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Liban - Témoignages

Électricité : ahurissantes coupures, ahurissante survie...

Douches à l’eau gelée et froid glacial dans des appartements plongés dans l’obscurité...
Propos recueillis par la rédaction

L’été dernier, les Libanais ont enduré de longues coupures d’électricité et souffert de la chaleur accablante qui règne en cette saison. Cet hiver, rebelote. Alors qu’Olga, ses vents violents, ses chutes de neige et ses pluies torrentielles s’abattaient sur le Liban, les salariés de l’Électricité du Liban se sont mis en grève. Conséquence, les nombreuses pannes qui accompagnent traditionnellement toute tempête dans le pays ne sont pas réparées. Alors que les températures ont flirté avec le 0, les Libanais sont donc priés de se débrouiller pour vivre dans des conditions de plus en plus moyenâgeuses. Résidant à Beyrouth, dans la Békaa ou dans le Akkar, ils témoignent ici.
Samia habite à Mazraa, un quartier privé d’électricité depuis mercredi 9 janvier. « Nous n’avons pas d’électricité depuis mercredi après-midi. Nous avons eu une coupure de 24 heures d’affilée, puis le courant est revenu une heure, suivi d’une coupure de deux heures, puis le courant est venu, repartir, revenu... J’habite avec mon père, et nous n’avons pas de générateur électrique, j’ai dû jeter pas mal de produits frais qui risquaient de pourrir dans le frigo éteint. Pas d’électricité, c’est aussi pas de chauffe-eau, donc pas d’eau chaude. La douche froide n’est pas non plus une option, puisque l’eau est acheminée via une pompe, qui ne fonctionne pas sans électricité. Résultat, j’ai dû aller me laver les cheveux chez le coiffeur, quant à la douche, nous en sommes réduits à une toilette de chat », raconte-t-elle.
« En cette période de grand froid, l’appartement est glacial. Nous avons acheté des bouillotes, pour un peu moins grelotter la nuit. Cette situation est d’autant plus pénible que mon père est malade, il a des problèmes articulaires que le froid n’arrange pas, et il marche avec une canne. Il est médecin, mais ne peut se rendre à son travail, car il ne peut pas descendre et encore moins remonter les escaliers. Mon père est excédé. Il enrage contre ce pays qu’il qualifie de “pourri”. Il répète, toute la journée, que “même pendant la guerre civile, ce n’était pas comme ça”. »
Même galère pour Tarek, qui habite dans le quartier de Ras Beyrouth. Le câble électrique qui dessert l’axe Hamra-Aïn Mreissé étant tombé en panne à cause d’Olga et les techniciens de l’EDL ayant décrété une grève ouverte, toute la zone est dans le noir depuis mercredi 15h00. Son générateur ne supportant que cinq ampères (donc pas de chauffe-eau) et peu friand de douches givrées, il va se doucher chaque jour chez son amie qui habite rue Makdessi.

« Tout est couvert sauf mon nez »
Rasha est syrienne. En ce moment, elle habite entre Damas et Beyrouth et souffre des mêmes problèmes que Samia et Tarek. « Je loge à Karm el-Zeitoun et dans mon immeuble nous n’avons pas d’électricité depuis mercredi. Je suis abonnée à un générateur, mais les cinq ampères ne suffisent que pour le réfrigérateur et une ou deux lampes. En outre, il est soumis à tellement de pression, que le disjoncteur n’arrête pas de sauter. Chez moi, je n’ai ni Internet, ni télévision, ni chauffage. Le froid, c’est surtout la nuit qu’il est insupportable. Depuis la coupure, je dors avec deux pyjamas, deux couvertures et un bonnet sur la tête. Tout est couvert, sauf mon nez, et le matin, il est rouge ! Mon bureau est à Hamra et là-bas aussi, pas d’électricité. Au bureau, le générateur permet de faire tout fonctionner sauf le chauffage. Donc il fait, là aussi, très froid. Résultat, je travaille dans des cafés. Ma mère et ma sœur sont à Damas. Et elles, dans cette capitale d’un pays en guerre, ont chauffage et électricité. Quelle ironie tout de même ! Dès que la route redevient praticable et sûre, je repars à Damas. Ah, dernière chose, je n’ai pas pu utiliser la machine à laver ici, donc je vais devoir rapporter mon linge sale en Syrie ! » sourit-elle.
Françoise est au Liban avec son mari depuis début janvier. Ces Français sont venus rendre visite à leur fille, installée au Liban. Dans l’appartement mis à leur disposition à Geitaoui, un quartier de Beyrouth, l’électricité a été coupée de mercredi à jeudi 18h. « Quand l’électricité était coupée, nous étions dans le froid, l’humidité et l’obscurité. Seule la lueur d’une bougie éclairait la pièce, alors que dehors, le lampadaire municipal est resté allumé toute la nuit. C’était vraiment très difficile à vivre. Alors, quand l’électricité soudainement est revenue, comme par magie, et que la lumière dans la pièce s’est allumée, j’ai hurlé de joie. »

