« Si le mode de scrutin que je défends pour le Liban est adopté, je risque de ne pas être élu », soulignait ainsi Carlos Eddé hier, lors d’un déjeuner-débat, en présence d’un groupe de journalistes à son domicile de Sanayeh.
Voilà des années que le Amid du Bloc national livre, avec discrétion mais pugnacité, un combat pour que la circonscription uninominale puisse ne serait-ce qu’avoir droit de cité dans le débat public permanent – et quelque peu stérile jusqu’ici – sur la loi électorale au Liban. Ce combat, c’est son oncle et prédécesseur, Raymond Eddé, qui l’avait entamé.
Le projet proposé par le BN prévoit 128 circonscriptions pour 128 sièges avec, à la clé, un découpage déjà réalisé sur plan. Le Amid n’insiste pourtant pas sur ce plan, ni sur les chiffres. « Tout cela peut être révisé », dit-il. Ce qui compte à ses yeux, ce sont les qualités intrinsèques de ce mode de scrutin, sa parfaite adaptabilité au contexte politique, social et culturel du Liban.
Par-dessus tout, ce qu’il recherche, c’est la levée de la sorte d’interdit qui pèse au Liban sur le système majoritaire uninominal, alors même qu’il s’agit du mode de scrutin le plus répandu dans le monde aujourd’hui, en tout cas pour les élections législatives.
M. Eddé cite à ce propos une conversation qu’il avait eue avec l’ancien ministre Fouad Boutros, à l’époque où la commission nationale pour la loi électorale, que ce dernier présidait, mettait au point son projet composite, une mixture faite de majoritaire plurinominale pour les deux tiers et de proportionnelle (théorique) pour un tiers.
Le Amid assure que M. Boutros lui avait dit être favorable, sur le plan personnel, à la majoritaire uninominale, mais que la commission ne pouvait y souscrire, du fait des instructions strictes qu’elle avait reçues de s’en tenir aux grandes circonscriptions.
De fait, l’ancien ministre avait à l’époque tenu des propos similaires lors de conversations informelles avec L’Orient-Le Jour, comme pour signifier qu’il voulait se démarquer personnellement du projet de la commission. Non sans talent diplomatique, il disait que ce projet était certes le meilleur possible, mais uniquement dans les limites de ce que la commission avait été autorisée à faire.
Très pointue, la proposition du Bloc national prévoit un scrutin à deux tours, avec ballottage dans le cas où aucun des candidats n’obtient pas plus de 50 % des voix (et 25 % des inscrits) dès le premier tour. Cette variante présente plusieurs avantages : elle brise la brutalité de la majoritaire, garantit une large assise populaire à l’élu et, de plus, ouvre la voie à quelque chose qui ressemble à des primaires entre candidats d’un même camp.
Comme il le fait inlassablement depuis longtemps avec un souci pédagogique certain, le Amid explique, une à une, les diverses qualités de la majoritaire uninominale : la proximité de l’électeur et de l’élu, la clarté du choix, la facilité du vote, la disparition des manipulations et autres combines dans la formation des listes, etc.
S’agissant du dernier point, il s’arrête quelques instants sur son expérience personnelle durant les législatives de 2009, lorsqu’il se présentait sur la liste d’alliance du 14 Mars et des indépendants au Kesrouan face à Michel Aoun. « J’ai expliqué à des Brésiliens comment se déroulent les élections au Liban; ils ont éclaté de rire! » raconte-t-il. Figurez-vous qu’au moment des tractations pour la formation des listes, j’ai eu des propositions pour figurer sur la liste aouniste. Comme je faisais remarquer que cela m’était impossible du fait des positions que j’exprime depuis des années contre le général Aoun, on m’a répondu ceci : « Au Liban, la politique est une chose, les élections en sont une autre. L’essentiel, c’est d’arriver (au Parlement) ; ensuite, c’est une autre
histoire ... »
Voilà un exemple parfait de ce que l’on appelle la « chatara » du Libanais. En politique comme dans tout le reste, cela consiste en un mot, « arriver », même au prix de toutes les incohérences.
Et c’est bien un combat pour la cohérence politique au Liban que mène Carlos Eddé.
Christian, pour Jabbour, tous ceux qui sont opposés au CPL et HEZB ne peuvent pas avoir raison. Carlos Achkar
13 h 29, le 09 mai 2012