Rechercher
Rechercher

Lifestyle - témoignages

« J’ai parcouru des kilomètres, de Ballouné à Faraya, pour chasser le Pokémon ! »

Les inconditionnels de Pokémon Go apprécient les déplacements pour la chasse aux créatures virtuelles, dans une interaction entre réel et imaginaire.

Pokémon Go, un jeu qui fait sortir les gens de chez eux. Photo AFP

«Excuse-moi, je ne peux pas te parler, je cherche un Pokémon!» Cette réplique surprenante a été lancée par un quadragénaire à un ami qui a eu le malheur de l'aborder dans une des allées d'un centre commercial à Beyrouth. L'anecdote, véridique, est surréaliste, mais pas unique... Sur les routes du monde, et du Liban entre autres, on peut désormais apercevoir des silhouettes se déplaçant dans les limbes d'un monde mitoyen entre réel et virtuel, le nez plongé dans leur téléphone, à la recherche de créatures dont elles sont seules à connaître l'existence.

Le responsable: l'application pour téléphone portable Pokémon Go. Elle a beau être le nouveau-né d'une longue liste de jeux pour tous types de support, cette application a introduit une nouveauté qui a envoûté en un temps record des millions de personnes: celle de devoir se déplacer réellement, dans des endroits familiers, pour y chasser de petites créatures fictives et fuyantes, puis se regrouper dans des arènes pour combattre, avec son armée virtuelle, d'autres joueurs, et puis encore de traverser les étapes, et ainsi de suite.

Comme la planète entière, Omar, 44 ans, a entendu parler de Pokémon Go il y a quelques semaines. «J'ai toujours eu tendance à m'attacher pathologiquement à toutes sortes de jeux, raconte-t-il. Je savais bien que je n'en réchapperai pas, mais j'ai résisté une petite semaine, jusqu'au 25 juillet très exactement. C'est à minuit que, à bout de patience, j'ai téléchargé l'application, et j'ai trouvé le premier Pokémon dans mon lit!»
Depuis, Omar ne s'est plus arrêté, au propre comme au figuré. « J'ai déjà parcouru plus de 40 kilomètres en quelques jours, moi qui ne marchais quasiment jamais !, s'étonne-t-il.

 

(Lire aussi : Pokémon Go, le premier jeu qui fait sortir les gamers de chez eux...)

 

En neuf jours, j'en suis déjà au niveau 20.» Ce qui l'a séduit dans ce jeu? «Il y a quelque chose de jouissif dans cette espèce de visualisation des Pokémon dans la vie réelle, affirme-t-il. Dans les centres commerciaux que nous connaissons si bien, dans les restaurants que nous fréquentons, même sur les autoroutes où nous passons des heures dans les embouteillages. Il en va de même pour les PokéStops (les points où on acquiert ou on échange des objets) ou les arènes (là où ont lieu les combats): l'une des arènes les plus prisées en ville se situe au niveau du monument érigé en mémoire de Bachir Gemayel à la place Sassine, d'autres se trouvent au centre-ville de Beyrouth et ailleurs. On y voit des attroupements de joueurs, même en pleine nuit, ou à l'aube.»

Pour Rabih, 23 ans, cet attrait presque immédiat à ce jeu avait quelque chose de sentimental. «Les Pokémon, c'est toute mon enfance», se souvient-il. Mais Pokémon Go a ses particularités. «Le jeu est très bien fait dans le sens où il nous oblige à passer de localisation en localisation, explique-t-il. En un peu plus d'une semaine et demie, j'étais tellement pris par le jeu que j'ai dépassé seize étapes et attrapé un grand nombre de Pokémon.»

