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Liban - Communautés

Bkerké appelle les forces politiques à réactiver le « compromis politique » de Taëf

Le patriarche Raï conforté dans son exigence de voir la Constitution scrupuleusement respectée.

Les évêques maronites, réunis hier à Bkerké sous la présidence du patriarche Raï (photo Emile Eid).

Réunie à Bkerké, comme chaque premier mercredi du mois, l'Assemblée des évêques maronites a lancé hier, à titre exceptionnel, un appel attirant l'attention des responsables du pays sur la gravité de la situation politique, économique, sociale, écologique et morale due à la vacance présidentielle. Confortant la position du patriarche Béchara Raï qui refuse que des conditions préalables soient posées au président de la République à élire, l'Assemblée des évêques ne s'est pas contentée d'attirer uniquement l'attention de la classe politique sur la gravité de la crise institutionnelle, les invitant à en mesurer aussi les conséquences économiques. Elle a aussi mis en garde, sans user du terme, contre une inflation que pourrait provoquer un budget 2017 trop ambitieux sur le plan des dépenses, ainsi que contre l'impact social d'une multitude de nouvelles taxes. Enfin, elle a appelé à une « réconciliation nationale » qui remettrait le Liban sur la voie du « compromis historique » de Taëf.
Voici de larges extraits de l'appel de Bkerké, dont certaines séquences ont été résumées par souci de lisibilité et d'économie d'espace.
« Conscient de la responsabilité historique incombant au patriarcat et du fait qu'il incarne la voix de la conscience nationale », les évêques ont décidé de dénoncer « tous les abus » qu'ils constatent dans le pays :

I- Sur le plan politique
1- Sur le plan national politique, les évêques ont appuyé « tous les propos tenus par le patriarche dimanche dernier en ce qui concerne le respect de l'esprit et de la lettre de la Constitution, dont les principes doivent inspirer toutes les ententes subsidiaires, notamment celles relatives à l'élection d'un président de la République sans conditions préalables. En vertu de l'article 49 de la Loi fondamentale, il est en effet "le chef de l'État et le symbole de l'unité de la patrie" (...) mais afin qu'il soit en position de remplir sa haute charge nationale, il doit être parfaitement libre, de manière à être un « président arbitre » et non « le président d'un camp » ou « un président de pure forme ».
2- Le respect de la Constitution présuppose en même temps le respect du pacte national, qui en est l'esprit, dans la formule d'application respectueuse de ce pacte défini dans le « mémorandum national » publié par le patriarcat en date du 9 février 2014, dans la mesure où cette « formule » est l'incarnation de « l'essence d'une histoire commune islamo-chrétienne » (voir articles 4 et 5 du mémorandum).
3- Forte du respect de la Constitution et du pacte national, l'assemblée salue les efforts et consultations relatives à l'élection d'un président de la République (...).
4- Ces principes s'appliquent aussi à la nouvelle loi électorale que les Libanais, toutes communautés confondues, souhaitent représentative et respectueuse du pacte et de la Constitution, de manière à permettre l'émergence et l'arrivée au Parlement de forces nouvelles et d'un esprit nouveau, une loi électorale qui ne soit pas fabriquée sur mesure pour reproduire la Chambre en exercice. À défaut (...), le Liban serait en train de régresser d'une culture démocratique qui a marqué son régime parlementaire, à un régime semblable aux régimes autocratiques dépassés par l'histoire (...). L'assemblée encourage la société civile à faire pression en la matière, par les voies légales, pour que cet objectif soit atteint.
5- En cette époque de confusion et de désordre, l'assemblée apprécie le rôle de premier plan joué par l'armée et les forces de sécurité, dans la lutte contre le terrorisme, pour le maintien du l'ordre et la défense des frontières (...). Partant, elle souligne l'importance de tenir ces institutions à l'écart de tous les tiraillements et désaccords politiques (...).

