Il faut institutionnaliser les maisons closes. Les bordels. Les vrais. Ne serait-ce que pour éviter ces infiniment pathétiques racolages sur la voie (audiovisuelle) publique.
Cela dit, tout le monde le sentait venir. Le dossier des journaliers de l’EDL en plein hémicycle ou la honteuse gestion du perchoir par Nabih Berry depuis des décennies n’étaient que de risibles, de fallacieux prétextes. Michel Aoun et son CPL, au plus bas dans les sondages à onze mois des législatives, allaient, devaient, étaient cruellement obligés de frapper un gros, un très gros coup. Tout le monde le sentait venir, mais peu pensaient qu’il allait être d’une telle intensité ou que c’était un obscur sous-lieutenant de Rabieh qui allait l’exécuter. Le gendrissime, Gebran Bassil, pourtant farouche et fervent artisan du document d’entente de Mar Mikhaël en 2006, faisait la joie des bookmakers. Les mises allaient ensuite, bien loin derrière, certes, sur des Ibrahim Kanaan ou des Alain Aoun, fidèles parmi les fidèles mais à la limite de la hezbophobie. Même celui qui répéterait volontiers que le ciel est vert à points mauve si son général le disait ou le lui demandait, Nicolas Sehnaoui, était envisageable. Beaucoup l’étaient en réalité, mais pas Ziad Abs.
Ce nom devrait être retenu. Même brièvement. Ziad Abs. Dans cette course effrénée d’un CPL qui essaye désespérément tout depuis quelques mois, du populisme au poujadisme en passant par la plus débridée des démagogies et jusqu’à la prostitution politique pure et simple, l’outsider Abs, celui qui rêve ne serait-ce que d’être candidat au siège grec-orthodoxe d’Achrafieh-Saïfi-Rmeil, a joué cette semaine à l’absolu héros warholien. Ziad Abs restera l’exécutant-croisé, style Godefroy de Bouillon, de l’attentat-suicide politique le plus impressionnant (et peut-être le plus sanglant) jusqu’à ce jour de l’histoire de cette République dont même les bananes commencent à pourrir.
Ce monsieur Abs ne s’exprimait naturellement pas en son nom personnel, ni ne faisait état de quelque vœux pieux qui ne concerneraient que lui. C’est au nom d’un Courant patriotique décidément ultralibre de toute constance, de toute cohérence et de toute loyauté à l’égard de ses si chers alliés de milice qu’il s’est littéralement déchaîné contre Amal et le Hezbollah, abusant d’un lexique et d’un dictionnaire qui feraient passer les snipers politiques les plus aguerris et les plus redoutables du 14 Mars pour d’inoffensifs, de gentillets baassistes/PSNS. Inouï, même dans la très ubuesque éventualité que tout cela a été cuisiné avec l’accord de Nabih Berry et de Hassan Nasrallah.
Au-delà de l’hyperanecdote des mots utilisés : mafia, fromagiste, etc. ; au-delà de la trivialité de la magouille préélectorale ; au-delà même de cette honte bue cul-sec, celle d’avoir été forcé de se dédire pitoyablement en donnant raison à un 14 Mars qui n’a de cesse de mettre l’accent sur les dérives du tandem Amal-Hezb, au-delà de tout cela, le CPL a commis avec ce putsch contre lui-même des erreurs bien plus graves, bien plus dangereuses. En s’aliénant à ce point la communauté chiite, après avoir traîné dans la boue presque tout ce que les sunnites ont de plus sacré, Rabieh a ressuscité tous les démons islamo-chrétiens. Dans un Proche-Orient comme celui de 2012, c’est un crime politique. Bien plus répréhensible que son donquichottisme maladif : désormais, le CPL a contre lui le 14 Mars, le 8 Mars et le centre. En d’autres temps, cela l’aurait ravi. Sauf que là, cela l’a contraint à littéralement se gluer aux FL, aux Kataëb, au PNL, au BN, etc.
Parier à ce point sur la bêtise, l’aveuglement et le suivisme des électeurs, notamment du Kesrouan et du Metn, mérite absolument le Guinness Book.
P.-S. : les Libanais ont tout dit de lui et continuent encore. Qu’il est une girouette, sans aucune constance, qu’il pense à sa communauté et aux siens avant de prendre en compte les intérêts du pays. Ils l’ont encensé puis, le lendemain, voué aux gémonies. Peu importe. Avec ces mots dits de Moukhtara : il faut abattre Bachar el-Assad, ni plus ni moins, Walid Joumblatt a fini de prouver qu’il reste l’un des hommes politiques les plus courageux, voire téméraires, de l’histoire de ce pays. L’art pour l’art a parfois quelque chose de très touchant. De noble.
Pour ce qui est de l'ami et camarade de classe, walid Béck, ou Bec, comme vous voulez, j'ai ri !
10 h 12, le 28 juillet 2012