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Liban - En dents de scie

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Dix-neuvième semaine de 2012.
Que des porte-parole plus ou moins zélés fassent état de petits progrès dans l’application du plan Annan en Syrie n’a rien d’étonnant : ils sont payés pour – surtout qu’ils ne peuvent pas être partout en même temps, les observateurs du bon général Mood, pétris de bonne foi, certes, mais qui n’en finissent plus, à force de se contenter d’observer, de prouver leur tragique et absolue inutilité. Les chiffres sont impitoyables : depuis qu’ils sont en poste, le nombre de Syriens assassinés, souvent à bout portant en pleine manif, est effarant.
La question n’en finit pas, elle non plus, d’être posée, reposée, retournée dans tous les sens : faut-il armer l’opposition syrienne ; faut-il accélérer en en décuplant les ravages cette guerre civile qui ne dit pas son nom, cette libanisation de plus en plus inéluctable (les pieds de nez de l’histoire sont souvent redoutables...) ; faut-il laisser, d’un autre côté, femmes, enfants, adolescents se faire littéralement exterminer, arriver aux 15 000 morts dans un ou deux mois ? Cela fait bien longtemps que pour telle ou telle raison, l’Arabie saoudite et le Qatar ont répondu oui, à très haute voix, à l’armement. Les Occidentaux n’ont rien dit / (concrètement) fait : jusqu’à quand ? Non catégorique, en revanche, pour, entre autres, l’Iran, la Russie ou la Chine – laquelle, bizarrement, ne ressent aucun état d’âme lorsqu’elle assène, par la voix de son ambassadeur à Beyrouth Wu Zexian, que la vente d’armes au Hezbollah est une affaire commerciale, pas une violation des lois internationales. L’État libanais a une sacrée résilience : lorsqu’on lui crache au visage, il est convaincu qu’il pleut (à torrents).
Pas toujours, pourtant. Cette semaine, le juge d’instruction près le tribunal militaire, le brave Sakr Sakr, a accusé 21 personnes, dans le cadre de l’affaire du bateau Lutfallah II, d’avoir acheté, empaqueté et transporté de grandes quantités d’armes et de munitions de Tripoli, en Libye, jusqu’au Liban dans le but de perpétrer des actes de sabotage. À la bonne heure! Dans l’exercice stupide de leur outrancière politique de mise à l’écart, de non-assistance délibérée à un peuple et à des communautés décimés jour après jour (le pardon du Liban aux Syriens sera bien plus retentissant que celui, aux Libanais, d’une Syrie qui avait pour excuse d’être sous les bottes du gang Assad – à moins de se consoler en répétant que ce même Liban est écrasé sous les rangers des miliciens du Hezbollah...), les autorités libanaises rappellent à tous la vastitude de leur insensée, leur pathétique schizophrénie.
Même si cent et une interrogations demeurent furieusement opaques (l’envoi du Lutfallah II de Libye en Syrie via les ports égyptien et libanais d’Alexandrie et de Tripoli a-t-il été décidé et organisé par la communauté internationale ?), tout le monde aurait applaudi le refus de Beyrouth d’empêcher la moindre contrebande ou la moindre atteinte à sa souveraineté territoriale s’il n’y avait pas cette absolue lâcheté face au Hezbollah, face à ces infinis trafics d’armes en tous genres, ces camions timidement, presque honteusement arrêtés dans les virages de Dahr el-Baïdar ou ailleurs, puis rendus, avec mille excuses, à leurs destinataires – l’État et l’armée jurant leurs grands dieux, bien sûr, qu’il pleuvait...
Le premier vice-président iranien, Mohammad Reda Rahimi, qui s’est longuement arrêté à Beyrouth cette semaine, n’a pas manqué d’évoquer tout cela, surtout avec Hassan Nasrallah. Si seulement il s’était arrêté là : le projet d’accord de coopération sur l’enseignement scolaire avec l’Iran qui devrait être étudié et avalisé prochainement au cours d’une réunion d’une délégation iranienne au Liban figurait certainement au cœur des discussions de l’envoyé des ayatollahs.
Le seul problème : ce sujet est aussi grave, aussi délétère, au moins, que ces armes qui pullulent aux mains des milices. Mais de cela, tout le monde se moque. À commencer par l’hypersilencieux Hassan Diab. Le fantomatique ministre de l’Éducation nationale.
Dix-neuvième semaine de 2012.Que des porte-parole plus ou moins zélés fassent état de petits progrès dans l’application du plan Annan en Syrie n’a rien d’étonnant : ils sont payés pour – surtout qu’ils ne peuvent pas être partout en même temps, les observateurs du bon général Mood, pétris de bonne foi, certes, mais qui n’en finissent plus, à force de se contenter...

commentaires (7)

L’affaire du Tintarallah est un scandale. Il faut tout de suite embastiller ces marins qui véhiculent des armes dans le mauvais sens. Il suffit d’ouvrir un manuel d’Histoire pour comprendre que le flot naturel des armes est du Nord vers le Sud. L’inverser reviendrait à mettre en danger l’écosystème de la planète.

