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Liban - Étude

Nouvelle publication à l’USJ : les secrétaires nestoriens des califes abbasides, histoire d’une convivialité rarement égalée

Un ouvrage de haute érudition de Cécile Cabrol, Les secrétaires nestoriens à Bagdad (762-1258 AD)*, vient de paraître à Beyrouth. Cette œuvre inaugure la série « Corpus de recherches arabes chrétiennes », dans une nouvelle collection dirigée par le Centre de recherche et de publications de l’Orient chrétien (USJ).


La rédaction de cet ouvrage coïncide avec le regain d’intérêt que la guerre a provoqué pour les communautés chrétiennes d’Irak et d’Iran souvent méconnues et oubliées par l’Occident.


Cabrol parle d’une véritable soif de connaissances « qui la mena en septembre 1997 à Beyrouth et la décida à parachever cette étude ». La flamme nestorienne s’embrasa véritablement avec la lecture d’un article de Louis Massignon publié en 1942 dans la revue Vivre et Penser, concernant « la politique islamo-chrétienne des scribes nestoriens de Deïr Qunnâ à la cour de Bagdad au IXe siècle de notre ère », dit-elle, dans une présentation de son ouvrage, faite à l’USJ.


« Des origines à nos jours, je me suis arrêtée sur la période abbasside, âge d’or de la civilisation arabo-musulmane mais aussi un âge où chrétiens et musulmans d’Orient connurent un de leur plus bel éclat. Une période de l’histoire durant laquelle se dégageaient une convivialité et une émulation intellectuelle rarement égalée par la suite », a-t-elle ajouté.
Les nestoriens ont joué un rôle particulièrement important à la cour des califes de Bagdad, explique l’auteure. Membres de l’Église d’Orient, Kanisat al-Mashriq, désignée ainsi car se situant géographiquement à l’Orient de l’Empire byzantin, l’Église nestorienne était majoritaire en Irak, à l’époque. Forte de son avancée culturelle, la communauté nestorienne put occuper une position active dans la société malgré sa condition de minorité, non seulement d’un point de vue culturel, par le biais des contributions scientifiques dans le domaine de la médecine ou de la philosophie, mais aussi par les positions que certains de ses membres occupèrent dans les hautes sphères du pouvoir.


Parmi ces savants figuraient des personnages hauts en couleur, les secrétaires. Ces fonctionnaires occupèrent le devant de la scène administrative durant cinq siècles, soit toute la période du califat abbasside allant de 762, date de la fondation de Bagdad, jusqu’en 1258, date à laquelle la capitale abbasside fut prise par les Mongols. Ces deux dates, 762 et 1258, marquent les limites chronologiques de ce livre.


Les secrétaires nestoriens furent, durant plusieurs siècles, des personnages particulièrement importants dans l’évolution du califat abbasside, et des témoins précieux d’une convivialité chrétienne-musulmane à l’âge classique de l’islam. L’étude du rôle qu’ils ont joué dans la société des abbassides n’avait été, à ce jour, qu’esquissée. Cette lacune est désormais comblée.

Qui étaient ces secrétaires ?
Ces secrétaires, ou kuttab, étaient des fonctionnaires, des ministres, des conseillers privés, des modèles culturels occupant des postes de confiance dans les services administratifs. De ce fait, l’étude de Cécile Cabrol dépasse le cadre d’une étude strictement communautaire, nestorienne, pour toucher également, d’une part, aux techniques de l’écriture et aux structures administratives des abbassides, cadre dans lequel les secrétaires évoluèrent, et, d’autre part, aux relations intercommunautaires dans la Bagdad médiévale.


Minorité confessionnelle, nestoriens et dhimmis, l’existence de ces secrétaires soulève de nombreux paradoxes, que l’auteure a cherché à comprendre. Ainsi, comment expliquer que ces secrétaires dhimmis aient pu atteindre les plus hautes sphères du pouvoir et se rendre indispensables durant cette longue période de cinq siècles ? C’est là l’axe principal de l’étude. D’ailleurs, l’auteure constate que, passé la première période du califat, c’est-à-dire de 762 à 870, qualifiée d’âge d’or, apogée de leur règne dans les couloirs de l’administration, la situation des secrétaires nestoriens se dégrada à partir de la fin du IXe siècle, notamment du temps du calife al-Mutawakkil, qui initia une politique de redressement interne, marquée par un affermissement de la stricte orthodoxie de l’islam. Dès lors, les pressions se firent de plus en plus fortes, et de nombreux secrétaires se convertirent à l’islam afin de pouvoir conserver leurs postes au sein de l’administration ou bien pour atteindre la première charge ministérielle, le vizirat, réservé aux musulmans.

Cependant, la présence de ces secrétaires, qui ont su se rendre indispensables, est attestée dans les services califiens jusqu’à la prise de Bagdad par les Mongols en 1258, car, outre leurs compétences professionnelles, ils présentaient l’avantage de ne pas avoir de prétention politique, contrairement aux clans des secrétaires musulmans, en particulier chiites, qui tablaient sur les faiblesses des califes afin de détourner le pouvoir. Un livre passionnant de bout en bout.
Dans la même collection, deux autres livres sont en préparation : Isa ibn Zur’a, philosophe arabe et apologiste chrétien, par feu le père Cyrille Haddad, et Le mariage chez Yahya bin Garir al-Takriti, par l’abbé Semaan Abou Abdou.
(*) Disponible aux Presses de l’USJ (taper pusj) et dans les principales librairies.

Un ouvrage de haute érudition de Cécile Cabrol, Les secrétaires nestoriens à Bagdad (762-1258 AD)*, vient de paraître à Beyrouth. Cette œuvre inaugure la série « Corpus de recherches arabes chrétiennes », dans une nouvelle collection dirigée par le Centre de recherche et de publications de l’Orient chrétien (USJ).
La rédaction de cet ouvrage coïncide avec le regain...

commentaires (1)

Excellent ouvrage à acquérir incessament. Mais, avec ceci : "ils présentaient l’avantage de ne pas avoir de prétention politique, contrairement aux clans des secrétaires musulmans, en particulier chiites, qui tablaient sur les faiblesses des califes afin de détourner le pouvoir." ; on voit bien que la "Question Chiite" pointait déjà son nez, ya hassértééhh !

Antoine-Serge KARAMAOUN

05 h 17, le 06 août 2012

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Commentaires (1)

  • Excellent ouvrage à acquérir incessament. Mais, avec ceci : "ils présentaient l’avantage de ne pas avoir de prétention politique, contrairement aux clans des secrétaires musulmans, en particulier chiites, qui tablaient sur les faiblesses des califes afin de détourner le pouvoir." ; on voit bien que la "Question Chiite" pointait déjà son nez, ya hassértééhh !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    05 h 17, le 06 août 2012

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