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Liban - En dents de scie

(Méno)pause

Sixième semaine de 2012.
Rarement le Hezbollah aura-t-il été aussi déboussolé, aussi gêné, presque hagard. Aussi lost in translation. Cette escale, cette période de transition entre un régime syrien et un autre, le parti de Dieu est celui qui la vit le plus difficilement, et pour cause : il doit gérer le dehors (ce qui se passe dans le sang en Syrie et ce qui se calcule dans la sueur en Iran) et le dedans (le mouvement de balancier cyclothymique d’un CPL mi-neurasthénique, mi-hystérique). Rarement visite d’apparence aussi anodine que celle menée ces dernières heures par le Hezb au... Tachnag, le quatrième larron, avec les Marada, du 8 Mars, n’aura autant signifié le pathétique de l’état des lieux : le parti chiite vit décidément très mal cette midlife crisis de la maison 8 Mars et que compliquent férocement les débordements azimutés des aounistes et de leur patron.
Quoi de plus clair qu’un Premier ministre choisi par ce 8 Mars au détriment de toute logique électoraliste et non plus imposé par la majorité comme avec Fouad Siniora ou Saad Hariri et qui claque la porte, littéralement excédé, et comme lui un chef de l’État de plus en plus windsorien, par les coups de boutoir putschistes d’une dizaine de ses ministres ? Quoi de plus clair que ces appels publics lancés par ces cadors usés et usants du aounisme à leurs partisans invités à envahir les rues et à manifester – mais contre qui, contre quoi, contre eux-mêmes, contre la personne qu’ils ont désignée, contre un système avec lequel ils vivent désormais en parfaite symbiose ?
Le Premier ministre a décidé de jouer avec les armes du 8 Mars. Comme avant lui les ministres chiites et le lahoudien Yaacoub Sarraf, il a décidé de bouder : il a suspendu les Conseils des ministres et a expliqué à L’Orient-Le Jour qu’un minimum de productivité est indispensable et qu’une entente préalable est impérative. Sauf que le véritable problème n’est pas que Nagib Mikati soit ravi (ou pas) d’avoir reçu un prétexte en or pour esquiver institutionnellement, ne serait-ce qu’un moment, cent et un sujets furieusement fâcheux ; qu’il soit en train de devenir (ou pas) une véritable bête politique, un Kasparov made in Lebanon, ou qu’il soit profondément et sincèrement éreinté (ou pas) par l’amateurisme et la gloutonnerie aounistes.
Ce qui est littéralement ahurissant, affligeant et très amusant à la fois est de voir se déchirer live une équipe plus ou moins hétérogène certes, mais censée être cimentée par sa haine farouche du 14 Mars et sa tendresse sororale à l’égard du régime de Bachar el-Assad. Ahurissant que cette faction de Libanais incapable de la moindre autogestion lorsque le tuteur a retiré son armée ou qu’il est occupé ailleurs – aussi stakhanoviste que soit l’ambassadeur Ali Abdel Karim Ali... Encore plus ahurissant lorsque l’on voit que les habitudes des Assad n’ont pas changé : ne voilà-t-il pas que Damas renoue avec sa sinistre habitude et recommence à envoyer de très sales laundry lists à Beyrouth, agressivement, péremptoirement. Et de cela, Nagib Mikati est agacé, le Hezbollah contrit et le CPL indifférent : il donnerait aux Assad tout ce qu’ils exigeraient à condition qu’il puisse squatter tous les postes au Liban.
Les Libanais avaient compris depuis longtemps déjà que cette hérésie de gouvernement d’union nationale n’était qu’un stérilet à hormones, un miroir aux alouettes qui ne leurrait plus personne. Ils viennent de comprendre aussi qu’un gouvernement bicolore sur le papier, effroyable tour de Babel en réalité, est loin d’être une sinécure. C’est affolant comme dans ce pays on finit toujours par regretter ce qu’on s’est échiné à conspuer. Et le pire est à venir : tout ce qui se passe ou presque, tout ce qui se passera dans les mois à venir ne sera dicté, de part et d’autre, que par les législatives de 2013. Le PSP et son ministre des Affaires sociales Waël Bou Faour comprennent décidément plus vite que les autres...
Hassan Nasrallah tient absolument à s’exprimer mardi. Il n’aura évidemment pas l’intelligence ni la vision que la situation en Syrie est censée décupler de provoquer la démission du cabinet Mikati et de faire plus fort que le 14 Mars en s’entêtant en faveur d’un gouvernement d’une petite dizaine de technocrates. Au mieux, le secrétaire général du Hezbollah rabâchera-t-il les mêmes antiennes que depuis un an, au pire, choisira-t-il le suicide et entraînera-t-il un nouveau 7 Mai. Dans un cas comme dans l’autre, il ne lâchera pas son trop encombrant, et surtout désormais inutile allié, le CPL. Dont le chef, Michel Aoun, est effectivement l’homme le plus constant de l’histoire du Liban : 24 ans plus tard, il n’a pas changé, et veut être président, Premier ministre et trente ministres à la fois.
En attendant, c’est récré pour tout le monde. Cela tombe bien : le Liban n’a besoin de rien.
Sixième semaine de 2012.Rarement le Hezbollah aura-t-il été aussi déboussolé, aussi gêné, presque hagard. Aussi lost in translation. Cette escale, cette période de transition entre un régime syrien et un autre, le parti de Dieu est celui qui la vit le plus difficilement, et pour cause : il doit gérer le dehors (ce qui se passe dans le sang en Syrie et ce qui se calcule dans la sueur en...

commentaires (3)

Un 7 Mai ne peut avoir lieu, puisqu'il ne peut plus y avoir de 5 Mai.

Jaber Kamel

05 h 41, le 04 février 2012

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Commentaires (3)

  • Un 7 Mai ne peut avoir lieu, puisqu'il ne peut plus y avoir de 5 Mai.

    Jaber Kamel

    05 h 41, le 04 février 2012

  • C’est récré pour tout le monde, belle phrase qui résume votre article dans un pays ou chacun veut préserver sa tête au changement des régimes . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    05 h 31, le 04 février 2012

  • Contre qui cette fois Hassan Nasrallah "va faire un (néfaste) 7 mai" ? Cela ne peut être que contre lui-même, comme mon général. Voilà ce que ça donne un gouvernement des "chemises noires" !

    Halim Abou Chacra

    01 h 41, le 04 février 2012

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