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Culture - Initiative

La bibliothèque municipale, cœur battant du village de Sebeel

Une bibliothèque au cœur d’un village. Tel est le projet porté par Josiane et Habib Torbey pour combattre l’ignorance, source de régression et de pauvreté. Une bibliothèque publique municipale qui, en l’espace de deux ans, est devenue plus qu’un lieu de diffusion du savoir, une «maison mère» ouverte à tous. Quasiment un centre culturel, dont le rayonnement atteint les villages alentour.

Une bibliothèque installée dans une charmante maison de la place du village.

De Beyrouth à Sebeel, la route est longue. Une heure trente environ de trajet en voiture pour atteindre ce petit village de 2000 âmes niché à 800 mètres d’altitude dans le caza de Zghorta, entre champs d’oliviers et vignobles. Ici, les travaux agricoles et manuels sont rois. Et les préoccupations vitales, peut-être aussi les querelles de clocher, laissent peu de place au désir de culture et d’acquisition des connaissances. Il faut dire que – comme partout ailleurs dans ce pays et en particulier dans les régions éloignées – rien n’est vraiment entrepris par l’administration pour promouvoir le développement et l’éducation. Faute de budgets dont disposent les ministères concernés? Toujours est-il que le dénuement et l’insalubrité de l’école publique de ce village (voir cadre ci-joint) témoignent d’une certaine négligence de la part de l’État.
Il fallait donc tout le dynamisme, l’acharnement et sans doute aussi l’idéalisme de Josiane Torbey, architecte de formation, professeure à l’ALBA et épouse du président de la municipalité de Sebeel, Habib Torbey, pour vouloir changer les choses, à commencer par les mentalités. D’où l’idée d’ériger une bibliothèque publique.
Premier maillon d’une chaîne d’actions qu’elle met en œuvre avec le soutien actif de son mari pour aider au développement de ce village démuni et offrir une plus grande égalité de chances à ses jeunes habitants, ce projet était pourtant loin de provoquer l’enthousiasme des Sebeeliotes.
«Quand on en a parlé aux gens du village, ceux-ci l’ont complètement rejeté au départ. Ce qu’ils demandaient, eux, à la municipalité, c’est tout simplement de résoudre leurs problèmes de covoisinage et de leur construire des murets le long des routes...» raconte la jeune femme. Qui n’a pas pour autant renoncé à son idée, intimement convaincue du rôle actif du livre et de la culture dans l’évolution d’une société.
Installée dans une charmante ancienne maison de la place du village (louée par la municipalité) et agréablement aménagée par ses bons soins selon les normes requises, avec tout le matériel nécessaire, des rayonnages de livres divers au grand écran de projection, en passant par les ordinateurs... la bibliothèque a ouvert ses portes il y a deux ans. Il a fallu, néanmoins, un travail de longue haleine pour décider les habitants du village à la fréquenter.

Cultiver en divertissant
Car malgré le fonds de 7000 ouvrages trilingues, réunis grâce à diverses contributions (aussi bien celle du ministère de la Culture, qui a appuyé l’ouverture de cette bibliothèque, que celle de l’association Assabil, au réseau duquel elle est affiliée ou encore de donateurs privés...), «on a vite compris qu’il fallait user de méthodes de divertissement pour pousser les gens à en franchir le seuil. On a donc instauré des activités et des concours récompensés de surprises et de cadeaux», indique Josiane. Qui, avec l’aide d’Éliane la bibliothécaire et d’une quinzaine de volontaires, n’a pas ménagé sa peine pour mettre au point des programmes hebdomadaires, voire quotidiens, durant les vacances. Séances de contes en arabe, anglais et français; ciné-club; travaux manuels; chants; jeux éducatifs; accès gratuit à l’Internet ou encore club écolo... Sans compter les événements ponctuels, comme la découverte de la voie lactée au moyen de télescopes et de projection sur grand écran sous la férule d’un astronome, des pièces de théâtre offertes par de jeunes troupes que Josiane sollicite ou encore l’organisation de sorties de groupe incluant des visites de sites historiques (Baalbeck), touristiques (le centre-ville de Beyrouth) et culturels (galeries d’art). Bref, tout est fait pour attirer les jeunes vers cette bibliothèque municipale devenue un espace de loisirs instructifs et de retrouvailles quotidiennes. En témoignent les échanges d’un groupe de préados, rencontrés sur place et qui, penchés au dessus d’un atlas largement ouvert, tiraient des plans sur leurs futurs voyages à travers le monde!
Par le biais de leurs enfants, les parents ont eux aussi fini par en franchir le seuil. Empruntant un roman par-ci, un film par-là, venant y faire des recherches sur un thème de débat, les adultes se sont laissé prendre au jeu et ont commencé par participer aux séances de ciné-club, puis au club de lecture et même aux ateliers d’écriture! Ils sont même de plus en plus nombreux à s’inscrire aux sessions de cours de langues qui y sont dispensées par des enseignants des centres culturels étrangers (le British Council et l’Institut français notamment) à des tarifs réduits grâce à la prise en charge d’une partie de la cotisation par des associations (dont Francophonia-Liban) et un noyau dur suit désormais assidûment les conférences et les diverses activités proposées.
Et si les romans, les beaux livres, les essais, les revues, les encyclopédies ou encore les ouvrages multimédias d’initiation (livres et CD inclus) à la musique ou à l’art ne montrent pas encore les stigmates d’une utilisation intensive, il n’en demeure pas moins que l’intérêt pour la culture, l’art et les différentes formes de savoir a désormais été inoculé au village. Et même à plusieurs kilomètres aux alentours... Car sur les 400 abonnés de la bibliothèque de Sebeel, un nombre non négligeable vient des autres villages de la région. «Sans compter les écoles du caza qui la fréquentent régulièrement, sur recommandation du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur», signale, une pointe de fierté dans la voix, Josiane Torbey. Laquelle a toutes les raisons d’être satisfaite de son accomplissement. Car s’en est un, et d’envergure, que de se battre sur tous les fronts – parfois même à contre-courant! – pour offrir à ses compatriotes un espace culturel. Qui plus est fédérateur...
De Beyrouth à Sebeel, la route est longue. Une heure trente environ de trajet en voiture pour atteindre ce petit village de 2000 âmes niché à 800 mètres d’altitude dans le caza de Zghorta, entre champs d’oliviers et vignobles. Ici, les travaux agricoles et manuels sont rois. Et les préoccupations vitales, peut-être aussi les querelles de clocher, laissent peu de place au...
commentaires (3)

Heureux village d'avoir des gens de cette qualite pour les administrer...quel exemple !!!

Houri Ziad

10 h 21, le 25 juin 2012

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Commentaires (3)

  • Heureux village d'avoir des gens de cette qualite pour les administrer...quel exemple !!!

    Houri Ziad

    10 h 21, le 25 juin 2012

  • Bravo quelle belle initative fédératrice menée tambour battant par l'enthousiasme contagieux et l'inépuisable énergie de Josyane Torbey. Affaire à suivre!

    Zeina Saleh Kayali

    03 h 17, le 25 juin 2012

  • A Josiane et Habib, que je connais depuis son enfance, je tiens à exprimer toute mon admiration et mon respect pour votre dynamisme intelligent et éclairé. Pourvu que votre oeuvre fasse beaucoup de petits , et qu'elle inspire beaucoup de nos concitoyens !! voilà une façon tellement constructive d'investir son énergie,il faut imiter sans modération ! Hélène Toutoungi Wardé

    Hélène Wardé

    03 h 05, le 25 juin 2012

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