Si l’on se souvient de la Charte de 1943, les chrétiens avaient accepté de ne plus bénéficier de la protection de la France et les musulmans de renoncer à la fusion avec la Syrie dans un but commun : aboutir à une indépendance totale, sans suivisme ni dans un sens ni dans l’autre comme se plaisait à le répéter Riad el-Solh. Lequel, au cours de la séance d’adoption de la Charte de la Ligue arabe, avait martelé que « le texte concernant la garantie de l’indépendance du Liban réside en cette décision une, indivisible, catégorique et définitive. Où que nous allions, nous les pères de l’indépendance, nous nous battrons pour préserver nos acquis non seulement contre l’Occident, mais aussi contre l’Orient ».
À cette époque, le Libanais, chrétien comme musulman, s’enorgueillissait de son appartenance à la oumma arabe, comme se plaît à le rappeler la fille de Riad el-Solh, Leila Solh Hamadé : « Actuellement, ce patrimoine semble s’être affaibli. Il y a aujourd’hui des leaders collabos, prêts à allumer les feux confessionnels et sectaires pour tenter de récolter les dividendes de ces guerres... Et le pire, c’est que le peuple va dans le même sens : un chrétien qui a peur et qui émigre, un chrétien qui reste et qui combat, un musulman qui reste et qui abdique et un sunnite qui se bat contre un chiite... Tout cela sans compter les interventions étrangères qui dynamitent toute ébauche de réconciliation, et cette mentalité libanaise qui dit qu’à chaque fois que le Liban gagne une bataille pour l’indépendance, il entre dans des turbulences, alors qu’à chaque fois qu’il est protégé, il resplendit », dénonce l’ancienne ministre.
En réalité, ce concept de foi inébranlable en l’indépendance et l’application de ni Occident ni Orient n’ont pas tenu bien longtemps : une partie des Libanais regarde de nouveau vers l’Est et une autre vers l’Ouest et chacune, comme le souligne à bon escient l’ancien député Samir Frangié, a choisi de puiser sa force de l’extérieur, soit sous le prétexte de se défendre, soit pour trancher en sa faveur son combat avec l’autre camp. Les chrétiens l’ont fait, les sunnites ensuite et c’est aujourd’hui le tour des chiites, mais « nous devons nous solidariser les uns avec les autres » pour qu’en cas de chute du régime syrien, il n’y ait pas au Liban un vainqueur et un vaincu. Au contraire, il serait impératif de favoriser une renaissance du Liban.
Une question se pose naturellement : quel Liban, maintenant que le pays est passé par moult mauvaises expériences, les unes plus nocives que les autres ? Quelle formule définitive de coexistence ? Beaucoup justement pensent que la neutralité est la voie vers l’indépendance et sa garantie. Cette neutralité, comme l’explique le secrétaire général du PNL Élias Abou Assi, consiste à rester à l’écart des conflits régionaux et internationaux ; à être en bons termes avec tout le monde, sans suivre quelque pays que ce soit. Être neutre n’implique aucunement s’isoler, mais bien plutôt isoler les éléments négatifs et aboutir à la véritable indépendance. Corollaire très utile : aucune partie ne pourra alors interpréter et expliquer comme elle l’entend les concepts de souveraineté, d’indépendance, de respect de la Constitution, etc.
Comme le chrétien puis le sunnite l’ont fait avant lui, le chiite finira bien par reconnaître que c’est « Le Liban d’abord ». Mais la condition sine qua non de ce « Liban d’abord » n’est autre qu’une neutralité tous azimuts de ce pays, à l’instar de la Suisse ou de l’Autriche.
commentaires (15)
- - Je n'ai pas bien compris Anastase ! Les commentaires de qui ?
JABBOUR André
14 h 23, le 26 novembre 2011