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Liban - L’Ecclésia de Beyrouth - La rubrique de Michel HAJJI GEORGIOU

Pour en finir avec un dualisme sournois

Si elle est confirmée, la nette avance obtenue par l’Alliance des forces nationales lors du premier scrutin libre et démocratique de l’après-Kadhafi en Libye risque de modifier considérablement tous les paramètres dans la région. Une victoire des libéraux sur les islamistes viendrait en effet à point nommé pour démentir toute la rhétorique développée ces derniers mois par tous ceux qui s’acharnent encore partout – notamment au Liban, aussi bien dans les cercles politiques que religieux – à défendre ce cadavre politique et diplomatique, mais néanmoins brutal et sanguinaire, qu’est désormais le régime syrien. Car toute cette rhétorique, soigneusement échafaudée par des milieux d’extrême droite aveuglés par leur haine de l’islam sunnite et par des milieux d’extrême gauche, tantôt nostalgique et tantôt récupérée par le nouveau parrain iranien, est basée sur le fait que le printemps arabe serait une illusion, un postulat, une sorte de concept opératoire utilisé par un Occident malade qui ne veut pas admettre que démocratie et islam sont incompatibles, et qu’il faut des laïcs avec des bottes et des treillis pour gouverner le monde arabo-musulman.


La victoire des libéraux en Libye viendra-t-elle contrebalancer l’effet des législatives tunisiennes et égyptiennes, puis l’accession à la présidence de Mohammad Morsi ? En d’autres termes, permettra-t-elle de donner des arguments à ceux qui soutiennent le printemps arabe par principe, sans adhérer à la thèse curieuse du point de vue moral selon laquelle « le mal que l’on connaît est toujours plus doux que celui que l’on ignore »... selon laquelle, pour être plus clair, le régime Assad, tout diabolique qu’il soit et quel que soit le nombre de cadavres, femmes et enfants, qu’il sème par centaines derrière lui chaque semaine, reste toujours mieux que l’inconnu en Syrie ? La thèse israélienne depuis près de 40 ans, en l’occurrence.


Oui, sans doute. La Libye viendra certainement redonner du punch aux libéraux arabes. Dans le sens où il est désormais clair que la vague islamiste n’est pas une fatalité et qu’il existe une alternative libérale, qui doit encore néanmoins surmonter les égos surdimensionnés de l’individualisme et s’organiser sous la forme d’un réseau efficace aussi bien à l’échelle locale que régionale pour pouvoir se constituer en force de changement.


Cependant, tout le raisonnement qui précède est déjà dépassé. Car continuer à poser le problème en termes de lutte entre « libéraux » et « islamistes », les uns étant irrémédiablement progressistes et les autres naturellement barbares, c’est en effet faire le jeu des ennemis du printemps arabe. Cette dialectique simpliste était peut-être d’usage à l’aube des mouvements révolutionnaires. Elle ne l’est plus en tout cas aujourd’hui, sauf dans la bouche de cette propagande pseudo-idéologique hybride qui s’acharne encore à défendre le régime Assad en Syrie. Et pour cause : derrière ce dualisme culturaliste de pacotille, il est en effet demandé aux citoyens du monde entier de prendre position pour ou contre le printemps arabe, et donc, indirectement, de mener campagne insidieusement contre ce dernier.


Or, la démarche est sournoise, dans la mesure où elle ignore l’acquis fondamental que ce printemps arabe a apporté aux peuples soumis : le droit de vote et donc les fondements d’une démocratie à construire et à perfectionner. Pire encore, la cible à séduire, dans cette approche culturaliste essentialiste, ce sont ceux que cette propagande s’acharne à qualifier de « minorités », par opposition à une majorité sunnite pointée du doigt d’une manière elliptique comme étant l’adversaire, l’ennemi. De facto, la « majorité » hostile est assimilée au monstre islamiste conservateur et archaïque, qui va sucer le sang des « minorités ». Le problème de cette propagande, c’est qu’elle fonctionne parfaitement dans l’establishment « minoritaire », surtout religieux. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des grands prélats desdites « minorités », surtout chrétiennes, libanais ou syriens, se sont donc retrouvés dans une position complètement immorale par rapport à leur dogme et à leurs principes, en « priant » pour la victoire du bourreau Assad contre des victimes ontologiquement diabolisées. Sans le savoir, ils ont été biberonnés depuis un demi-siècle par cette idéologie culturaliste sordide qui s’appelle « l’alliance des minorités », qui les a conduits à ne plus réfléchir qu’en termes dialectiques. Depuis un demi-siècle, la plupart des chrétiens du Liban vivent désormais dans un repli communautariste mû par une grande terreur : celle de se retrouver sur le même territoire que l’islam sunnite, « l’ennemi » ancestral... et de découvrir, ajouterons-nous, qu’il ne s’agit pas d’un ennemi, mais d’un particularisme comme un autre, avec ses qualités, ses défauts et ses mutations. Car rien n’est immuable ou éternel. Cet épouvantail, Ahmad el-Assir, qu’il soit sincère, manipulé, qu’il ait tort ou raison, est en train de contribuer quelque part à le démonter.


