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Liban - Le commentaire

Risques d’impasse et, comme toujours, dépendance à l’étranger ...

Face à la crise ministérielle actuelle, qui fait planer le risque d’une vacance au niveau de l’exécutif et du législatif tout à la fois, une intervention étrangère est-elle inévitable pour sortir le pays de l’impasse ? Sachant que depuis la supposée indépendance du Liban, des États se sont succédé pour parrainer des accords censés dénouer les crises consécutives (le pacte de 1943, parrainé par les États arabes ; les accords du Caire; Taëf ; jusqu’à Doha...), qui cette fois-ci viendra guider les choix des Libanais qui n’ont ni la maturité ni l’éveil nécessaires pour gérer leurs propres affaires ?
Plusieurs politiques ont mis le doigt, à différentes époques, sur l’état d’incapacité des Libanais qui a mené au gel de l’évolution du pays. D’abord, l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah avait affirmé en 1993 que « ce n’est pas une personne qui résoudra ou compliquera le problème au Liban. Il n’existe personne au Liban capable de le diviser en deux États (...) puisque la question du Liban ne relève pas des Libanais, mais du cercle politique régional, lui-même lié à la politique internationale dans la région. C’est pourquoi je n’imagine pas que l’arrivée d’une personne au pouvoir ni le départ d’une autre sont susceptibles de changer la réalité politique du Liban ».
De son côté, l’évêque Béchara Raï (avant son élection à la tête de Bkerké) s’était aligné sur cette approche. « Je souhaite que les médiations internes devancent les médiations externes, avait-il affirmé lors d’un entretien télévisé. Notre plus grande erreur est que nous déléguons nos affaires aux autres, étant incapables d’exprimer nos appréhensions mutuelles sans intermédiaire. Ainsi, le plus grand conflit en Orient est le conflit sunnito-chiite, qui se traduit, au Liban, en mobilisation sunnite au sein du 14 Mars, et une autre, chiite, au niveau du 8 Mars. Les deux camps se lancent des accusations réciproques, quand bien même ils peuvent trouver une solution à la table de dialogue (...). L’erreur des responsables est de lier leurs affaires à celles des autres États (...), au lieu de choisir de s’asseoir à la même table dont l’aboutissement normal ne saurait être autre que le consensus. »
L’ancienne ambassadrice de Grande-Bretagne, Frances Guy, s’était également prononcée sur la nature dépendante des Libanais. « Le problème des Libanais est de solliciter constamment les conseils de l’extérieur. » Le Premier ministre martyr Rafic Hariri avait d’ailleurs l’habitude de faire remarquer aux députés, avant d’entamer les consultations pour la formation d’un nouveau cabinet : « Avant de débattre du cabinet que nous voulons, quelle est la nation à laquelle nous aspirons ? »
Le cardinal Nasrallah Sfeir avait lui aussi appelé plus d’une fois à ce que les Libanais adoptent des choix dans le seul but de protéger la nation. Le président de la République Michel Sleiman a également adressé des appels similaires.
Si tous reconnaissent, du moins dans les discours, que les Libanais sont tenus de gérer eux-mêmes leurs propres affaires, le constant recours, en pratique, à une volonté extérieure porte des conséquences dont la gravité ne pourra plus être occultée. Un homme politique de grande expérience met en garde, à ce sujet, contre le risque qui pourrait mener le Liban à devenir un territoire de tribus confessionnelles, agitées par des conflits ponctuels, leurs chefs respectifs n’ayant d’ouïe que pour l’extérieur.
Ou bien faut-il se résigner à l’idée que le Liban est voué à être dirigé par l’étranger, à cause de ses leaders sans audace, ni volonté, ni simple curiosité de tenter la voie de l’autogouvernance ? L’on est tenté de penser que les Libanais ne méritent pas un État souverain, libre et indépendant. Seule la tutelle leur sied.
Au final, rien n’a changé au Liban depuis l’indépendance jusqu’à ce jour. L’attente est la même, celle de l’acteur étranger qui viendra trancher une situation stagnante. Si dans le passé l’attente était centrée sur les développements aux États-Unis, en Israël ou dans les États arabes, aujourd’hui c’est la Syrie qui mobilise l’attention... Comment rompre ce cercle ?
La réponse la plus plausible serait d’œuvrer pour un consensus diplomatique qui accorderait une plus grande marge de manœuvre à l’État libanais. L’idéal serait de baser ce consensus sur le respect de l’autorité de l’État libanais, de sorte à amener progressivement les protagonistes à s’y conformer.
Si l’on concède que « l’édification d’un État est une chose aisée, la création d’une nation, par contre, est très difficile ». L’on peut à peine imaginer le chantier qui attend le Liban dans son long cheminement vers l’indépendance effective.

 

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