Jack Hakim

11 h 09, le 05 mai 2012

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Commentaires (7)

  • L’affaire du Tintarallah est un scandale. Il faut tout de suite embastiller ces marins qui véhiculent des armes dans le mauvais sens. Il suffit d’ouvrir un manuel d’Histoire pour comprendre que le flot naturel des armes est du Nord vers le Sud. L’inverser reviendrait à mettre en danger l’écosystème de la planète.

    Jack Hakim

    11 h 09, le 05 mai 2012

  • Les armes toujours les armes que cela soit une affaire commerciale ou une violation des lois internationales ,il est triste de voir ainsi les choses et encourager cette fois en Syrie une guerre civile qui aura des répercussions aussi sur le Liban. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    07 h 14, le 05 mai 2012

  • L'article de Ziyad Makhoul nous interpelle. Il est vrai que le Liban est le pays de la résilience. Cela dit, je ne crois pas que la résistance doive être armée. Je partage l'avis de M. Sakr Lebnan. Le régime de Damas doit tomber – et il tombera –. Le plus tôt sera le mieux. On attend des diplomates, et surtout de l'ONU, une autre attitude. Ou peut-être un retournement de l'armée... P.S. Sans l'approuver, je peux comprendre ceux qui prônent la légitime défense.

    Nayla Sursock

    03 h 39, le 05 mai 2012

  • Monsieur Makhoul, moi, je m'appelle Sakr Lebnan, et je vous jure que je n'ai accusé personne. Bon, hun ? Allons maintenant à votre article. votre analyse est objective car elle décrit les réalités sur le terrain. Mais, pour la Syrie, j'aurais préféré que les choses se passent autrement, et en douceur, sans plus de tueries et de destructions. S'asseoir ensemble, tous les Syriens, discuter, former un gouvernement de transition qui arrangera des élections libres et démocratiques, auxquelles tous les partis pourront participer, sous l'égide et le contrôle des Nations Unies, et...qui aura la majorité des voix du peuple gouvernera. Cela évitera à toute la région, et en premier lieu au Liban, des convulsions et des changements dramatiques, et peut-être catastrophiques. C'est mon humble avis.

    SAKR LEBNAN

    02 h 38, le 05 mai 2012

  • Je voudrais ajouter ceci : Le "projet d'accord de coopération sur l'enseignement scolaire avec l'Iran" est pire et plus grave que celui de l'histoire unifiée du Liban, que le chef du gouvernement a retiré des débats. Je répète que c'est un projet à jeter immédiatement à la poubelle. Les forces politiques qui croient encore à la nature, au visage et à l'essence du Liban, ont le devoir d'exiger cela du Premier ministre et du "fantomaqtique" ministre de l'Education nationale.

    Halim Abou Chacra

    02 h 19, le 05 mai 2012

  • En ces temps d’épidémies de libertés qui partout s'entremêlent, le Libanais est sommé de se déterminer par rapport à cette contamination libertaire, voire de participer à tous ces a priori assénés avec d'autant plus de conviction qu'ils sont éminemment précaires ! Car, qu'il s'agisse des avantages ou des périls des embardées déconcertantes de "Sœur Syrie", ou de l'imprédictible avenir de ce Liban-là, il arrive souvent que la modestie de sa compétence en la matière, à ce Moyen indigène "post-araméen", n'ait d'égale que la véhémence certaine qu’il met à exprimer son avis ! Ce faisant, il tente, certes, de s’aligner sur les myriades d'exégètes dont les avis se croisent et se décroisent à l’envi ! Et comme ils se contredisent à l'envie, ils lui permettent et sitôt il en profite, le Petit, de ne choisir dans l'abondance de leurs exégèses que ce qui l’arrange… et de négliger tout le reste ! Mais qu'est-ce donc qui fabrique son opinion et la rend si péremptoire, alors que c'est sa précarité en tant que Simple Libanais qui devrait le préoccuper ? Sans doute un indistinct mélange de bas intérêts et encore plus d’intérêts bas, s'inscrivant plus ou moins mais plutôt profondément dans ses gènes Pseudo-phéniciennes mais assurément strictement "d’Indigène", et de bon Gros commerçant bedonnant et "rotant", repu certes, alors que l'avenir de sa contrée crevassée serait plutôt plus qu’aléatoire et déconcertant !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    02 h 05, le 05 mai 2012

  • Que peut-on attendre d'un Etat dont un ministre, celui des Télécommunications, donne toute légitimité et indépendance au réseau de télécommunications d'un parti politique armé, qui, pratiquement, est hors-la-loi par rappport à son propre ministère ? Ce ministre s'incline honteusement, à la manière de "amrak sidi", devant ledit parti politique et lui remet toutes les données des communications téléphoniques qu'il désire, alors qu'il refuse ces données aux forces de sécurité de l'Etat dont il est ministre ? Tout cela au nom d'un mensonge appelé "résistance" ? Connaissez-vous un Etat avec tant d'anomalies, un Etat mascarade, comme celui dont il s'agit ?

    Halim Abou Chacra

    01 h 59, le 05 mai 2012

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