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Moyen Orient et Monde - Le point

En toute fraternité

Avec l'inélégance qui caractérise le langage de la majorité des hommes politiques de son pays, Ariel Sharon l'avait qualifié jadis de « poulet déplumé ». Plus nuancé dans son propos, Yossi Sarid, l'Israélien qui connaît le mieux la question arabe, jugeait il y a une douzaine de jours dans le Haaretz que Mahmoud Abbas était « un homme mort, tué par Netanyahu et Barak » quand, au plus fort de l'affaire Goldstone, l'intéressé avait rejeté, dans un premier temps, l'idée d'un recours à la commission des Droits de l'homme de l'ONU avant de revenir à de meilleurs sentiments. Trop tard, le mal était déjà fait, et le faux pas avait achevé de le discréditer aux yeux des siens. Dernière manifestation de cette disgrâce : le refus par le Hamas jusqu'au principe d'un scrutin convoqué par l'Autorité palestinienne le 24 janvier prochain.
L'argument avancé par les héritiers de cheikh Yassine pour justifier leur refus ne manque pas de saveur : pas d'élections générales et présidentielle avant une réconciliation entre les deux fractions rivales du mouvement. Quant on sait que ce même Hamas vient de refuser de signer un accord, proposé par le parrain cairote prévoyant le report au 28 juin 2010 de la consultation générale, en attendant les hypothétiques embrassades palestiniennes, on comprend que celles-ci ne sont pas pour demain. En attendant, des législatives seraient illégales et anticonstitutionnelles, a décrété le numéro 1 du Mouvement de la résistance islamique Khaled Mechaal, rejoint en cela par l'un de ses lieutenants, Sami Abou-Zouhri. Et qu'importe si les lois en vigueur prévoient que le jugement des urnes, quel qu'il soit, sera légal même sans participation des Gazaïotes tant que des représentants de ceux-ci figureront sur les listes.
Confronté à la certitude d'un blocage du processus, Abou Mazen a tenté une piètre manœuvre de diversion, laissant entendre qu'il pourrait fort bien ne pas présenter sa candidature. « Il a besoin de se reposer, après avoir longtemps œuvré pour la cause », a confié sans rire l'un de ses proches, Abdallah Abou-Samahdana, à l'agence de presse chinoise Xinhua. Mais c'était pour se rétracter aussitôt, précisant : « Il accepterait cependant de rester en lice, sur l'insistance des dirigeants du Fateh. » On en tremble encore dans les camps de réfugiés...
Ce n'est là qu'un nouvel épisode de la lutte fratricide commencée en 2006 quand, déjouant tous les pronostics, le Hamas avait remporté la bataille des législatives. Choisi en 2005 pour prendre la tête de l'Autorité après la mort d'Abou Ammar, en novembre 2004, Abbas est parvenu, à l'expiration de son mandat, à décrocher une rallonge d'un an, une décision que ses adversaires n'ont cessé de contester, alors qu'eux-mêmes jouissent d'une indéniable représentativité - que l'Occident ne veut pas leur reconnaître. En prenant sa décision, le leader du Fateh cherche à asseoir une légitimité mise à rude épreuve ces derniers temps et à accélérer - on est en droit de croire au miracle - l'entreprise de réconciliation interpalestinienne, selon ses proches Il y a fort à parier qu'il ratera les deux lièvres, et cela pour des considération inhérentes à la mentalité de ses concitoyens - à l'indifférence arabe aussi -, à l'incroyable arrogance de l'État sioniste, enfin à la maladresse du monde jadis libre, mené par une Amérique qui, tous les quatre ans, donne la fâcheuse impression d'effectuer ses premier pas en terre d'Orient.
Que la date du 10 janvier soit ou non respectée, les retombées du malencontreux choix qui vient d'être pris par la Mouqataa ne peuvent que se révéler désastreuses pour un contentieux qui traîne depuis plus de six décennies. Plus que jamais Tel-Aviv pourra prétendre n'avoir pas d'interlocuteur valable avec qui engager le dialogue. Nul n'osera affirmer le contraire quand les Palestiniens eux-mêmes s'acharnent à scier la branche sur laquelle ils se tiennent. En équilibre hautement instable, ainsi qu'ils devraient être les premiers à le constater au lieu de s'obstiner à rejeter sur l'autre la responsabilité de leurs malheurs.
À Tel-Aviv, « Bibi » s'est entouré d'une équipe d'experts chargée, disaient en soirée les dépêches d'agence, d'élaborer plusieurs ripostes possibles aux accusations, contenues dans le rapport Goldstone, de crimes de guerre commis lors de la guerre contre Gaza. Évoluant - si l'on peut dire... - sur une autre planète, les Palestiniens s'entredéchirent, pendant ce temps, pour savoir à quel moment et dans quelles conditions se réconcilier. Toujours cette incapacité congénitale à s'entendre, constatée autrefois par Clovis Maksoud.
Avec l'inélégance qui caractérise le langage de la majorité des hommes politiques de son pays, Ariel Sharon l'avait qualifié jadis de « poulet déplumé ». Plus nuancé dans son propos, Yossi Sarid, l'Israélien qui connaît le mieux la question arabe, jugeait il y a une douzaine de jours dans le Haaretz que...

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