvert par Aliph, précise-t-il. L’ensemble du matériel expédié à ce jour au Liban comporte plusieurs centaines de plans du site de Byblos, des milliers de photographies et de dessins, des croquis de synthèse, des notes et des fiches descriptives d’objets issus des fouilles de la cité millénaire. Comment ces documents sont-ils parvenus à l’université genevoise, où ils sont stockés depuis le décès de Maurice Dunand en 1987 ?

Le ministre Mohammad Abbas Mortada entouré de Patrick Michel, Sarkis Khoury, Maja Messmer Mokhtar et Tania Zaven, directrice régionale du Mont-Liban-Nord et du site de Byblos à la DGA, lors de la remise des archives Dunand. Photo DR

Beyrouth-Loisin-Genève

En 1977, pendant la guerre civile, l’archéologue français quitte le Liban, emportant avec lui sa documentation et sa bibliothèque, les meubles de son bureau (y compris les tapis kilim), ses accessoires et ses outils de recherche. Il transfère aussi sa documentation sur les différents sondages effectués au Liban (Byblos, Umm el-Amed, Echmoun-Sidon) mais aussi en Syrie (Tell Kazel, Amrith, Til Barsip-Tell Ahmar et Arslan Tash), un dossier sur le Sandjak d’Alexandrette et les nombreux rapports qu’il avait rédigés pour l’Unesco. Maurice Dunand possédait également des archives reçues d’autres savants, notamment les documents de Pierre Montet, qui l’avait précédé à Byblos. À son retour en France, Dunand s’installe dans sa maison de Loisin, en Haute-Savoie, afin de poursuivre ses publications. En quête de revenus, l’archéologue signe en 1984 un « contrat » avec l’Université de Genève, s’engageant, moyennant 50 000 francs suisses, à transmettre, après sa mort, ses archives, sa bibliothèque et tous les meubles de son bureau avec ses effets personnels, et les documents de son épouse Mireille Cavalier-Dunand, au département des sciences de l’Antiquité. Une initiative qui ne manque pas d’agacer la France. Dans son édition du 30 août 2010, le journal Le Monde rapporte que les Français, furieux, ont menacé les Genevois d’aller en justice, arguant que Maurice Dunand a reçu des centaines de milliers de francs français de subventions pour continuer ses recherches et s’est engagé à léguer ses archives au Centre archéologique de Valbonne, près de Cannes. Paris découvrira cependant que l’archéologue, vexé à la suite d’un versement promis mais jamais arrivé, avait modifié son testament et fait affaire avec les Genevois. Puis c’est au tour de Beyrouth de revendiquer le droit patrimonial sur les documents de Byblos, Bustan el-Cheikh (Sidon) et Umm el-Abed (Tyr) pour lesquels le savant avait été rémunéré par l’État libanais. Les négociations entamées par Tarek Mitri, alors ministre de la Culture (2005-2008), et poursuivies par ses successeurs Tammam Salam et Salim Wardy ont abouti à la restitution des dossiers originaux relatifs au site de Byblos.

Instruments de travail, équerres, chablons, appareil photo et autres outils ayant appartenu à Maurice Dunan et restitués à la DGA. Photo DR

Umm el-Amed et Echmoun

Mais qu’en est-il des archives d’Umm el-Amed (ville de l’époque hellénistique, Naqoura-Tyr) et d’Echmoun, dans la région de Bustan el-Cheikh, à deux kilomètres au nord-est de Sidon ? Patrick Michel affirme que « les documents et photographies concernant les deux sites sont déjà empaquetés et prêts à être expédiés à la DGA ». La collection rassemble une documentation importante sur le temple de Milkashtart et un autre, dit Temple de l’est, datant des IIIe et IIe siècles avant J-C, qui ont été dégagés, dans les années 40, à Umm el-Amed par Maurice Dunand et l’architecte-archéologue français Raymond Duru. De même pour Echmoun, un complexe culturel dédié au dieu guérisseur Echmoun, où Dunand a mené des excavations de 1963 jusqu’au début de la guerre du Liban en 1975. Ce site phénicien unique au Liban présente une architecture monumentale. Construit vers la fin du VIIe siècle avant J-C, il a été occupé de manière continue jusqu’à l’époque byzantine. À la demande de Dunand, le temple et ses sculptures ont fait l’objet d’un important travail de publication par Rolf Stucky, ancien directeur de l’Institut d’archéologie classique de Bâle et ex-pensionnaire de l’Institut français du Proche-Orient à Beyrouth (IFPO). Grâce à cet ouvrage et à l’expertise de Stucky, il a été possible d’identifier et de restituer au Liban neuf sculptures provenant du sanctuaire. Elles faisaient partie d’un lot de 600 artefacts dérobés en 1981 du dépôt de la Direction générale des antiquités à Byblos et écoulées sur les marchés européens.

En attendant de récupérer la pleine propriété des archives Dunand, les documents déjà remis à la DGA représentent un trésor inestimable pour le patrimoine et constituent un intérêt majeur pour l’exposition Cent ans de fouilles à Byblos, prévue au musée du Louvre en mai prochain, selon les sources du ministère de la Culture.

La convention d’accord

La convention signée en 2010 entre l’Université de Genève et le ministère libanais de la Culture concerne la documentation scientifique de l’archéologue, composée de notes, de plan et de photographies. Il s’agit de la production scientifique pour laquelle le savant avait été rémunéré par l’État libanais. Ce sont ces éléments que l’Université de Genève reconnaissait au Liban la propriété. Il avait été décidé que la bibliothèque de Dunand et ses objets personnels en étaient exclus, tout comme ses archives privées et la documentation ne concernant pas le Liban.

Pourquoi cet intérêt de Genève pour le fonds Dunand ?

L’intérêt de l’Université de Genève portait plus particulièrement sur la riche bibliothèque du savant, composée notamment de volumes rares et précieux comme les éditions originales avec les planches de La mission de Phénicie par Ernest Renan (1864-1874). Renan avait effectué ce voyage dans le cadre des missions scientifiques du second Empire, au Liban, en Syrie et en Palestine. Les archives de M. Dunand comportent notamment deux lettres adressées à Ernest Renan, écrites depuis Byblos le 29 août 1861, dans le cadre de La mission de Phénicie. La richesse et le volume de sa bibliothèque personnelle permettaient à l’Université de Genève de compléter durablement ses propres collections.

Des milliers de documents originaux relatifs au site de Byblos où le célèbre archéologue français Maurice Dunand a mené des fouilles de 1926 à 1977 avaient déjà été restitués en 2010 au Liban par l’Université de Genève, dépositaire du fonds Dunand. Plus d’une décennie plus tard, un nouveau lot de photographies et d’archives scientifiques est rapatrié au Liban, au sein...

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Renvoyez nous les millions de $ stockés dans les banques suisses. Et voles par les politiciens

Robert Moumdjian

03 h 59, le 23 février 2022

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Commentaires (3)

  • Renvoyez nous les millions de $ stockés dans les banques suisses. Et voles par les politiciens

    Robert Moumdjian

    03 h 59, le 23 février 2022

  • Wrong time to return the precious documents but Switzerland can return us now our stolen money and funds from the political thieves.

    Wow

    12 h 55, le 22 février 2022

  • Il ne faut rien envoyer au Liban aujourd'hui. Si les islamistes sunnites mettent la main dessus ils vont tout détruire, lorsque d'autres pourraient les revendre. La Phenicie, Le Liban biblique, a subit un grand remplacement depuis l'invasion des Arabes

    Nicolas ZAHAR

    12 h 05, le 22 février 2022

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