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Liban - Interview

Nawaf Salam à « L’OLJ » : Le Liban a insisté pour inclure à la résolution 1973 une mention excluant toute occupation de la Libye

Le Liban est-il porté par un nouvel élan qui s'étend dans le monde arabe ? Incroyable mais vrai. Signe des temps ? Le pays du Cèdre qui a toujours été sur l'agenda du Conseil de sécurité, se trouve, avec l'affaire libyenne, catapulté sur le devant de la scène internationale en devenant un acteur-clé dans la résolution des conflits régionaux. Le représentant du Liban auprès de l'ONU, Nawaf Salam, qui a gagné une belle réputation auprès de ses pairs à l'ONU, ne cache pas sa satisfaction au lendemain du vote de la résolution 1973 sur la Libye par le Conseil de sécurité. Cette résolution, rappelons-le, autorise sans ambiguïté l'usage de la force pour protéger les populations civiles en Libye. Elle a été élaborée et présentée à l'initiative de la France avec le Royaume-Uni, le Liban et les États-Unis. L'adoption de cette résolution résulte d'un engagement fort de la diplomatie libanaise. Les messages de félicitations affluaient encore hier à une grande cadence lors de l'entretien accordé par l'ambassadeur Salam, hier, à L'Orient-Le Jour au siège de la mission du Liban à New York où il a relaté les faits portant sur cette résolution.
La communauté internationale, qui semblait cependant plus unie lors du vote unanime en février dernier de la résolution 1970 sur la Libye, a donné l'impression d'une certaine division dans l'affaire libyenne. Comment expliquer donc ce manque de cohésion au sein du Conseil de sécurité avec la circulation de deux textes, dont celui de la Russie, avant d'arriver au vote à l'arraché de la résolution 1973 sur la Libye ?
« Le texte tournait autour d'une idée de la Russie, celle d'un cessez-le-feu, qui a été intégrée en ces mêmes termes dans la résolution 1973, et avant cela dans la résolution 1970 ainsi que dans les premières moutures, souligne l'ambassadeur Salam. On appelait à l'arrêt des actes de violence. Nous avons repris les termes russes qu'on a intégrés dans le texte », indique-t-il, en niant toute désunion au sein du Conseil de sécurité. « Je n'irai pas aussi loin », affirme-t-il. Le diplomate libanais rappelle qu'« il n'y a pas eu de veto contre cette résolution ». « Si les Russes ou les Chinois voyaient qu'on était en train de mettre en danger la Libye et la paix dans le monde en autorisant le recours à la force, ils auraient pu poser leur veto, » relève-t-il. « Il en est de même pour les trois autres pays » (le Brésil, l'Inde et l'Allemagne, qui se sont également abstenus). « Il y avait un consensus sur les objectifs de la résolution. Il est important de le souligner. Certains États avaient des doutes sur les moyens », a-t-il précisé.

« Les autres mesures » ne devraient pas mener à une occupation
Il est évident que « personne ne peut donner des garanties quant aux résultats », souligne l'ambassadeur Salam. « On sait très bien que les pires crimes ont eu lieu en Bosnie après l'instauration d'une "no-fly-zone" ». Malheureusement Srebenicia a eu lieu après, rappelle-t-il. Et d'ajouter : « On est arrivé à un point pour la Libye où la seule "no-fly-zone" qui avait été initialement proposée n'était pas suffisante. C'est pour cela que les États membres ont eu recours au terme "d'autres mesures" », dit-il. Et de poursuivre : « Il est important de rappeler ici le mandat clair de la Ligue arabe car le Liban était en train de prendre le « lead » en son nom... La résolution de la Ligue arabe appelait les États membres à prendre contact et à coordonner avec le Conseil national libyen. Tout au long de la préparation de cette résolution, en exécution du mandat arabe que nous avions, nous avons maintenu une collaboration très étroite avec les membres de la mission libyenne. Et l'on peut dire, avec la conscience tranquille, que cette résolution reflète les aspirations du peuple libyen et répond aux deux demandes de la Ligue arabe qui sont celles de la "no-fly-zone" et la protection des civils. »

