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À La Une - Manifestation

La rue sunnite laisse éclater sa colère contre le Sérail

Peu après la fin des funérailles de Wissam el-Hassan, des manifestants ont tenté de prendre d’assaut le Sérail.

 Dimanche 21 octobre 2012. Les forces de l'ordre tentent de protéger le Sérail, siège du gouvernement libanais, à Beyrouth, face à la colère des manifestants, après les funérailles de Wisam el-Hassan. REUTERS/Ahmed Jadallah 

Des dizaines de milliers de personnes ont pris part hier, place des Martyrs, aux funérailles du chef des services de renseignements des FSI, Wissam el-Hassan, et de son garde du corps le sergent-chef Ahmad Sahyouni, qui ont été enterrés à la mosquée Mohammad al-Amine, au mausolée consacré à l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, également assassiné.


La foule était composée de partisans de toutes les mouvances du mouvement 14 Mars, arborant les drapeaux de leurs partis respectifs, ainsi que des indépendants ayant pris part depuis des années aux manifestations qui avaient suivi l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005.


Un peu plus de sept ans séparent les funérailles de Hariri de celles de Hassan. Depuis, la rue sunnite a bien changé, notamment après les événements du 8 mai 2008, quand le Hezbollah avait investi Beyrouth avec ses armes et après la nomination de Nagib Mikati, soutenu par le parti de Dieu, à la tête du gouvernement.


Les manifestants appartenant à la communauté sunnite étaient hier, place des Martyrs, amers et las mais aussi animés par une force, un courage et un entêtement propres aux victimes d’une injustice, qui croient, à tort ou à raison, qu’ils pourraient se faire respecter grâce à la lutte. Il y avait aussi une véritable haine manifeste contre le Hezbollah, voire même la communauté chiite sans distinction.


Parmi les slogans, l’on pouvait entendre « Terroriste, le Hezbollah est un terroriste », ou encore « Chiites, nous voulons vous rendre fous. L’imam Ali est sunnite et pas comme vous. »
Beaucoup des personnes interrogées notent que Nagib Mikati ne les représente pas et rappellent que c’est le Hezbollah qui l’avait imposé au pouvoir par la force des armes.
Mohammad est venu de Mazraa avec un camarade. « Je suis là pour rendre hommage à un homme sunnite comme moi. À chaque fois qu’il y a un sunnite fort, ils le liquident. C’était le cas avec Rafic Hariri et maintenant avec Wissam el-Hassan. Ils veulent nous marginaliser. Mais je suis sûr, l’injustice ne peut pas durer éternellement », dit-il.

 

 

(Lire aussi : À Tripoli, des salafistes essaient de semer la peur)

« Qu’on divise le pays... »
Rouba souligne : « J’avais toujours critiqué les Forces libanaises parce qu’elles défendaient l’idée d’un État fédéral. Maintenant j’y pense sérieusement. Les partisans du Hezbollah sont musulmans comme nous. Je sais que dans la banlieue sud ils sont contents de l’assassinat de Wissam el-Hassan. Pour eux, Assef Chaoukat (responsable des services de renseignements syriens tué à Damas en juillet dernier) est un martyr mais pas Wissam el-Hassan, leur concitoyen. Je me demande sincèrement si je veux encore vivre avec eux. Qu’on divise donc le pays et qu’on ait la paix. »


Nelly, originaire de Beyrouth, indique : « Je suis venue dire : assez ! Nos leaders meurent assassinés dans les rues, il ne faut plus qu’on se croise les bras. Je ne veux plus que le Hezbollah soit armé alors que d’autres Libanais ne disposent pas d’armes. »


Il y avait aussi des druzes, partisans du PSP. Raghida, venue de Baakline, ne rate jamais un rassemblement du mouvement du 14 Mars. Elle indique : « Le Hezbollah a divisé les gens en catégories : d’une part ses partisans, qu’il considère comme nobles, et nous d’autre part. Je veux leur dire que seuls les vrais Libanais sont nobles, pas ceux qui sont à la solde de l’Iran. » Rami est de Kalaa-Hammana. Il porte un drapeau du PSP. « Nous n’avons raté aucune manifestation du mouvement du 14 Mars, mais maintenant nous revenons avec nos drapeaux », dit-il.
Il y avait aussi beaucoup de chrétiens, qui ont lutté depuis la fin des années soixante-dix contre l’occupation syrienne et qui, selon leurs commentaires, n’ont jusqu’à présent pas perdu la foi en un pays indépendant et souverain. Nombre de manifestants sont venus à pied d’Achrafieh, lieu de l’attentat de vendredi dernier.


