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Liban - Coups d’épingle

Effeuillage

Le cadre est plutôt austère et reflète l’esthétique rudimentaire des propriétaires des lieux. L’orateur prévu est le massif Mohammad Raad, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, à la rhétorique si ampoulée qu’on a l’impression, lorsqu’il parle, que chaque mot qui sort de sa bouche pèse une tonne.


Mais au Hezb, lorsqu’on cherche à impressionner l’auditoire, voire à le terroriser, on ne se suffit pas du déploiement de talents naturels. Les artifices de la communication sont mis à contribution. C’est ainsi qu’une caméra filme l’orateur en contre-plongée pendant qu’il prononce, du ton le plus glaçant qui soit, la phrase-clé de son allocution, celle qui est destinée à l’adversaire : « Nous n’avons pas de veto contre quiconque venant des rangs patriotes. Quant aux mandataires d’autrui dans notre patrie, nous leur réservons un traitement différent. »
L’effet film d’horreur est garanti, le destinataire est censé trembler, alors que le public du cru s’en va plutôt rassuré par l’étalage de muscles, même s’il ne s’agit en l’occurrence que d’un effet psychologique.


Sur ce point, il convient d’observer que depuis 2006, et à l’exception notable de la journée autoproclamée « glorieuse » du 7 mai 2008, c’est essentiellement aux ressources de la science psychologique que le Hezbollah fait appel lorsqu’il entend adresser des messages dans telle ou telle direction, mais aussi influer sur le cours des événements. L’exemple le plus fréquemment cité à cet égard est la fameuse « balade des chemises noires en milieu urbain ». En moins de temps qu’il ne faudrait pour changer de chemise, pour ainsi dire, des consultations parlementaires destinées à la nomination d’un Premier ministre ont été ajournées et une majorité a été renversée au profit d’une autre, ouvrant la voie à l’un des pires gouvernements de l’histoire de la République libanaise, celui dont les échecs, les turpitudes, les absurdités, les contradictions et les relents de scandales ont été les plus prononcés par rapport aux prédécesseurs.


Mais, bien sûr, quand la psychologie se révèle insuffisante, il est normal qu’on cherche à avoir recours à des méthodes plus percutantes. En tout cas, on fait le nécessaire pour que tout le monde le croie. C’est bien cela, la psychologie !
Le gouvernement en question est donc parti et il faut songer à le remplacer... En principe, du moins. En attendant de nouvelles ritournelles à nous chanter, le Hezbollah fait filmer Mohammad Raad en contre-plongée. Cela vaut bien mille chemises noires, surtout lorsque l’orateur évoque « les mandataires d’autrui dans notre patrie ».
Venant de la bouche d’un cacique du Hezbollah, un parti qui loue du matin jusqu’au soir les vertus de sa douce et tendre Perse, cette phrase est censée déclencher un gros éclat de rire. Mais il y a longtemps que les trois quarts des Libanais ont appris qu’humour et Hezbollah ne se conjuguent guère et que, loin de rire, c’est de pleurer qu’a envie l’auditeur à peu près normal quand des énormités pareilles sont dites.


Bien sûr, il existe d’autres « mandataires » au Liban. En fait, tous les Libanais qui le peuvent le sont, pourvu qu’il y ait un mandant. C’est, hélas, la triste réalité. Mais, en la matière, le Hezbollah n’est pas uniquement assimilable à un primus inter pares, il incarne en lui-même la plus grosse « agence exclusive » dans ce pays, la mieux organisée, soutenue, financée, armée, etc. Et lui-même le claironne !


Alors, pourquoi ce parti en veut-il autant à ces « mandataires d’autrui dans notre pays » ? N’est-ce pas parce qu’ils voudraient l’empêcher de dénuder, d’effeuiller méthodiquement l’État pour forcer tout le monde à aller vers cette « constituante » que réclame Hassan Nasrallah ?
En soi, cette demande paraît légitime et même nécessaire aux yeux de nombreux Libanais qui ne croient plus en leur système politique. Sauf qu’il faut être totalement abruti pour croire qu’une « constituante » puisse « constituer » lorsqu’un des « constituants » dispose de 60 000 missiles et que les autres ont, en comparaison, des catapultes d’enfant !


En attendant que le Hezbollah rejoigne les autres à leurs jeux de catapulte, il est vital que le gouvernement soit d’une façon ou d’une autre confié à ces « mandataires » que déteste l’inquiétant Mohammad Raad.

 

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Mais au Hezb, lorsqu’on cherche à impressionner l’auditoire, voire à...

commentaires (5)

Quand vous êtes embêtés, embrouillez tout. Ainsi est le message de l’inquiétant Mohammad Raad pour qui le choix entre deux maux ne plait jamais au Hezb. Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

16 h 34, le 03 avril 2013

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Commentaires (5)

  • Quand vous êtes embêtés, embrouillez tout. Ainsi est le message de l’inquiétant Mohammad Raad pour qui le choix entre deux maux ne plait jamais au Hezb. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    16 h 34, le 03 avril 2013

  • Brrrrr! Du Dracula de serie Z...

    GEDEON Christian

    13 h 56, le 03 avril 2013

  • C'est une menace a peine voilée. Mais Raad oublie quelle ne passe plus car il n'impressionne plus personne. Son principal allié s’écroule, ses ressources se tarisses et sa popularité est presque a zéro. Il veut croire faire peur? Qui? Les enfants d'Achrafieh, Ain El Remmaneh, Bcharré ou Zahlé qui ont résisté avec leur fusil de chasse contre les palestiniens et leurs allies de l’époque? Les jeunes qui ont foutu l’armée Syrienne a la porte des zones libres? En fait, il cherche plutôt a rassurer sa valetaille qui commence a douter. Douter de ses soit disant victoires divines qui s’avère être plutôt des victoires a la Pyrrhus. Douter de la capacité du Hezbollah a gérer les affaires d’état. Douter de sa capacité a gérer la communauté Chiite tout cours. Douter de son honnêteté de son intégrité et surtout.... de son projet qui n'a rien de Libanais et pourrais affecter la présence politique Chiite au Liban négativement. Les élections sont proches et ils ont la chance de les sanctionner. C'est le moment ou jamais d’éviter le pire. C'est le moment du citoyen!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 23, le 03 avril 2013

  • Quand le tonnerre TONNE... ou il croit qu'il TONNE... c'est qu'il S'ENTONNE... mais l'entonnoir étant troué l'écho se disperse autour de qui TONNE !

    SAKR LEBNAN

    09 h 44, le 03 avril 2013

  • Tous les interdits, tous les anathèmes, toutes les accusations, toutes les vociférations du député Mohammad Raad et de ses compagnos du Hezbollah -notamment des "modérés" cheikh Nabil Qaouq et député Nawwaf el-Mossaoui- s'appliquent exclusivement au Hezbollah. Voici un exemple bien typique, cité dans le texte ci-dessus de M Fayad : "Nous n'avons pas de veto contre quiconque venant des rangs patriotes. Quant aux mandataires d'autrui dans notre patrie -C'EST A DIRE LE HEZBOLLAH AVEC TOUS SES DEPUTES, TOUS SES TENORS, "MANDATAIRES" SANS SCRUPULE DE WILAYET EL FAQIH ET DU REGIME DE DAMAS AU LIBAN ET QUI N"ONT AUCUN SOUCI DE L'INTERET DE CE PAYS- nous leur réservons un traitement différent". Et ainsi de suite, phrase par phrase, expression par expression, mot par mot des discours de "films d'horreur" des responsables du Hezbollah.

    Halim Abou Chacra

    03 h 52, le 03 avril 2013

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