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Culture - Spectacle

Illusions optiques

Dans « Un grain de sable dans l’œil du soleil », présenté au théâtre al-Madina*, Nagy Souraty invite le spectateur à le rejoindre dans ces pérégrinations philosophiques et visuelles, inspirées des textes d’Etel Adnan. Une performance artistique qu’on n’est pas prêt d’oublier.

Dualité et complexité des êtres. Photo Samy Ayyad

En partenariat avec les ministères de la Culture, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, ainsi que l’Institut français et Agonistik for Performing Arts, cette création signée Nagy Souraty et produite par Kinetik est présentée sur les planches du Madina les jeudi, vendredi, samedi et dimanche jusqu’au 1er avril.


Dès les premiers instants, par une scénographie «savante» et époustouflante, Nagy Souraty nous entraîne dans un univers où tout n’est plus qu’équation physique et émulsion chimique. Prismes convergents, miroirs duplicatifs, lumière «laserifiante», particules de soleil pixellisées, homogénéisées, le tout baignant dans un H20 qui se désagrégera par moments pour ne devenir que traînées de vapeurs blanchâtres ouatées. Un monde d’iode, de sulfate, de nitrates, pulvérisés à la face du spectateur. Pour perdre la vue ou pour mieux voir?


En effet, ce savant qu’incarne Nagy Souraty, qui a récemment perdu la vue, dément ceux qui prétendent qu’il s’est aveuglé lui-même et explique qu’il est devenu infirme à cause de ce qu’il a vu! Il invite le public à contempler l’objet de sa cécité.


Le metteur en scène, qui pour cette performance porte la casquette d’acteur, se «duplicate» à travers les miroirs. Ses paroles reprises en écho, démultipliées en arabe, en français et en anglais, plongent le public dans une atmosphère onirique aux confins de l’irréel. Prenant des risques – des risques énormes même (le politiquement correct n’étant pas sa tasse de thé) –, Nagy Souraty, dont le théâtre d’abord expérimental s’est institutionnalisé pour prendre le nom de «Théâtre du Précipice», est ce funambule qui marche sur une corde raide, qui traverse les temps et parle avec les fantômes. Il interroge Galilée, Christophe Colomb, ces découvreurs du temps, de l’espace et tous ceux qui ont brisé les schèmes bien établis, élargi les frontières. Ceux qui ont aidé à voir. «Une conversation est toujours politique, parce qu’elle implique deux entités, et la possibilité de mort l’interrompant est toujours réelle, toujours là. Elle peut arriver à n’importe quel moment, là, ici et maintenant.» Ce dialogue nous renvoie au présent: après un siècle de «Lumières», sommes-nous retombés dans l’obscurantisme? Dans la non-voyance?


Souraty, dialoguant avec lui-même, rejette sa propre voix, sa propre figure à travers un clone interprété par Joud Adada. «Je vis dans une luminosité qui renouvelle sa vigueur et je deviens animal vorace, animal féroce», dit-il.
Peu importe si la peur est au rendez-vous et qu’elle vous prenne par les tripes. Peu importe que le visuel l’emporte parfois sur les paroles (si belles d’ailleurs d’Etel Adnan) recomposées avec celles du metteur en scène, remodelées avec finesse et subtilité. Peu importe également que l’atmosphère soit sombre, pesante par instants. Peu importe tout cela. Nagy Souraty devient cet Icare qui emmène le public vers des ciels plus hauts et un soleil plus brûlant. Ce petit grain de sable qui nous oblige à nous frotter les yeux... pour mieux voir.

* Théâtre al-Madina. Tél. : 01/753010 - 01/753011.

Fiche technique

Création et mise en scène : Nagy Souraty
Production : Aya Nabulsi
Direction technique et conception lumière : Mona Knio
Composition de la musique : Jana Saleh
Décors : Bernard Mallat
Conceptions scientifiques et expériences : Nancy Zady Iskandar.

En partenariat avec les ministères de la Culture, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, ainsi que l’Institut français et Agonistik for Performing Arts, cette création signée Nagy Souraty et produite par Kinetik est présentée sur les planches du Madina les jeudi, vendredi, samedi et dimanche jusqu’au 1er avril.
Dès les premiers instants, par une scénographie «savante»...

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