II- Sur le plan économique
1- Le conflit politique insurmontable qui a conduit à cette vacance mortelle du siège présidentiel (...) et à l'extension du chaos et de la corruption dans les administrations a provoqué un effrayant recul économique dans tous les secteurs, en particulier dans l'industrie et l'agriculture. À cela s'ajoute le fardeau des réfugiés syriens et palestiniens qui, à eux deux, dépassent en nombre la moitié de la population libanaise, ainsi que le vent des changements qui souffle sur la région. Les résultats sont là : pas de croissance économique, augmentation du chômage, fermeture de nombreuses entreprises commerciales, industrielle et touristique, recul des exportations, recul des rentrées de l'État et augmentation de ses dépenses et du nombre des fonctionnaires, augmentation de la dette publique, négligence des secteurs vitaux, dilapidation du Trésor, ruée sur les contrats et les butins, quasi-inexistence de toute reddition de comptes, crise des déchets avec ses conséquences sanitaires, anarchie des carrières et des industries qui polluent et dénaturent l'environnement, pollution de l'air, des fleuves et de la nappe phréatique.
2- L'économie, tous secteurs confondus, est la colonne vertébrale de l'État. La communauté politique et les autorités publiques ont donc le devoir de mettre au point un plan efficace de redressement économique, en coopération avec les organismes économiques, la société civile et les secteurs privés productifs, en vue d'assurer la justice, la solidarité et l'entraide, dans le respect des capacités de l'État, responsable en dernier ressort de la protection sociale (voir mémorandum économique de Bkerké, articles 15 et 16).
3- Qu'est-ce ce qui donc autorise les forces politiques à s'obstiner à obérer l'économie (...) malgré les avertissements des institutions financières internationales ? Comment fera-t-on pour assurer les fonds de la grille des salaires et traitements alors que le gaspillage s'accentue et que la dette s'aggrave ? Ces forces sont-elles conscientes des dangers que représente ce nouveau projet de budget, avec la création de dizaines de nouvelles taxes et/ou leur augmentation, aussi bien pour les entreprises que pour le peuple, contrairement à toutes les règles économiques qui prévoient, en cas de crise, de stimuler le secteur privé et de réduire ses frais de production, pour encourager le réinvestissement, la croissance et la création d'emplois?

En conclusion
Il est impératif qu'une réconciliation nationale soit conduite, que la page soit tournée et qu'un retour soit opéré vers le compromis historique de l'accord de Taëf, vers un vivre-ensemble dans un État inclusif, et non aux conditions d'une partie des Libanais. La réconciliation doit rétablir les Libanais dans leur convivialité, loin de la politique des axes, sachant que ce modèle de coexistence revêt de plus en plus d'importance dans une région où souffle un vent de folie qui menace le monde entier. On doit donc mettre en valeur le caractère unique de l'expérience libanaise, que ce soit généralement sur le plan du partenariat islamo-chrétien dans la gestion de l'État, ou sur le plan purement islamique du partenariat entre sunnites et chiites dans la gestion de ce même État. Ce sera là la contribution du Liban à l'extinction du feu de la discorde sectaire et l'élimination du choc entre une majorité et des minorités.
2- L'Assemblée est profondément peinée de voir la tournure que prennent les événements en Syrie (...) Aussi bien la conscience internationale que la conscience des parties qui s'entre-tuent doivent se réveiller, mesurer les conséquences de ce choix désastreux et s'engager dans un dialogue véritable conduisant à une solution politique (...). Cela vaut aussi pour la situation en Irak, en Palestine et ailleurs. Cet Orient de la diversité n'est pas gouvernable par le fer et le feu, mais par une convivance libre, digne et pacifique entre toutes ses communautés.
3- En ce mois du saint Rosaire, nous nous tournons vers la Vierge Marie, mère du Prince de la Paix, en la priant de toucher les consciences et les esprits pour qu'une nouvelle page de l'histoire soit écrite avec la plume de la tendresse et de la miséricorde, loin de toute violence et de toute soif du pouvoir (...).

Réunie à Bkerké, comme chaque premier mercredi du mois, l'Assemblée des évêques maronites a lancé hier, à titre exceptionnel, un appel attirant l'attention des responsables du pays sur la gravité de la situation politique, économique, sociale, écologique et morale due à la vacance présidentielle. Confortant la position du patriarche Béchara Raï qui refuse que des conditions...

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