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Liban - L’éclairage

Jusqu’à quand pourra-t-on continuer à plaquer un couvercle sur la marmite ?

Un clash soudain, un coup de tonnerre dans un ciel d'été à Bourj Abi Haïdar, avec missiles et roquettes antichars RPG. Trois tués, plusieurs blessés graves, des voitures calcinées, des magasins détruits, des biens endommagés. Et une rapide extension des tirs aux quartiers qui constituent le cœur de Beyrouth-Ouest, Mousseitbé, Tarik Jdidé, Mazraa, Barbir, Noueyri, Ras el-Nabeh.
Certes, le mot d'ordre syro-saoudien a permis de circonscrire rapidement les troubles et de ramener le calme. Mais l'alerte a été trop chaude, et l'affaire reste trop grave pour que l'on ne s'interroge pas sur son background politique.
D'autant que, surprise, surprise, le Hezbollah et les Ahbache sont réputés bons amis. Car ils procèdent d'un même genre, d'une même tessiture dite théocratique ramenant le séculier au religieux. Chacun selon ses propres croyances, bien entendu.
Au niveau de leurs directions respectives, ils ont réagi, pour sauver vite les meubles, en se déclarant... surpris. Sans aller jusqu'à la fuite en avant usuelle qui consiste à tout mettre sur le dos de prétendus éléments incontrôlés, ils ont publié un communiqué commun soulignant que « c'est un incident isolé qui a mis le feu aux poudres ».
Ce qui est étonnant, en fait, c'est qu'on se rend compte que la leçon du 7 Mai n'a absolument servi à rien. La sécurité de la capitale n'est pas tenue, et c'est l'anarchie latente des armes miliciennes, claniques, tribales même dans certaines zones, familiales ou individuelles qui domine.
À l'ombre de trois facteurs étroitement corrélés : les réseaux du crime comme du trafic organisés, les territoires politiques autant que mafieux et l'animosité viscérale confessionnelle, difficile à refouler tout le temps.
Le sang versé mardi montre que ni le diktat irano-saoudien initial d'empêcher des confrontations entre chiites et sunnites qui, partant du Liban, feraient tache d'huile dans la région, ni la pax syro-saoudienne, édictée récemment à Baabda, ni l'accord de Doha ne sont des antidotes suffisants contre une rancœur séculaire.

Divorce ?
Mieux ou pire encore : même l'équation des deux parties égales entre elles parce que égales à une troisième ne tient plus quand on est entre chiens de faïence. En clair, les Ahbache sont, autant que le Hezbollah, proches de la Syrie. Ils ne sont pas, comme les haririens d'avant le 7 Mai, opposés à la ligne de Damas que le Hezb soutient. Ils appartiennent d'ailleurs au 8 Mars.
Et ils ont montré nettement plus de muscle que le malheureux bourgeois beyrouthin de base, le 7 mai d'il y a deux ans. En attendant le rapport de l'armée, des sources fiables indiquent que tout a commencé par un incident individuel devant une mosquée de Bourj Abi Haïdar relevant des Ahbache. La voiture du responsable de la sécurité du Hezbollah pour le secteur, accompagné de ses lieutenants, passait par là. Il y a eu altercation puis tirs. Le cadre et son garde du corps ont été tués ainsi que le fils du moukhtar des Ahbache. Aussitôt, les militants du Hezbollah et des Ahbache se sont mobilisés dans les quartiers avoisinants et les accrochages se sont généralisés. L'armée est rapidement intervenue pour ramener le calme et protéger la mosquée des Ahbache, menacée d'être incendiée. Comme l'a été un supermarché des Ahbache, le Diwan, tandis que nombre de leurs biens étaient attaqués et que certains de leurs proches étaient kidnappés. Mais l'armée est parvenue à prendre le contrôle de la situation. Les éléments armés se sont retirés des rues à la suite d'une réunion entre des délégués du Hezbollah et des Ahbache organisée dans le bureau de l'officier sectoriel des renseignements de l'armée, en présence du directeur adjoint de ce corps, le général Abbas Ibrahim.
Une prise de bec entre bons amis ? Certainement pas. La vitesse du déploiement des miliciens des deux bords et leur utilisation immédiate d'un armement mi-lourd montrent qu'ils y étaient pareillement préparés, entraînés à cette fin. Les deux camps savaient d'avance, depuis le 7 Mai peut-être, qu'ils en découdraient tôt ou tard. Il s'est fait que cela s'est produit, par chance, dans une phase où l'explosion au Liban est prohibée, fixée comme ligne rouge infranchissable par les décideurs extérieurs dominants des deux axes, autant le syro-iranien que le saoudo-américain. Donc la brèche a pu être colmatée rapidement.
Mais, répétons-le, le clash est aussi révélateur de ressentiments explosifs qu'indicateur de tendance sur le terrain. C'est-à-dire que, là, une tentative de 7 Mai bis, c'est-à-dire de mise au pas brutale et définitive par une blitzkrieg de la frange sunnite de la capitale, pourrait être vouée à l'échec.
Le risque reste cependant élevé. Pour nombre d'observateurs, la journée du mardi ressemblerait à une première répétition d'une mise en scène des troubles pouvant accompagner, ou même précéder pour le bloquer, l'acte d'accusation du TSL. Pour ces sources, il est évident qu'un simple incident isolé, comme le qualifient les directoires du Hezbollah et des Ahbache, ne peut répandre la terreur ressentie par les habitants de la capitale ni provoquer des batailles rangées de cette ampleur.  Un professionnel de la majorité se demande s'il n'y a pas autre anguille sous roche. C'est-à-dire si, en fin de compte, il ne faut pas voir une lutte d'influence, un bras de fer subreptice entre Iraniens et Syriens sur la scène libanaise, par Hezbollah de Téhéran et Ahbache de Damas interposés. La différence avec le 7 Mai étant qu'alors l'attaque était syro-iranienne, dirigée contre les sunnites de l'Arabie saoudite, les haririens. Ce politicien loyaliste estime qu'à l'aune de la relance d'un processus de paix régional dont Damas espère beaucoup, alors que Téhéran la rejette, bien de bonnes amitiés libanaises, comme celle censée lier le Hezbollah aux Ahbache, pourraient être bientôt remises en question.
Tout comme les données dites militaires. On pensait que le rouleau compresseur du Hezbollah, avec ses 40 000 missiles derrière lui, écraserait en une petite heure l'adversaire urbain. Mais mardi, en un clin d'œil, comme par magie, les Ahbache ont déployé dans les rues de Beyrouth-Ouest des centaines de combattants armés jusqu'aux dents.
Un clash soudain, un coup de tonnerre dans un ciel d'été à Bourj Abi Haïdar, avec missiles et roquettes antichars RPG. Trois tués, plusieurs blessés graves, des voitures calcinées, des magasins détruits, des biens endommagés. Et une rapide extension des tirs aux quartiers qui constituent le cœur de Beyrouth-Ouest,...

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