Ce n’est pas un monde que j’aime.
Claude Lévi-Strauss
Vingt-cinquième semaine de 2012.
Il faut bien que Michel Sleiman s’occupe. Ou fasse semblant. Non que le chef de l’État ne soit, depuis quelques mois, animé par de bien bonnes intentions ; non qu’il n’ait pas (enfin) décidé, depuis quelques mois, d’appliquer in extenso ses prérogatives, surtout contre le terrorisme politco-psychologique et la milice idéologique d’un Michel Aoun aimablement, cordialement cornaqué par Hassan Nasrallah. Bien au contraire : le locataire de Baabda (d)étonne. Et c’est très bien ainsi. Sauf que son marketing stakhanoviste pendant des semaines en prélude de ce risible dialogue qui n’avait de national que le nom et son service après-vente acharné postdéclaration de Baabda étaient assez pathétiques. Même de bonne guerre.
Eût-il insisté pour reprendre ce dialogue là où il avait (été) avorté, c’est-à-dire aux armes du Hezbollah, que Michel Sleiman aurait marqué un but en or. Au lieu de cela, c’est à dix-sept points d’une banalité confondante que les Libanais ont eu droit. Dix-sept lapalissades. Dont on retiendra tout de même le pompon, le point 5 : le soutien moral et matériel à l’armée. Cette recommandation, le Hezbollah préférerait embrasser Benjamin Netanyahu sur la bouche que de l’appliquer. Pas folle, la guêpe...
Eût-il aussi exigé de ces impétrants un peu tricheurs, un peu usurpateurs, une unanimité non seulement à propos de la maîtrise de la frontière libano-syrienne dans le sens Liban-Syrie mais, surtout, dans le sens Syrie-Liban ; eût-il exigé une condamnation formelle et efficace, flanquée d’une plainte officielle au Conseil de sécurité contre Damas comme cela se fait à chaque agression israélienne, que Michel Sleiman aurait réalisé une grande et belle œuvre. Parce que les incursions de l’armée loyaliste syrienne en terres libanaises deviennent poison quotidien. Le plus souvent se soldant par mort d’homme(s) au Liban, ces violations absolues de la souveraineté nationale sont furieusement ignorées par le 8 Mars, à peine relevées, du bout des lèvres, par le gouvernement Mikati en général, l’inénarrable Adnane Mansour en particulier, et par le commandement en chef de l’armée. Qui se contente d’assurer ce qu’il appelle une présence constante de la troupe, tellement timide, presque honteuse, qu’elle en devient tristement ectoplasmique.
Eût-il enfin exigé un salut républicain, un hommage anticipé, quatre jours avant, à l’installation de l’hyper-Libanais Amin Maalouf dans le fauteuil 29 de l’Académie française que Michel Sleiman aurait posé un acte symbolique certes, mais d’une importance fondamentale, dans l’urgent processus de colmatage d’un navire Liban en train de prendre les eaux les plus saumâtres possible de toutes parts, dans l’urgent processus de réanimation (de résurrection ?) de la coexistence et puis, peut-être, un jour, de la convivialité libanaises.
Dans ces mêmes colonnes, dans l’édition du 25 juin, dans un papier intitulé Tropismes et consacré à l’élection du père des identités meurtri(èr)es comme immortel successeur de Claude Lévi-Strauss, il y avait ce constat : Rarement Amin Maalouf, véritable épitomé de l’identité libanaise, n’aura été aussi nécessaire. Et même suffisant. Une évidence centuplée après son discours d’hier, vert et or, sous la Coupole, son hiératique éloge de son prédécesseur et, surtout, après ces mots, ultime arche de Noé d’un Proche-Orient entre faux espoirs et vraies agonies, délivrés en pleine campagne électorale française, en pleine éclosion de ces hideux points de jonction entre une certaine frange de l’UMP et le Front national, aux antipodes d’un chiraquisme éclairé et éclairant. Ces mots, une fondatrice chanson de geste du IIIe millénaire : Un mur s’élève en Méditerranée entre les univers culturels dont je me réclame. Ce mur, je n’ai pas l’intention de l’enjamber pour passer d’une rive à l’autre. Ce mur de la détestation – entre Européens et Africains, entre Occident et Islam, entre Juifs et Arabes –, mon ambition est de le saper et de contribuer à le démolir. Telle a toujours été ma raison de vivre, ma raison d’écrire, et je la poursuivrai au sein de votre Compagnie. Sous l’ombre protectrice de nos aînés. Sous le regard lucide de Lévi-Strauss.
Si seulement avant ou même pendant l’exécution de cette œuvre herculéenne, Amin Maalouf pouvait expliquer aux Libanais comment saper, comment contribuer à démolir ce mur de la détestation entre l’ensemble des Libanais, ce mur que l’arsenal milicien du Hezbollah a contribué à bétonner, ce mur totalement, honteusement contourné, presque pudiquement, par la table de dialogue installée au palais de Baabda.
Amin Maalouf a voulu faire entrer en le tenant gentiment par la main le Liban dans l’Académie. Le moins que ces Libans métastasés puissent faire, c’est l’y ramener. Vite. En oncologue. En guérisseur.
Vingt-cinquième semaine de 2012.Il faut bien que Michel Sleiman s’occupe. Ou fasse semblant. Non que le chef de l’État ne soit, depuis quelques mois, animé par de bien bonnes intentions ; non qu’il n’ait pas (enfin) décidé, depuis quelques mois, d’appliquer in extenso ses prérogatives, surtout contre le terrorisme...
La Cédraie pointait ce Système Syro-libanais ante, en vue de l’éclosion d’un climat printanier dans cette contrée à idéal Sain libanais. C’était le schéma le plus humanisé à l’œuvre en effet dans son Mouvement Printanier. Jusqu’à la Contre-révolution de 08 en Mai, la Saine était Progressiste, en plein Mouvement, faisait de l’âge d’or l’Avenir ; et les Réactionnaires n’étaient que les innommables Archaïques et Rétrogrades "8 Martiens résistants" pâmés ! Mais, depuis, le problème est que la Cédraie ne faisait plus que leur Résister et juste Réagir à leurs dangerosités ; n’étant plus dans le Mouvement du début, mettant l’âge d’or dans le passé, restant Coi sur place comme ça : Figée ! Croyant cet immobilisme contourner en se cantonnant dans de verbales tranchées avec, comme dernière amulette contre cette "Malsanité" et ses Méfaits, une Phraséologie, un Verbiage : se situant ainsi dans le nominalisme, croyant en la toute puissance des mots, se payant en fait de mots, privilégiant par là le Mot sur le Verbe et l’Action censés, sans aucun sens et sans aucune phrase censée. Avec un tel logiciel, on voit bien qu’elle n’a plus guère d’intérêt aux yeux des Vrais Progressistes Cédraies : Elle freine, elle freine… à tue-tête à présent, cette Saine Cédraie ! Et c’est si décourageant pour ceux qui ont tellement voulu faire dégager le Maelstrom Sécuritaire Funeste Syro-libanais… de Malheur ante.
06 h 13, le 17 juin 2012