En politique, la notion de « vie » et de « mort » est des plus relatives. Qui plus est au Liban, où, de son vivant, l’homme politique est prisonnier de la troublante relation de « hainamoration » entre lui et ses partisans, et où la mort transfigure souvent le leader en idéal, en archétype, en symbole.
Il en est ainsi de Raymond Eddé, dont le Liban célèbre aujourd’hui le centenaire. Près de quinze ans après sa mort, le Amid est encore plus que jamais d’actualité. Son combat pour la souveraineté, le monopole de la violence légitime et le déploiement de forces internationales pour aider les autorités légales à recouvrer leurs pouvoirs régaliens n’a jamais été aussi urgent à mener avec l’effondrement de l’État, la toute-puissance du Hezbollah armé qui commence à créer de petits monstres à son image, et les nouvelles menaces des forces assadiennes contre le Liban.
La position du chef de la diplomatie iranienne du Liban, Adnane Mansour, sur la révolution syrienne l’aurait fait entrer dans une grande colère. Le slogan de la lutte contre la corruption menée par certaines forces politiques loyalistes paraît bien risible à côté de la véritable lutte avant-gardiste menée par le leader du Bloc national à l’époque contre l’enrichissement illicite. Au moins, il y avait cohérence entre la théorie et la pratique. La polémique sur la loi Ferzli, le discours sectaire, sinon raciste de certains ministres et députés, et ce retour hideux de l’identitaire l’aurait révolté, lui qui était un ardent partisan du Liban uni et de l’État civil. Sans oublier ses positions en faveur des libertés publiques, contre l’inculture imbécile de la censure et la dérive répressive...
Raymond Eddé était, est, l’archétype de la cohérence, de la liberté, un rassembleur par définition. C’est pour cela qu’il a été éloigné du Liban par une double tentative d’attentat au début de la guerre. Ce rebelle intègre n’avait pas sa place dans la putréfaction en devenir du pays du Cèdre ; en cela, les tueurs avaient raison. Mais son Liban deviendra réalité, envers et contre tous ; c’est du moins le témoignage de détermination qu’il faut refaire en permanence, sans cesse, à l’immortel « Anid »*.
*Le têtu, surnom légendaire du Amid.
Il était le seul Homme politique visionnaire qui a vu le plan Syrien et le seul Homme courageux qui a dénoncé Sleiman Frangieh et sa bande quand ils ont commencé à saccager et voler le Pays. OUI il nous manque.
14 h 43, le 16 mars 2013