Il ne faut pas se tromper. Le printemps arabe est avant tout un printemps musulman. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les « minorités » apeurées font presque tout pour s’en exclure, aliénées par un syndrome de Stockholm qui les conduit désormais à embrasser aujourd’hui sur la bouche celui qui les a allègrement massacrés et marginalisés autrefois ; pire encore, l’ennemi de la culture et l’allié de la barbarie ; celui qui détruit les villes de la Nahda pour faire triompher une culture de la badiya militariste fondée sur la corruption, le vol et les liens du sang.


Se poser la question du printemps arabe contre l’islam, et même contre l’islamisme, c’est passer à côté de l’histoire. Car la réponse ne peut se trouver qu’au sein de l’islam, amené, d’une part, à renouer avec sa splendeur d’antan et ses grands philosophes, et contraint, de l’autre, à s’ouvrir à la modernité de par les grandes responsabilités qui l’attendent.


C’est pourquoi, qu’on se le dise, Bachar el-Assad et ses sbires, ces résidus d’une anomalie culturelle agonisante, n’ont plus aucun avenir. Ni en Syrie ni au Liban.

Si elle est confirmée, la nette avance obtenue par l’Alliance des forces nationales lors du premier scrutin libre et démocratique de l’après-Kadhafi en Libye risque de modifier considérablement tous les paramètres dans la région. Une victoire des libéraux sur les islamistes viendrait en effet à point nommé pour démentir toute la rhétorique développée ces derniers mois par tous...
commentaires (6)

Très à propos l'article et on ne peut plus correct. Le printemps arabe a eu lieu que cela nous plaise ou pas. Il y a eu des élections en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Maroc et en Libye. Les résultats ont donné gagnant ceux que le peuple a voulu voir arriver au pouvoir point à la ligne. Chaque peuple a ainsi montré ses aspirations et sa volonté, il nous faut la respecter. La Libye a donné un exemple positif et cet exemple sera suivi avec le temps car le peuple essayera, vivra, verra et choisira. C'est aux laïcs de prouver qu'ils sont aptes a gérer un pays en minimisant la corruption, en écoutant le peuple et en lui fournissant le strict nécessaire en besoin. Quand au minorité, M. Hajjigeorgiou a tout a fait raison de dire qu'ils sont atteints du syndrome de Stockholm. Ils n'ont été que malmené, ignoré, oublié et maltraité et maintenant qu'il y a une chance de respirer ils s'accrochent a leur bourreau. Il faut être Maso pour chercher a se faire botter le cul dans tous les cas!

Pierre Hadjigeorgiou

06 h 41, le 10 juillet 2012

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Commentaires (6)

  • Très à propos l'article et on ne peut plus correct. Le printemps arabe a eu lieu que cela nous plaise ou pas. Il y a eu des élections en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Maroc et en Libye. Les résultats ont donné gagnant ceux que le peuple a voulu voir arriver au pouvoir point à la ligne. Chaque peuple a ainsi montré ses aspirations et sa volonté, il nous faut la respecter. La Libye a donné un exemple positif et cet exemple sera suivi avec le temps car le peuple essayera, vivra, verra et choisira. C'est aux laïcs de prouver qu'ils sont aptes a gérer un pays en minimisant la corruption, en écoutant le peuple et en lui fournissant le strict nécessaire en besoin. Quand au minorité, M. Hajjigeorgiou a tout a fait raison de dire qu'ils sont atteints du syndrome de Stockholm. Ils n'ont été que malmené, ignoré, oublié et maltraité et maintenant qu'il y a une chance de respirer ils s'accrochent a leur bourreau. Il faut être Maso pour chercher a se faire botter le cul dans tous les cas!

