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Diaspora - Diaspora

« Je me suis toujours senti aussi mexicain que libanais »

Deux Libano-Mexicains ont visité le pays du Cèdre en septembre, dans le cadre d'un voyage « retour aux sources » organisé par RJLiban et une université mexicaine. Ils témoignent pour « L'Orient-Le Jour ».

Michelle et Miguel, libano-mexicains, lors de leur séjour à la découverte de leurs origines.

«À mon arrivée au Liban, j'ai pensé à mon grand-père paternel qui n'a jamais pu revenir au pays pour voir ses frères et sœurs.» Miguel Élias Lases a les larmes aux yeux. Cet homme de 42 ans doit s'arrêter de parler quelques instants pour se remettre de ses émotions. Ce n'est pourtant pas son premier voyage au Liban, il y a déjà séjourné en 2001, mais ressent pour le pays de ses ancêtres toujours le même mélange de sentiments quasi inexplicables, oscillant entre joie et nostalgie. Comme tant d'autres, il fait partie de ces émigrés libanais du Mexique qui ont découvert le Liban à l'occasion de voyages, sur le tard.
Professeur en relations internationales et sciences politiques à l'Université technologique de Monterrey, Miguel Élias Lases a organisé un voyage au Liban d'une semaine pour une vingtaine d'étudiants de cette université. Ouvert à tous ceux qui souhaitaient visiter le Liban, le projet a été mis en place en partenariat avec l'ONG RJLiban. Naji Farah, fondateur et président de RJLiban, explique que le but de ce voyage est de «promouvoir et préserver le patrimoine libanais». Depuis sept ans, l'association organise des séjours au Liban pour des centaines de Français, Italiens, Belges et autres. «Ce projet permet de renforcer les liens entre le Liban et sa diaspora, qui peut avoir perdu le contact direct avec les familles sur place», observe M. Farah.
Ce groupe de voyageurs du Mexique réunit des jeunes âgés de 19 à 23 ans, des étudiants se spécialisant dans différentes filières, allant des relations internationales aux études d'ingénieurs. Les étudiants sont d'accord sur le fait qu'ils ne seraient «probablement jamais venus s'ils n'avaient pas eu cette opportunité». C'est la curiosité qui l'a emporté, la plupart ayant déjà voyagé en Europe et dans le continent américain. «Le Moyen-Orient est considéré comme une région largement instable et manquant de sécurité, estiment-ils. Ce voyage est donc un moyen de vérifier les faits par nous-mêmes.»

« Émerveillée »
Michelle Gonzalez Baez Khalifé fait partie du voyage. Du haut de ses 22 ans, elle relate ses premières impressions en sirotant un café turc accompagné de biscuits. Elle est la première personne de sa famille maternelle à revenir au Liban depuis le départ de son grand-père pour le Mexique. «Lorsque nous avons débarqué dans le hall des arrivées de l'aéroport, j'étais en état de choc, se souvient Michelle. J'ai vu toutes ces personnes qui attendaient leurs proches avec des ballons de bienvenue et je me suis dit que ma famille aurait pu être parmi eux.»
La semaine de séjour est chargée. Les étudiants suivent des cours d'arabe le matin et font des visites l'après-midi. Ils vadrouillent ensemble à travers le pays, du Nord au Sud. Ils ont découvert Beyrouth, Harissa, Batroun, Byblos, Baalbeck et le monastère Saint-Charbel de Annaya. Ils devaient également visiter Saïda et Tyr. Michelle se dit «émerveillée» par le pays. «Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre», explique-t-elle. «Par exemple, je ne me doutais pas qu'il y avait une biodiversité aussi riche.»
Le jour de l'entretien, le groupe revient justement de Baalbeck. «C'est ma visite préférée jusque-là. J'ai été très impressionnée par les ruines et par le patrimoine historique dont je ne soupçonnais pas l'existence», reconnaît Michelle Khalifé.
Miguel Lases, lui, chérit également les souvenirs qu'il garde du Liban. «Byblos est probablement mon lieu favori, c'est là que j'ai demandé ma femme en mariage», dit-il, le sourire aux lèvres. En effet, c'est lors de son premier voyage au Liban que Miguel a rencontré sa femme, elle aussi Libano-mexicaine. Sa famille à elle avait également fui la guerre en 1975 avant de rentrer au pays. Parents de deux jeunes enfants, ils font régulièrement le voyage avec eux et souhaitent qu'ils apprennent l'arabe.