Une terminologie rigoureuse
« Il reste à souligner que ce qui était non moins important pour la Ligue arabe et pour le Liban, c'était d'insister sur l'intégrité territoriale, la souveraineté, l'unité de la Libye, souligne en outre Nawaf Salam. Ce que nous n'avons pas manqué de souligner dans la formulation du texte. Par ailleurs, ce n'est pas seulement le Liban qui a insisté à inclure dans le paragraphe qui autorise le recours à "toutes les autres mesures", une mention que cela ne devrait pas mener à une occupation », a indiqué M. Salam. Et d'ajouter : « Nous avons œuvré à formuler de manière la plus explicite possible cette mention pour supprimer tout doute possible sur la nature de l'opération qui est autorisée, et l'on a fini par obtenir l'adoption de la formulation libanaise. Il était important que cette idée soit exprimée de manière la plus claire possible. Il ne s'agit pas d'une occupation, sous aucune forme, du territoire libyen », a insisté M. Salam.
Mais comment concilier deux impératifs : la non-intervention étrangère et l'appel à une « no-fly-zone », tout en autorisant les États membres à prendre « toutes les mesures » pour protéger les civils en Libye ? C'est là un autre dilemme. « En fait, ces deux impératifs ne sont pas contradictoires », explique l'ambassadeur Salam. L'appel à l'instauration d'une "no-fly-zone" et à la protection des civils venaient des Libyens eux-mêmes. C'est une demande libyenne à l'origine, précise Nawaf Salam. Cette demande a été reprise par la Ligue arabe lorsqu'elle a mandé le Conseil de sécurité d'autoriser de telles actions, parce que le Conseil, de par ses fonctions de maintenir la paix et la sécurité dans le monde, est dépositaire du droit international en la matière. La Ligue arabe a demandé à la plus haute instance internationale en charge de mettre en application les principes de la Charte et du droit international, de prendre en charge et d'autoriser ces actions qui se feraient au nom de la communauté internationale. On ne peut donc pas parler d'interférence ou d'ingérence étrangère », déclare Nawaf Salam.

Intervention arabe et légitimité politique
Concernant l'intervention arabe, « il était important pour nous que le texte reflète cette idée de coopération entre les Nations unies et la Ligue arabe », souligne l'ambassadeur du Liban. « Non pas seulement parce que c'était un appel arabe, mais aussi parce qu'une des fonctions des Nations unies, c'est de coordonner avec les organisations régionales, conformément au chapitre 8, souligne M. Salam. Et on y fait référence dans la résolution. Il était important pour plusieurs États, avant de s'engager à voter pour la résolution, de s'assurer que les Arabes ne demandaient pas seulement au Conseil de sécurité d'adopter une telle résolution, mais qu'ils étaient prêts à participer à sa mise en œuvre. L'engagement de la participation d'un nombre de pays arabes a beaucoup facilité les dernières négociations sur la résolution, et certainement que cette participation ne peut qu'ajouter à la légitimité politique de l'action », souligne M. Salam.
« Nous ne sommes pas pour un appel à l'utilisation de la force, précise-t-il sur ce plan. Je l'ai dit à maintes reprises. Nous croyons à la nécessité d'une action autorisant l'utilisation de la force et à la nécessité de mobiliser des forces pour non pas faire la guerre, mais pour dissuader ceux qui sont en train de l'utiliser. On veut certainement arrêter la violence en Libye. »
La communauté internationale cherche-t-elle un changement de régime en Libye ? « C'est aux Libyens de choisir le régime qu'il voudrait instaurer, déclare M. Salam. Mais il faut pouvoir les laisser s'exprimer librement sans payer de leurs vies parce qu'ils ont osé espérer », conclut sur une note d'espoir l'ambassadeur Salam.
Le Liban est-il porté par un nouvel élan qui s'étend dans le monde arabe ? Incroyable mais vrai. Signe des temps ? Le pays du Cèdre qui a toujours été sur l'agenda du Conseil de sécurité, se trouve, avec l'affaire libyenne, catapulté sur le devant de la scène internationale en devenant un acteur-clé dans la résolution des conflits régionaux. Le représentant du Liban auprès de...

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