    Pierre Hadjigeorgiou

    06 h 41, le 10 juillet 2012

  • Cher Monsieur Michel Hajji Georgiou, moi, je ne risquerais point des analyses positives sur ces printemps pleins d'épines. Ce sont des FIGUES DE BARBARIE ! Le COEUR ou " LE FRUIT " ne peut exister sans les épines, et si on n'ouvre pas la FIGUE et la débarrasse de ses épines, le FRUIT sera avarié ! Bonne journée.

    SAKR LEBNAN

    05 h 40, le 10 juillet 2012

  • Les "jeunesses" arabes sont éduquées, diplômées et cultivées , et pourtant il manque un petit zeste de laïcité qui pourrait façonner des gouvernements apaisés ! La Libye serait-elle le premier maillon ? Les difficultés vont se multiplier, certainement , mais cette nouvelle expérience "à la libyenne " éclaire un minuscule espoir , un espoir tout de même ! Merci à Michel pour son article , il y avait un long moment que j'attendais de le lire .

    Hamed Adel

    05 h 33, le 10 juillet 2012

  • Si l'on réfléchit bien sur le dualisme, on le trouvera encore plus absurde que l'idolâtrie de la personne .Kadhafi en est l' exemple mais il ne faudra non plus tomber dans les couloirs obscurs des courants religieux fanatiques qui veulent gouverner et sont pires que les dictateurs. Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A. Nazira

    05 h 31, le 10 juillet 2012

  • Chaque cycle de ces Printanières, portera la marque de la "Défaite" ! Mais ce ne sera pas le Printemps qui succombera, ce seront les traditionnels appendices qui parasitent : personnes, illusions et idées "Malsaines" dont ce Printemps n'est pas encore dégagé et dont il ne peut être affranchi par ces illusoires victoires actuelles, mais seulement par une suite de défaites. Ce n'est donc point par ses conquêtes prématurité que ce Cycle Printanier se frayera la voie ; au contraire, c'est en faisant surgir une Contre-révolution compacte, en se créant un adversaire clair et net à sa hauteur et en le combattant sur le terrain que cette Printanière pourra devenir une Révolution Culturelle ! Dans ce corps à corps entre cette Contre-révolution qui sort ses cornes et ce Printemps Arabe, la première aura en ses mains tous les postes décisifs, tous les "Moyens Coiniques" musulmans et chrétiens, dans le moment même où ces Printanières déferlent sur le Monde Arabe et où chaque nouvelle apporte un nouveau bulletin Printanier tantôt de Tunisie, de Syrie ou des confins de l’Arabie, entretenant l'ivresse des Saines Populations Arabes et non des "autres Sectaires et Malsaines" : leur donnant les témoignages d'une Victoire qu'elles avaient déjà cru consommée ! Ce qui se déroule en fait n’est qu’une Bataille, certes essentielle, mais non encore la Vraie Guerre. "C’est Ici qu’est la rose, c’est Ici qu’il faut danser !".

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    04 h 19, le 10 juillet 2012

  • Un peu juste" just" quand même comme argumentation...car il ne suffit pas de s'auto proclamer "libéraux" pour l'être,n'est ce pas?E tire des conclusions aussi hâtives des élections lybiennes pour les appliquer au cas syrien me paraît hasardeux...et que dire des affirmations concernant de façon aussi générale "les prélats chrétiens" assimilés d'un trait de plume à des gens sordides mûs par une idéologie d'extrême droite?J'ai déjà exprimé mon opposition à la qualification de minorité qui est faite aux chrétiens...mais bon,il nefaut pas non plus se voiler la face,n'est ce pas?les choses sont peut-être un peu plus,et même beaucoup plus compliquées que la présentation de M. Hajji Georgiou...qui rejette à juste titre un dualisme regrettable...en oubliant que son propre propos l'est bigrement,dualiste...curieux article vraiment dont le côté "définitif" est à mettre au crédit de la "divine surprise" de la "victoire" des" libéraux" lybiens....mais les divines surprises,en politique,nous savons bien ce qu'elles valent...roses,elles vivent ce que vivent les roses...l'espace d'un matin.

    GEDEON Christian

    22 h 13, le 09 juillet 2012

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