« Sois fière de tes origines, tu ne serais pas là sans elles »
Miguel Lases et Michelle Khalifé font partie de ces générations qui ont baigné entre deux cultures. Ils ont toujours gardé un lien avec leurs origines. «Je ne connais que quelques mots d'arabe, c'est donc surtout à travers la nourriture que j'ai appris à connaître la culture libanaise», précise Michelle. Leur entourage a également contribué à les rapprocher de leurs racines, étant donné qu'ils n'ont plus de contact avec la famille restée au Liban. «La plupart de mes amis ont une histoire similaire à celle de ma famille, cette identité commune nous permet de mieux nous comprendre», souligne Miguel Lases.
Malgré l'absence de connexion physique avec le pays du Cèdre, tous deux ont toujours eu conscience de leurs sources. Brune à la peau mate, Michelle Khalifé raconte qu'on lui rappelle souvent «qu'elle a des traits libanais». «Petite, je ne cessais de dire à mes amis que je suis libanaise», dit-elle en riant.
Quand on leur demande s'ils se sentent libanais, les deux descendants d'émigrés assurent que la réponse est très évidente. Miguel Lases «s'est toujours senti aussi mexicain que libanais». Tous les deux ont appris à vivre avec l'idée de leur double origine. Leurs familles ont compris leur besoin de rechercher leurs sources et les ont soutenus dans leur décision de partir. Avant son départ, le père de Michelle Khalifé lui a glissé ces quelques mots: «Sois fière de tes origines, tu ne serais pas là sans elles.»
Lors de son premier voyage, Miguel Lases s'était rendu à Kousba pour y rencontrer sa famille libanaise qu'il ne connaissait pas. «Je me suis immédiatement senti parmi les miens, avoue-t-il. J'étais surpris de constater que nous avions les mêmes traits physiques, nous nous ressemblons.» La barrière de la langue ne les a pas empêchés d'échanger leurs idées, mélangeant l'arabe, l'anglais et l'espagnol et s'aidant de la gestuelle, pendant trois jours. «J'ai pu découvrir la maison familiale, imaginer mon grand-père vivre ici», se remémore-t-il.
Pour Michelle Khalifé et les autres jeunes, ces quelques jours leur ont permis de découvrir le pays dans sa réalité, loin des idées reçues. «Nos préjugés se sont avérés complètement faux, reconnaissent-ils. Nous ne connaissions rien à l'histoire et à la culture libanaise.» Ils ont été complètement séduits par leur séjour. «Lorsque nous rentrerons au Mexique, nous allons raconter à tout le monde à quel point le pays est magnifique et culturellement riche, affirment-ils. Nous allons insister sur la coexistence des communautés religieuses au sein de la société.»
Tous les voyageurs de ce retour aux sources assurent qu'ils souhaitent revenir un jour au Liban. Michelle Khalifé, elle, prévoit de traverser les continents à nouveau, mais accompagnée de sa famille cette fois. «Je veux que ma mère puisse découvrir son pays et ressentir les mêmes émotions que moi dès que j'ai posé le pied à Beyrouth », dit-elle.

«À mon arrivée au Liban, j'ai pensé à mon grand-père paternel qui n'a jamais pu revenir au pays pour voir ses frères et sœurs.» Miguel Élias Lases a les larmes aux yeux. Cet homme de 42 ans doit s'arrêter de parler quelques instants pour se remettre de ses émotions. Ce n'est pourtant pas son premier voyage au Liban, il y a déjà séjourné en 2001, mais ressent pour le pays de ses...