Parmi eux, Évelyne qui note : « Je suis venue par solidarité. Nous sommes descendus dans la rue le 14 mars 2005 pour appeler à la souveraineté du Liban et à la non-ingérence étrangère, quelle qu’elle soit. Nous avons réussi à chasser l’armée syrienne. Ce sont les citoyens et non les politiciens qui ont déclenché la révolution du Cèdre. » Rita et Greta sont elles aussi originaires d’Achrafieh. « Le sang des chrétiens et des musulmans se mêle désormais pour la souveraineté du Liban. Nous sommes là pour rendre hommage à ceux qui sont tombés pour le pays. Nous avons l’espoir et la foi : les choses changeront inévitablement », note Rita.


Leila, quant à elle, est venue de Bécharré. « Nous sommes tous prêts à mourir pour défendre le Liban. Ça suffit. Il faut changer la sécurité à l’aéroport de Beyrouth », dit-elle, rappelant que « Gebran Tuéni, Antoine Ghanem et Wissam el-Hassan ont été tués quelques heures après leur retour à Beyrouth ». « Dorénavant, il ne faut plus faire de concessions », ajoute-t-elle.

 


« Nous résistons depuis 37 ans »
Nada est de Zahlé. Elle est là avec des amies dont l’une arbore un ancien uniforme kaki des Forces libanaises. Nada porte une casquette à l’effigie du pape Benoît XVI. « Nous résistons depuis 37 ans. Nous avons donné notre sang pour le Liban et ce n’est pas maintenant que nous arrêterons la lutte », dit-elle.


Parmi la forêt de drapeaux, on distinguait ceux de l’Armée syrienne libre et ceux du Kurdistan syrien. Ceux qui les portaient, des opposants au régime de Bachar el-Assad, notent qu’ils sont là parce que Wissam el-Hassan a été tué par le pouvoir à Damas.


Avant les obsèques, la foule a suivi la cérémonie organisée à la direction générale des FSI, grâce à un écran géant, huant l’apparition du Premier ministre, Nagib Mikati. À la place des Martyrs, l’office religieux a été présidé par le mufti de Tripoli, Malek Chaar, et non par le mufti de Beyrouth, Mohammad Kabbani, proche de Mikati.
À la fin de la prière, le mufti du Akkar Oussama Rifaï s’est emparé du micro pour appeler les hommes politiques du mouvement du 14 Mars à écouter les demandes de leurs partisans, soulignant : « Nous avons marre de pleurer et d’enterrer nos morts en croisant les bras. »


C’est l’ancien chef de gouvernement, Fouad Siniora, qui a donné lecture du discours du courant du Futur.
À la fin du rassemblement, notre confrère Nadim Koteich, qui présentait la cérémonie, a appelé les manifestants à se rendre au Sérail. Et des milliers de personnes ont convergé vers la place Riad el-Solh, forçant les barrières en fer placées devant le Sérail. Certains ont lancé des pierres vers les dizaines de policiers qui étaient présents.
Au bout de quelques instants, les FSI ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré en l’air à plusieurs rafales d’armes automatiques pour les obliger à reculer.


La confrontation entre manifestants et forces de l’ordre a duré un peu moins d’une heure. Des pompiers, des membres de la brigade antiémeute et des commandos de l’armée se sont déployés dans le secteur. Des chicanes en barbelés de deux mètres de haut ont été placées entre les émeutiers place Riad el-Solh et l’entrée du Sérail.
Les manifestants ont rapidement répondu aux appels au calme lancés par les leaders du 14 Mars. Le sit-in entamé vendredi soir au centre-ville par les étudiants de ce mouvement est toujours en place.

 

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