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Culture - Rencontre

Jana Fawaz el-Hassan, une agitatrice de conscience...

À travers son second roman en langue arabe, une jeune femme, agitatrice de conscience, parle de l’univers des femmes sans que les hommes en soient exclus. Jana Fawaz el-Hassan, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre...

Jana Fawaz el-Hassan, jeune écrivaine et femme moderne. Photo Michel Sayegh

Edgar DAVIDIAN

 

Rencontre pour tirer au clair ces « ainsi soient-elles » levantines...
Cheveux ondulés jusqu’aux épaules, jeans moulant, yeux maquillés, chemisier noir avec décolleté léger, talons-aiguilles en semelle compressée, petits bijoux au cou et dans les oreilles, Jana Fawaz el-Hassan est une femme de lettres en langue arabe de vingt sept ans, parfaitement dans l’air du temps. Femme moderne (elle est mère d’une fille de sept ans ! ) tout comme son écriture « speedée » et chargée d’une certaine poésie contemporaine.
« Mon écriture est directe et intense, dit-elle, un peu comme celle de Leila Baalbacki... J’écris de la poésie sans la publier et ma préférence va surtout à la prose romanesque où, avec délectation et un singulier sens pour me rapprocher des autres, je peux me dédoubler et me démultiplier... ».
Son jeune parcours inclut déjà journalisme et traduction. Taquiner les muses ne lui est pas étranger mais c’est dans l’inspiration romanesque qu’elle trouve le mieux l’accomplissement de sa personnalité, des impératifs de sa plume et de son dire littéraire.
« Pourtant écrire, souligne-t-elle avec une moue un peu fatiguée, n’a rien d’agréable en soi, souvent même c’est difficile. Je dirais aussi je ne m’aime pas écrivant... Mais j’aime raconter des histoires et user de mon imagination et imaginaire. Il y a certainement là matière à créativité. Dans un roman on peut être à la fois poète, peintre, serveur de café... ».
Après Raghabat mouharrama (Désirs interdits), son second roman Ana, hiya wal-oukhrayat (Moi, elle et les autres – 199 pages, aux éditions Arab Scientific Publishers, Inc.) déjà en vitrine pour cet été de canicule, reflète ses préoccupations, ses griefs, son besoin de liberté, ses rêves d’évasion, sa volonté d’émancipation, son entité de femme. En termes nets mais non provocants ou provocateurs. Avec audace certes, mais aussi un sens mesuré de la critique sociale d’un environnement étouffant et figé dans ses mœurs et traditions.
Fille du Nord, plus précisément de la région du Koura, Jana Fawaz el-Hassan (« Je signe ainsi, confie-t-elle avec un petit sourire presque amusé, pour qu’on ne me confonde pas avec la chorégraphe Jana el-Hassan ») a plongé, pour ses études universitaires, dans la langue anglaise. Diplôme de lettres de l’UL, mais ce sont surtout l’écriture et les arcanes du romanesque qui la tiennent éveillée et la passionnent.
« Pourquoi j’écris ? J’écris tout d’abord pour m’opposer, pour objecter... C’est bien simple : écrire est le seul lieu auquel j’appartiens, déclare-t-elle. L’écriture s’est imposée à moi. Il y a bien entendu là une part de plaisir mais également de l’angoisse, de l’inquiétude, presque de la tourmente. »
Férue de Kundera, Moravia, Duras, Austen, mais aussi de Mahmoud Darwich, Pablo Neruda, Naguib Mahfouz, Najwa Barakat et Hassan Daoud, Jana el-Hassan brosse dans son dernier roman le portrait de plusieurs femmes à travers la trame d’une narration ayant pour fond une critique socio-religieuse.
Sahar, son alter ego (« Paradoxalement ce n’est jamais moi et c’est toujours moi », dit-elle dans un petit rire enjoué), est une jeune fille rêveuse, prise entre réalité et imaginaire. À part qu’elle épouse un homme jaloux et trop proche de la religion, elle affronte un père communiste, athée, grincheux et dépassé, dans un environnement islamiste, depuis la chute du rideau de fer et du mur de Berlin... La mère, mal-aimée de son époux, entretient un rapport agressif dans sa conjugalité branlante.
Dans cet écheveau un peu nœuds de vipères, emmêlé et tendu, débarque Hala, une amie de la narratrice, libre et décontractée.
À cela s’ajoute des personnages secondaires telle une tante, symbole un peu de la féminité et de toutes les autres femmes...
« Oui, j’aime les détails psychologiques de tous mes personnages et je construis avec eux un univers très proche de la réalité, explique Jana Fawaz el-Hassan. Dans l’absolu je ne crois pas au bonheur. Pour moi, il y a tout simplement des moments de joie. »
À part les projets d’écriture (et il y en a sur sa table de travail !) qu’ambitionne cette jeune écrivaine qui de toute évidence aime bien croquer la vie à belles dents ? Petite pause, mine de réfléchir et la réponse fuse, un peu tel un canular : « J’aimerais être Premier ministre... mais c’est sans doute un rêve car je n’aime pas la politique telle qu’elle est pratiquée au Liban... ».

Edgar DAVIDIAN
 
Rencontre pour tirer au clair ces « ainsi soient-elles » levantines...Cheveux ondulés jusqu’aux épaules, jeans moulant, yeux maquillés, chemisier noir avec décolleté léger, talons-aiguilles en semelle compressée, petits bijoux au cou et dans les oreilles, Jana Fawaz el-Hassan est une femme de lettres en langue arabe de vingt sept ans, parfaitement dans l’air du...

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