Au bois
Yousra réside à Zouk et n’a pas de courant depuis quatre jours. « Trop, c’est trop ! Le propriétaire de notre générateur a dû en acheter un second pour renforcer le premier, afin de nous alimenter en courant tout au long de la journée. Évidemment, les autres quartiers n’ont pas tous la même chance que nous... Dans la Békaa-Ouest, où je me trouve actuellement, la situation est nettement pire. Ici, il fait très froid, les gens souffrent, c’est très difficile. Dans notre maison de la Békaa, nous possédons un petit générateur privé qui ne sert qu’à éclairer la maison et à alimenter le réfrigérateur. Pour chauffer l’eau, que ce soit pour le café ou la douche, nous utilisons un chauffage à bois. Tout le monde se met au bois ici parce que le mazout est devenu trop cher. Les habitants de la région coupent les arbres des forêts avoisinantes pour pouvoir se chauffer. J’ai entendu parler d’un trafic de bois en provenance de Syrie. Les Syriens nous vendent la tonne de bois à 200 000 livres libanaises, alors que le prix moyen au Liban est d’environ 375 000 LL. Nous ne pouvons plus vivre comme ça ! Croyez-moi, si les Libanais étaient privés de générateurs, ils se seraient révoltés dans les rues depuis longtemps ! » s’emporte cette belle blonde au sang chaud.
Pierre habitant d’Achrafieh, privé d’électricité depuis mercredi. « Depuis bientôt 48 heures, le quartier est plongé dans le noir. Les groupes électrogènes du quartier et de l’immeuble tournent à plein régime 24h/24. Impossible de mettre en marche la lessiveuse. Par contre, le chauffage et le chauffe-eau fonctionnent par alternance. Pour ne pas surcharger le générateur et provoquer sa surchauffe, il est demandé aux habitants de l’immeuble d’utiliser un minimum de courant électrique, autrement dit de faire fonctionner uniquement les appareils indispensables, comme le réfrigérateur par exemple. De 3h à 5h du matin une pause est accordée au générateur. Étant donné la vague de froid qui s’est abattue sur le Liban, les habitants du quartier qui ne s’étaient pas abonnés au générateur ont été obligés de le faire », explique-t-il.
Enfin, une habitante de Bazbina, un village du Akkar perché à 750 mètres d’altitude, raconte que « depuis mardi (1er jour de la tempête Olga, NDLR), nous sommes privés d’électricité, alors que ce n’était pas le cas avant. On nous dit que c’est dû à une panne. Le problème, c’est que les générateurs n’arrivent pas à fournir de courant 24h/24. Pour nous réchauffer, nous utilisons donc la plupart du temps le chauffage à bois. Certains achètent du mazout, mais c’est cher. Pour nous, le prix du bois est plus abordable. Cela fait quelques jours que nous chauffons l’eau sur le réchaud pour prendre notre douche, ce n’est pas très pratique, mais nous n’avons pas le choix ».
Propos recueillis par la rédactionL’été dernier, les Libanais ont enduré de longues coupures d’électricité et souffert de la chaleur accablante qui règne en cette saison. Cet hiver, rebelote. Alors qu’Olga, ses vents violents, ses chutes de neige et ses pluies torrentielles s’abattaient sur le Liban, les salariés de l’Électricité du Liban se sont mis en grève. Conséquence,...

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