 

(Lire aussi : Lexique pour les nuls)

 

Les pires folies
«Pokémon!» À chaque fois que Cédric, 12 ans, trouve et attrape une de ces créatures si prisées, c'est toute la famille qui sursaute. Et pourtant, dans le décor familier de la maison, il est le seul à les voir. Très au fait de toutes les nouveautés, l'adolescent a été parmi les premiers au Liban, et certainement parmi ses amis, à télécharger l'application, étant abonné à l'Apple Store américain où celle-ci était disponible avant les autres. D'une voix sûre, il explique les règles quelque peu compliquées du jeu à des profanes bien plus âgés. « Ce que j'aime dans ce jeu est le défi de la découverte, et les difficultés qui augmentent d'étape en étape», dit Cédric. Ses parents, comme bien d'autres à n'en pas douter, multiplient les directives pour garder la situation sous contrôle.

Car le jeu est si prenant que, durant les déplacements, il pourrait présenter un risque. Un homme a bien été interpellé par des agents de l'ordre au siège de la Sûreté générale, dans le secteur du Musée, où il est entré par inadvertance, pour y cueillir un Pokémon... «L'application donne des directives continuelles pour rappeler au joueur de faire attention au trafic, éviter les voitures ou encore ne pas violer la propriété privée», explique Omar. Ce qui ne l'empêche pas de faire des folies. « Je crois que la plus folle que j'ai faite a été de marcher onze kilomètres, entre 2h30 et 5h du matin, dans les rues de Beyrouth», confie-t-il. Rabih aussi a parcouru des kilomètres en montagne, de Ballouné où il habite jusqu'à Faraya (hauteurs du Kesrouan), pour chasser le Pokémon !

 

(Lire aussi : « 3ajjil, fi Pokémon bel Sanayeh »)

 

Le regard des autres
Mais là où les avis des deux hommes divergent, c'est sur la suite des événements. Après seulement un peu plus de dix jours d'assiduité, où il a consacré une moyenne de deux heures par jour au jeu, Rabih s'est lassé. «C'est bien trop prenant, raconte-t-il. J'ai remarqué que dans mon entourage, nous sommes nombreux à avoir abandonné le jeu, faute de temps. Et ceux qui y jouent encore sont de plus en plus isolés, ils ne font plus rien d'autre.»

Pour Omar, rien de tel. Rien ne l'arrête, et certainement pas le regard moqueur des non initiés. «Je sais bien que ceux qui n'y jouent pas ont tendance à nous juger, et que les réseaux sociaux regorgent de nouvelles blagues sur le jeu, mais moi, cela me fait sourire», affirme-t-il.

Il se montre même enthousiaste pour les « échanges que l'on peut avoir avec d'autres joueurs, sans barrières d'âge, de race...». «Je ne suis pas près de me lasser, dit-il. Les inventeurs de ce jeu sont géniaux et quelque peu retors: tant qu'on n'a pas les 142 Pokémon, on n'est pas satisfait. Et après cela, pour les plus assidus, il faudra encore ajouter à sa collection les légendaires, que Niantic n'est pas près d'introduire, et ceux qu'il faut aller chercher sur les cinq continents.»

Autrefois, les jeux se jouaient au calme, sur un canapé, chez soi. Pokémon Go a sorti les gamers, les regards rivés sur les écrans dans les espaces communs. Indulgence, donc, pour ceux qui déambulent entre deux mondes, sur le même bitume que le commun des mortels...

 

Lire aussi

#SyriaGo, la "version syrienne" de Pokemon Go

Pokémon Go en Turquie : les imams pas d'accord

Pokemon Go: les Emirats avertissent contre une possible utilisation malveillante

La folie Pokémon Go gagne la planète

Pokemon Go envenime le conflit israélo-palestinien

«Excuse-moi, je ne peux pas te parler, je cherche un Pokémon!» Cette réplique surprenante a été lancée par un quadragénaire à un ami qui a eu le malheur de l'aborder dans une des allées d'un centre commercial à Beyrouth. L'anecdote, véridique, est surréaliste, mais pas unique... Sur les routes du monde, et du Liban entre autres, on peut désormais apercevoir des silhouettes se...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut