Fouad Siniora ne pleurera plus

Dix-septième semaine de 2013.
C’est peut-être dommage, mais Tarek Mitri est extrêmement occupé en ce moment. L’émissaire personnel de Ban Ki-moon en Libye doit gérer une postrévolution des plus
chaotiques, aider des douzaines de tribus qui n’ont même pas un drapeau en commun à essayer de former ne fût-ce qu’un embryon de nation, faire en sorte que les attaques antioccidentales de Benghazi et de Tripoli ne se reproduisent plus. Il n’a donc définitivement pas le temps de donner une petite sœur à cette résolution 1701 de sinistre mémoire qui avait pourtant mis fin à la barbarie israélienne contre le Liban. Qui avait mis fin à cette guerre de juillet 2006 que l’aventurisme criminel du Hezbollah, qui s’en était allé kidnapper deux soldats de l’État hébreu de l’autre côté de la ligne bleue, avait offerte aux Libanais.
C’est sûrement dommage, mais de là jusqu’à la prochaine guerre de juillet (2013 ?) que ce Hezb ne manquera pas de provoquer s’il continue à creuser aussi méthodiquement la même voie mortifère, il n’y aura pas de ministre des Affaires étrangères en bonne et due forme. Le brave Tammam Salam aura beau prier de toutes ses forces tous les vendredis, il n’est pas près de prendre la place de Nagib Mikati au Sérail, à la tête d’un quelconque cabinet, élargi, restreint, politique, technocrate soit-il. Ce n’est pas que le Premier ministre désigné manque de (bonne) volonté, d’application ou d’ardeur au travail ; c’est juste que le Hezbollah, toujours lui, flanqué de ses otages stockholmisés jusqu’à la moelle : Nabih Berry, Michel Aoun, etc, ne veut en aucun cas que l’ectoplasmique État libanais continue de bénéficier de deux ou trois moignons institutionnels, à commencer par un gouvernement en poste.
C’est définitivement sûr : ce n’est pas et ce ne sera pas Adnane Mansour, la pire punition que les fantômes, parfois glorieux, du palais Bustros ont eu à subir depuis l’installation en ces murs du ministère des Affaires étrangères, qui serait capable d’aller défendre, comme Tarek Mitri il y a sept ans, le Liban à New York face à Israël. Heureusement qu’il y a encore Nawaf Salam...
Parce que tout porte à croire que le Hezbollah ne va pas s’arrêter en (si) bon chemin. Qu’il ne va pas se contenter, dans son épistémologie assassine du Liban, d’un vague drone envoyé au-dessus d’Israël et vite abattu. Un drone qui a pris son envol, chargé d’explosifs destinés à frapper le champ gazier de Tamar2 ou pas (la propagande israélienne vaut ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pas grand-chose), une fois Hassan Nasrallah rentré de Téhéran. Un drone tactique, mais aussi stratégique : jamais depuis une douzaine d’années, au grand jamais, le Hezb n’a été aussi impopulaire, aussi détesté, voire méprisé dans le monde arabe.
Et pour cause : l’implication aux premières loges aux côtés des soldats de Bachar el-Assad en Syrie des miliciens-mercenaires du parti de Dieu a fini de dynamiter l’image de Hassan Nasrallah et de sa formation. Ce drone est aussi une opération marketing, un peu désespérée certes, mais qui pourrait, in fine, faire quelque illusion. Pas pour longtemps, naturellement : aussi pédagogique et/ou menaçant que soit le Hezb avec les familles de ces pauvres Libanais partis mourir en Syrie pour une cause obscène, personne n’est dupe. Personne ne pense que la bataille de Qoussair pourrait inverser en quoi que ce soit la tendance, reculer l’inéluctable, c’est-à-dire la chute du gang Assad.
Les désirs perses font (grand) désordre. Mais les désirs perses sont des ordres. Indiscutables.
Et tant pis si, une fois son pays libéré, le peuple de Syrie vouera une haine tenace (et justifiée) au Hezbollah. Et à tous ceux qui le suivent encore aveuglément. Tant pis si, au prochain drone, Benjamin Netanyahu lâchera son fer et son feu contre le Liban. L’ensemble du Liban. Le Hezbollah n’en sera pas, loin de là, à son premier, ni à son dernier, crime contre l’État. Et dans tous les cas, le parti préfère de loin les souterrains, les sous-sols, les terriers.
Mais cette fois, les Libanais, tous les Libanais, ne lui pardonneront rien. Et ses missiles Zelzal ou Fajr, ses kalachnikovs, son hyperarrogance ou tous les Doha ou les Taëf du monde n’y pourront rien.

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