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À La Une - Liban

Loi électorale : ne surtout pas se tromper de bataille ni d’adversaire

En marge de la cérémonie de remise des Golden Globes, qui s’est déroulée il y a quelques jours à Beverly Hills, l’ancien président Bill Clinton a évoqué le film de Steven Spielberg, Lincoln, qui relate l’histoire du 16e président des États-Unis luttant contre l’esclavage. L’ancien chef de la Maison-Blanche a relevé à cette occasion festive que Lincoln « nous rappelle que le progrès durable est forgé dans un chaudron fait à la fois de principes et de compromis ». M. Clinton a salué à cet égard « la détermination d’acier et le sens du compromis que Lincoln a parfaitement réussi à combiner pour préserver notre pays et mettre fin à l’esclavage ».


Le terme « compromis » a souvent une connotation foncièrement péjorative. Surtout au Liban, où il est associé à la conclusion de marchés et de compromissions à caractère clientéliste et politicien, fondés sur de petits calculs étroits et réducteurs. Il reste que cette petite phrase rapportée par le président Clinton pourrait quand même être adaptée au cas spécifique du pays du Cèdre en parlant toutefois de discernement plutôt que de compromis. La notion de discernement fait souvent gravement défaut dans les débats politiques au Liban, surtout lorsque des problèmes à caractère véritablement existentiel se posent avec acuité. C’est malheureusement le cas dans l’actuelle polémique fiévreuse qui porte sur la proposition de loi électorale suggérée par le Rassemblement orthodoxe. Car en raison de la tournure qu’elle a prise, cette polémique déraille, fait parfois fausse route – au sein du 14 Mars – au point que d’aucuns ont malencontreusement tendance à oublier l’essentiel et, donc, à se tromper de bataille.

 

(Lire aussi : Loi électorale : au dernier jour des palabres, la commission se saborde)


D’emblée, il paraît nécessaire de relever que notre propos ne vise nullement à défendre la loi dite « orthodoxe ». Celle-ci est critiquable non pas tant pour des considérations doctrinaires, mais surtout parce que son application risque de déboucher sur deux résultats totalement inacceptables : d’une part, une guerre interpartisane entre les composantes chrétiennes du 14 Mars qui chercheront, en toute vraisemblance, à vouloir montrer chacune sa force au détriment de l’autre (sans compter qu’elle aboutira aussi à une marginalisation de divers leaderships régionaux historiquement et socialement bien établis) ; et, d’autre part, cette proposition aura inéluctablement pour fâcheuse conséquence de réaliser l’objectif du Hezbollah lors des prochaines élections, à savoir affaiblir la faction sunnite modérée, représentée par le courant du Futur, lequel risquerait, auquel cas, de se livrer à une surenchère confessionnelle pour éviter d’être débordé à sa droite par des mouvements extrémistes fondamentalistes.


Il reste que dénoncer le projet du Rassemblement orthodoxe en avançant une argumentation rationnelle, et en toute sérénité, est une chose, et entretenir une atmosphère de guerre intestine au sein du 14 Mars est une toute autre chose. Et c’est à ce niveau qu’intervient l’impératif de discernement dans le débat actuel... Et dans tout débat, d’ailleurs, portant sur des dossiers à caractère existentiel, de manière à faire fusionner dans le chaudron, pour reprendre l’expression de Bill Clinton, les principes et la détermination d’acier, d’une part, et le sens du discernement, d’autre part.


En clair, dans le contexte géopolitique régional présent, marqué par une situation de type entropique (dans le sens employé en physique, c’est-à-dire une situation qui tend vers un état de désordre), il serait suicidaire d’oublier ce que représente le 14 Mars et de se tromper, de ce fait, d’adversaire.
Faudrait-il rappeler que le 14 Mars n’est pas une simple alliance entre des partis, des courants et des leaders politiques autour d’un programme électoral ? Bien au-delà des personnes, des factions et de toute considération conjoncturelle, aussi importante soit-elle, le 14 Mars représente bien plus qu’une coalition. Il représente la première osmose populaire multiconfessionnelle, le premier courant populaire transcommunautaire de l’histoire contemporaine du Liban, reflétant une vision bien précise de l’entité libanaise, de sa vocation, de son rôle dans la région. Le 14 Mars est l’expression d’un projet de société ayant pour fondement des valeurs libérales, des pratiques démocratiques, le respect des libertés publiques et individuelles, l’ouverture sur le monde, un désir de paix, une volonté de se dissocier réellement des axes régionaux, afin que les Libanais puissent se consacrer, enfin, à la recherche de leur équilibre interne. En ce sens, le 14 Mars constitue une occasion historique inespérée, au niveau de la base populaire, d’avancer sur la voie du projet libaniste.

 

(Lire aussi : Robert Serry devant le Conseil de sécurité : « Nous espérons un large consensus sur une nouvelle loi électorale » )


Cette vision libaniste transcommunautaire représente l’antithèse du projet du Hezbollah qui est, par essence, transnational, qui ne perçoit le Liban que sous l’angle d’une simple petite pièce du grand puzzle des ambitions régionales hégémoniques des mollahs de Téhéran, qui méprise le processus démocratique (comme il l’a démontré en janvier 2011 lorsqu’il a annulé manu militari les résultats des élections de 2009), qui n’hésite pas à bafouer tout le système judiciaire (comme il l’a fait avec le Tribunal spécial pour le Liban, ainsi qu’avec les affaires Boutros Harb et Samer Hanna), qui n’a aucun scrupule à recourir à sa force milicienne, aux menaces et autres manœuvres d’intimidation pour imposer son diktat... En peu de mots, qui considère le pays comme sa propriété privée, comme une chasse gardée, au service du nouvel empire perse.


Il s’agit là non pas d’une ligne de conduite politicienne ou d’un programme politique classique que le Hezbollah oppose aux Libanais, mais bel et bien d’un défi foncièrement existentiel et stratégique, dans toute l’acception du terme. Et dans cette optique, tout différend au sein du 14 Mars, aussi important soit-il, comme dans le cas du débat sur la loi électorale, devient secondaire face à l’importance du défi constitué par le projet du Hezbollah. Dans cette optique, aussi, l’adversaire à combattre n’est ni Samir Geagea, ni Saad Hariri, ni Samy Gemayel, ni Farès Souhaid, ni les Kataëb, ni les Forces libanaises, ni le courant du Futur, mais le Hezbollah.


Il ne faut donc surtout pas se tromper de bataille ni d’adversaire. Tel est le véritable enjeu... Tout le reste est faiblesse.

En marge de la cérémonie de remise des Golden Globes, qui s’est déroulée il y a quelques jours à Beverly Hills, l’ancien président Bill Clinton a évoqué le film de Steven Spielberg, Lincoln, qui relate l’histoire du 16e président des États-Unis luttant contre l’esclavage. L’ancien chef de la Maison-Blanche a relevé à cette occasion festive que Lincoln « nous rappelle que...

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