Enfin des chiffres, mais contradictoires...
L'organisation HRW a fait part de l'arrestation documentée, depuis le 15 mai, de « neuf hommes et un enfant » ayant traversé la frontière libano-syrienne, dont « au moins sept sont désormais pris en charge par la Sûreté générale ». Mais selon des sources bien informées, le nombre serait plus grand. S'agissant du nombre de réfugiés, dont l'État libanais ne possédait pas encore de chiffres avant-hier, M. Halabi a fait état hier d'au moins 15 000 sur l'ensemble du territoire, 10 000 ayant été recensés au Akkar par le Haut Comité de secours, et 5 à 10 000 réfugiés (non recensés) qui se seraient dispersés dans les maisons de parents ou de connaissances entre Tripoli, Beyrouth et la Békaa.
Toutefois, le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué hier que « les autorités locales estiment qu'au total environ 4 000 Syriens sont passés au Liban récemment ». Au cours de cette dernière semaine, « quelque 1 400 personnes ont traversé la frontière dans les régions de Wadi Khaled et Tall Biri », fuyant les « bombardements » dans la ville frontalière de Tall Kalakh, a ajouté le porte-parole du HCR, rappelant que ces réfugiés « sont partis sans rien prendre avec eux et ont besoin de nourriture, d'abris et d'assistance médicale ». Dans ce cadre, M. Halabi a jugé nécessaire de créer « une zone de protection pour les réfugiés, sous l'égide de HCR, apte à assurer leurs besoins vitaux, auxquels les habitants locaux, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peuvent subvenir dans le long terme ».
L'armée libanaise adopte une position controversée
C'est la mobilisation des militants locaux qui aurait amené les ONG internationales à exercer une pression internationale pour la libération des détenus, selon M. Halabi. Mais s'agissant de l'armée, son attitude autant que ses mobiles demeurent obscurs. M. Halabi a confié n'avoir pu établir « aucun contact avec l'armée ». Celle-ci s'est d'ailleurs refusée hier à tout commentaire concernant l'arrestation des réfugiés. Selon M. Halabi, l'absence de contact direct avec l'armée ne saurait entraver la libération convenue des détenus puisque ceux-ci sont immédiatement transférés aux FSI et à la Sûreté générale. Toutefois, il a exprimé son inquiétude « concernant la situation de deux détenus appréhendés à Wadi Khaled et dont on a perdu toute trace depuis le 8 mai, date à laquelle ils avaient été déférés au parquet par les FSI ». Et d'ajouter : « Je crains qu'ils n'aient été livrés aux autorités syriennes. » M. Halabi n'a pas manqué de rapprocher la « disparition de ces détenus civils, dont le sort est désormais inconnu », avec la disparition de quatre soldats syriens (dont l'un est décédé des suites de ses blessures), qui auraient traversé la frontière après les affrontements à Tall Kalakh, sans que les médias ne parviennent à déterminer s'ils ont été arrêtés par les services de sécurité libanais ou « enlevés par les réfugiés », comme l'affirment certains médias.
Notons dans ce cadre que la Fondation des droits de l'homme et du droit humanitaire (FDHDH) a soulevé, dans un communiqué de presse, le cas des soldats syriens en question, soulignant que si ces derniers ont franchi la frontière, « même illégalement », pour fuir la répression, ils sont automatiquement considérés comme réfugiés, et leur cas relève alors de l'article 3 du traité contre la torture ainsi que de la Convention de Genève de 1949. La FDHDH a exhorté sur ce plan les États-Unis, l'Union européenne, les organisations internationales et locales de défense des droits de l'homme à se saisir de l'affaire afin de faire toute la lumière sur le sort des soldats syriens en question.
Hier soir, l'armée a tenu à affirmer à cet égard « l'absence totale de soldats syriens en territoire libanais », avant de souligner qu'elle a remis les soldats blessés aux autorités syriennes, « après consultation des autorités judiciaires compétentes, qui leur ont nié toute qualité de réfugiés ou de déserteurs ».
Cette déclaration survient « alors que nous avions déjà dévoilé la remise des soldats aux autorités syriennes », a affirmé de son côté M. Halabi. Selon un observateur, « aucun document n'est disponible, pouvant servir de preuve à une investigation qui est censée avoir été conduite avec les soldats, comme c'est le cas avec tout étranger entré illégalement dans le pays ».
D'ailleurs, personne ne semble avoir vu ou rencontré les soldats, à l'exception peut-être de la Croix-Rouge internationale, laquelle ne peut en faire état au nom de sa neutralité.