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La grande bouffe

C’est un plat doux-amer que l’on vous propose d’autorité pour demain, dimanche électoral. Ceux qui n’aiment pas trop devront s’y faire, ou alors dire non, merci.

Place au doux d’abord, tant qu’on y est. La seule tenue de ce scrutin est certes, en soi, un buffet fort bien venu, au terme d’une longue diète. Nous vivons à l’ombre d’un système politique relevant de la démocratie parlementaire ; mais, par une sombre ironie, c’est bien sur la question du Parlement, source de tous les pouvoirs appelé à être régulièrement renouvelé, que les pensionnaires de la digne bâtisse de l’Étoile ont lamentablement pataugé. Par trois fois et comme un seul homme, ils se seront octroyé une royale rallonge de mandat hors taxes. Prétextant tantôt l’état d’insécurité et tantôt le temps nécessaire pour accoucher d’une nouvelle loi électorale, ils auront occulté deux échéances législatives, la dernière consultation populaire remontant en effet à l’an de grâce 2009.

Neuf ans, c’est bien long. Mais c’est vite passé pour une jeunesse parvenue, quasiment sans transition, à la majorité, et dont on peut se demander si l’entrée en scène aura pour effet de modifier sensiblement une population électorale restée en friche une décennie durant. Déjà en cours de réaménagement est, pour sa part, le club, longtemps très fermé, des candidats à la députation, avec l’irruption sur la scène de la société civile. Autre première de taille est la possibilité enfin offerte aux expatriés et émigrés de s’exprimer comme ils l’ont fait il y a quelques jours, même si pour un coup d’essai, confié aux bons soins des Affaires étrangères, ce ne fut pas tout à fait, là, un coup de maître. Trop peu d’enregistrements ont été opérés auprès des ambassades libanaises, et encore moins d’inscrits se sont rendus aux urnes. Tout cela sans parler d’une délimitation des circonscriptions non conforme à la loi relative au vote à l’étranger ; la plupart des suffrages exprimés n’ont pas perdu le nord pour autant, allant en effet se concentrer sur une région bien précise…

Au chapitre du carrément amer, la loi électorale elle-même donne le ton, ce qui était déjà plus que suffisant pour gâcher la sauce. Véritable chef-d’œuvre d’incohérence, voire de contradiction, elle surcharge d’incongruités le concept de scrutin à la proportionnelle, finissant par en éliminer les bienfaits pour en accentuer les désavantages. Faute de programmes politiques dignes de ce nom, elle produit les alliances électorales les plus extravagantes, et elle installe la guerre au sein des mêmes listes avec l’institution de cette abracadabrante innovation qu’est le vote préférentiel. Que l’on ajoute à tout cela les tristes traditions des campagnes électorales libanaises, et à leur tête l’intimidation armée et l’achat de voix ; que l’on saupoudre le tout de la véritable prostitution à laquelle se livrent maints médias pour vendre, à prix d’or, aux candidats quelques minutes d’antenne ou une portion de texte, et on a fini de mitonner la méchante tambouille.

Il est clair que pour la grande bouffe de la place de l’Étoile, ce n’est pas à des chefs étoilés qu’on a fait appel.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C’est un plat doux-amer que l’on vous propose d’autorité pour demain, dimanche électoral. Ceux qui n’aiment pas trop devront s’y faire, ou alors dire non, merci.Place au doux d’abord, tant qu’on y est. La seule tenue de ce scrutin est certes, en soi, un buffet fort bien venu, au terme d’une longue diète. Nous vivons à l’ombre d’un système politique relevant de la...