Son prédécesseur, le patriarche Sfeir, avait plus d’une fois invité les différents leaders chrétiens à s’unir autour des constantes nationales. Il a même essayé de les réunir en ce sens – en vain : il n’a pas pu assurer, ni l’unité des rangs ni même l’unité des objectifs « parce qu’ils se disputent le pouvoir ».
Mgr Raï réussira-t-il là où le cardinal Sfeir a échoué ?
Les leaders chrétiens étaient forts dans le passé, pas grâce au nombre de leurs coreligionnaires, qui dépassait celui de leurs compatriotes musulmans, mais grâce à leur rôle : le chef de la majorité comme le chef de l’opposition étaient à l’époque maronites, ou du moins chrétiens, et ils étaient suivis par les leaders des autres communautés. Aujourd’hui, les chrétiens en général et les maronites en particulier ont (presque) tout perdu : ils ne sont plus pionniers ni leaders, pas seulement à cause des évolutions démographiques, mais justement parce qu’ils ont perdu ce rôle qui était le leur. Chaque parti, chaque courant jouent un rôle à part et suivent telle secte mahométane ou telle autre; ils ne sont plus chefs mais dépendants, plus décideurs mais suiveurs.
À l’époque, cheikh Béchara el-Khoury présidait les listes électorales du Destour pour les législatives dans la majorité des mohafazats ; ces listes comprenaient des candidats de toutes les communautés. Face à lui, l’autre leader chrétien, Émile Eddé, qui présidait aux destinées du Bloc national, là aussi pluriconfessionnel. Camille Chamoun a suivi leur exemple, Fouad Chéhab aussi, jusqu’à l’intrusion de la guerre civile qui a vite pris une couleur confessionnelle, faisant perdre aux différents partis leur dimension nationale : ils n’étaient plus, donc, que confessionnels. Résultat direct de tout cela : les Libanais en général et les chrétiens en particulier ont massivement émigré, et les prérogatives du président de la République ont été nettement rognées par l’accord de Taëf. Ensuite, la tutelle syrienne a décuplé la marginalisation politique des chrétiens : les grands leaders chrétiens qui s’y opposaient ont disparu.
Ces chefs maronites n’ont pas cessé de camper sur leurs divisions, toutes leurs divisions, et ne se sont retrouvés que pour s’opposer à ce qui était appelé le second bureau ou au courant nassérien – d’où la naissance d’une troïka bien particulière, formée de Camille Chamoun, de Pierre Gemayel et de Raymond Eddé, malgré toutes les divergences qui séparaient ces trois hommes. La même catastrophe politique les ayant réunis, leur alliance a triomphé aux législatives, les leaders chrétiens se sont retrouvés comme les doigts d’une seule main, et avec eux une minorité de chefs musulmans, pour boycotter les élections de 1992, basées sur une loi violant l’accord de Taëf. Ensuite, à l’ombre de la présence continue des soldats syriens au Liban et grâce à l’union des chefs maronites pour la dernière fois à Kornet Chehwan, puis par l’adhésion de certains de leurs homologues musulmans, au Bristol, la souveraineté, la liberté et l’indépendance ont pu être récupérées à travers la révolution du Cèdre, enflammée par l’assassinat le 14 février 2005 de l’ex-Premier ministre martyr Rafic Hariri.
Aujourd’hui, ces leaders chrétiens sont totalement divisés et une seule question se pose : comment pourraient-ils préserver la parité stipulée par Taëf au sein de quelque loi électorale que ce soit, à moins que chaque communauté n’élise seule ses représentants, dans une violation flagrante de la coexistence et de l’union nationale ?
Les retrouvailles autour d’un même objectif et dans le cadre d’une alliance électorale de ces leaders semble inéluctable. L’idéal serait de copier le modèle chiite, constitué du binôme Amal-Hezbollah, qui a réussi à faire de la minorité musulmane dans différentes circonscriptions le vecteur de victoire pour un pôle chrétien qui n’aurait finalement gagné qu’avec une minorité de voix... chrétiennes.
La question qui se pose est la suivante : sont-ils capables, ces chefs maronites, de former une alliance électorale indépendamment de leurs regroupements politiques ou de toute évolution régionale – une alliance seule à même de garantir la parité, quelle que soit la loi ? Bkerké jouera-t-il un rôle-clef à ce niveau ?
Le patriarch3 Ne doit pas dajte De la politike basta
17 h 11, le 22 avril 2012