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Culture - Exposition

Qui va donc réveiller la «diva» de Tripoli?

Élias Khlat déterrant la plaque de la station.

Dix photographes, dix visions personnelles et personnalisées de la gare de Tripoli sont exposées à la Salle de verre du ministère du Tourisme pour attirer l'attention sur la nécessité de sauvegarder et de classer comme patrimoine historique ce site centenaire. L'occasion de découvrir de nouveaux talents mais, surtout, de signer la pétition proposée par les « Amis de la gare de Tripoli ».

La diva, qu'ils l'appellent. Et diva, elle l'est sans doute. Mais une diva d'antan. Surgie de nulle part, appartenant à un passé tellement révolu qu'on la prendrait pour un vaisseau fantôme ou encore un ovni. Elle, c'est une G8. Une locomotive à vapeur qui aurait, dit-on, fait partie de la «flotte» de l'Orient Express, ce train mythique qui assurait la liaison Europe-Afrique via le Liban (les stations de Tripoli et de Rayak). La diva sommeille à la gare de Tripoli. Sommeille est un bien doux mot, un euphémisme trop déguisé. Défoncée par un obus, envahie par les ronces et les herbes folles, rongée par la rouille, la locomotive est prisonnière d'un passé qu'on tarde à (re)connaître.
«Si le pays du Cèdre ne s'est pas encore réconcilié avec son histoire, ceci est particulièrement vrai pour la ville de Tripoli qui s'interroge continuellement sur son passé croisée, mamelouk et autre», indique Élias Khlat, leader de la campagne en faveur de la gare de Tripoli. Pourquoi elle? «Tripoli se distingue par rapport à ses consœurs de Rayak et de Beyrouth par le fait qu'elle a été le terminus de l'Orient Express dans les années 20, 30 et 40», précise l'ancien enseignant et coordinateur à l'Institut de tourisme de Zouk Mikaël. «Le trajet Paris-Tripoli était réalisé en 4 jours et demi, à un rythme trihébdomadaire, à travers une liaison réalisée à Istanbul avec le Simpleton Express, comme l'indique une publicité parue dans la revue Phoenicia (édition de février 1938). Pour l'anecdote historique, Khlat ajoute que la reine Élisabeth a foulé cette station lorsque Tripoli abritait une grande colonie britannique. «De plus, la ligne Tripoli-Homs a été bâtie avec l'argent de Tripolitains. C'est une compagnie française qui a bâti la station et la ligne, mais avec l'argent des Tripolitains. Après la création de la ligne Beyrouth-Damas en 1905 et celle reliant la gare de Rayak à Homs, ces derniers se sont inquiétés de la mise à l'écart de leur ville quant aux transports entre les deux pays. Ils ont alors rassemblé des fonds et financé les travaux. Durant le mandat, elle a été nationalisée». Elle a connu une grande affluence. Puis ce fut la période noire. «Le trafic s'est arrêté en 1975, raconte Khlat. Une série de wagons turcs subsistent encore. Ils sont la propriété de l'État turc. Sur le site de la station, il reste aussi deux locomotives allemandes de classe G7 datant de 1915, ce sont des premiers modèles de l'Orient Express.»
Durant les événements, la gare a été transformée en position militaire syrienne. Depuis le retrait des troupes en 2005, elle poursuit lentement, mais sûrement, son inexorable descente vers l'oubli.
Élias Khlat compte bien arrêter ce déclin. Élias Khlat voudrait tellement secouer cette gare de sa torpeur. Lui rendre son dû. La réhabiliter. La préserver et, pourquoi pas, y créer un musée dédié à l'Orient Express. En 2011, la gare fêtera son centième anniversaire. Nous espérons que d'ici là, elle sera classée monument historique.
Pour cela, il a d'abord lancé un SOS virtuel, sur Facebook, en 2008. Puis une pétition a été mise en circulation. À Tripoli, à Rambouillet (lors des Journées libanaises) et aujourd'hui à la Salle de verre du ministère du Tourisme à Hamra. Début février, elle sera à l'IMA, à Paris. Khlat a également chargé la photographe et designer Maya Alameddine de la coordination de l'exposition en cours.
«Cet événement, qui bénéficie du soutien de la municipalité de Tripoli (tout comme la campagne, d'ailleurs) et du patronage du ministère du Tourisme, rassemble 50 clichés artistiques réalisés par dix photographes libanais professionnels ou semi-professionnels, tous «Amis de la gare de Tripoli». Il s'agit de : Abbass Abou Taam, Maya Alameddine, Mokhtar Beyrouth, Élias Ata, Saydé Jabra, Mahmoud Korek, Husam Mneimneh, Richard Sammour, Mohammad (Mido) Seifeddine, Hanna Semaan. Ces derniers s'étaient rendus sur le site il y a deux mois et y avaient passé la journée, leurs objectifs au poing, mitraillant la gare sous tous ses coins et recoins.
«Les photographes ont pu ainsi réaliser leurs photos et traduire leur soutien à cette cause d'une manière personnelle et artistique à la fois», précise Alameddine qui ne cache pas sa joie de participer à cette campagne. «La culture est le meilleur moyen de toucher les gens, la photographie est la plus apte à capter la magie et l'émotion d'un moment.» Vision globale ou souci du détail, travail sur la texture ou sur le clair obscur, fidélité au réel ou manipulation virtuelle, les visions diffèrent d'un artiste à l'autre. Mais le but reste le même. Le cri, du cœur, unanime: «Sauvez notre station!»  L'ultime appel à la sauvegarde de la station de train de Tripoli dure jusqu'au lundi 25 janvier. De 8h30 à 17h00, sauf le dimanche. 
Dix photographes, dix visions personnelles et personnalisées de la gare de Tripoli sont exposées à la Salle de verre du ministère du Tourisme pour attirer l'attention sur la nécessité de sauvegarder et de classer comme patrimoine historique ce site centenaire. L'occasion de découvrir de nouveaux talents mais, surtout, de signer la pétition...

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