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Économie - Liban - Agriculture

Le protectionnisme, un palliatif face aux maux du marché laitier

Les importations, légales ou illégales, de produits laitiers n'expliquent pas à elles seules la baisse des cours du lait à l'origine de la grogne des producteurs depuis quelques mois.

Une manifestation de producteurs de lait à Chtaura (Békaa) en avril. Photo Ani

Les producteurs de lait et les éleveurs de bovins de la Békaa et du Akkar – où est concentrée la majorité des acteurs de ce secteur au Liban – dénoncent depuis le printemps la concurrence déloyale liée aux importations de produits laitiers, un phénomène à l'origine, selon eux, de la baisse du prix de vente du lait sur le marché local. « Certaines industries importent illégalement du lait pour augmenter leurs marges, laissant les producteurs locaux avec des invendus », résume le directeur du département agricole de la Chambre de commerce et d'industrie de Zahlé (CCIAZ), Saïd Gédéon.

Le ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, a réagi fin avril en décidant de soumettre une partie des importations de produits laitiers à une autorisation préalable du ministère. Un choix par défaut pour M. Chehayeb, qui avait d'abord opté pour une interdiction saisonnière des importations de certains produits laitiers avant d'y renoncer en raison des nombreux accords de libre-échange conclus par le Liban.

(Pour mémoire : Un projet pour accroître les revenus des petits producteurs de lait)

 

Fromages blancs
Les mesures mises en place par le gouvernement ciblent certaines catégories de produits laitiers en particulier, comme les fromages blancs importés depuis les pays arabes, principalement d'Égypte et de Syrie, explique le directeur des ressources animales au ministère de l'Agriculture, Élias Ibrahim. « La limitation doit s'appliquer jusqu'au 30 juin et pourra être prolongée en 2016, poursuit-t-il. Il est également prévu que le dispositif de contrôle s'applique de façon périodique pendant les 4 premiers mois de chaque année, et ce dès 2017 », ajoute M. Ibrahim. Selon les chiffres des douanes, le Liban a importé environ 39 000 tonnes de fromages en 2015 – toutes catégories confondues –, pour une facture estimée à 157 millions de dollars.

Le dispositif finalement adopté par M. Chehayeb n'a toutefois pas réussi à calmer les producteurs de la Békaa, qui manifestaient leur colère à Chtaura il y a encore une semaine. Car si le prix du litre de lait est fixé à 1 000 livres par le ministère de l'Agriculture (0,66 dollar, un tarif proche de son coût de production au Liban), celui-ci se négocie toujours sur le marché local aux environs de 500 à 600 livres (entre 0,30 et 0,40 dollar).
Mais si les industries laitières au Liban importent une partie de leur lait à des prix parfois moitié moins élevés que ceux pratiqués par les producteurs locaux, c'est d'abord « parce que ces derniers ne produisent pas assez pour assurer les besoins du marché local », relève M. Gédéon. Selon Skandar Chédid, propriétaire de Center Jdita – une entreprise productrice de lait de la Bekaa –, cité dans un rapport de Blominvest publié en mai, le Liban n'assure en effet que 30 % des 450 tonnes de lait exploitées tous les jours par ses industries laitières. Le rapport précise que la baisse des importations de produits laitiers, constatée en 2015 (-12,84 % à 74 146 tonnes en glissement annuel) est surtout liée à l'augmentation des importations illégales, notamment en provenance de Syrie.


(Pour mémoire : Les producteurs de lait libanais en colère)

Lait en poudre
« Un phénomène difficile à quantifier », selon M. Ibrahim et qui a poussé le ministère de l'Agriculture à imposer des restrictions similaires aux importations de lait en poudre, indépendamment de leur provenance. « Ce dispositif n'est pas limité dans le temps, contrairement à celui qui couvre les importations de fromages blancs », précise-t-il encore. Selon le ministère, le Liban importe chaque année 20 000 à 25 000 tonnes de lait en poudre dont environ 60 % sont réutilisées dans l'industrie. « Le lait en poudre a perdu près de 50 % de sa valeur en 2 ans et se négocie aux environs de 400 livres le litre de lait de vache » (0,27 dollar), souligne M. Ibrahim.

Cette seconde mesure n'a toutefois aucun effet sur la qualité du lait qui circule dans le pays, qui varie d'une entreprise à l'autre. « En France, par exemple, le prix du lait fluctue en fonction de sa qualité hygiénique et sanitaire, ainsi que de sa teneur en matières grasse et en protéines », expose M. Gédéon. « Or, beaucoup de petits producteurs n'ont ni les compétences nécessaires ni le matériel adapté pour respecter les normes de sécurité alimentaire fixées par le ministère de la Santé ou de maintenir la qualité de leurs produits », souligne Marie-Louise Hayek, de la représentation de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) au Liban. « Ces défaillances impactent aussi bien la production du lait que son acheminement vers les usines ou les distributeurs, ce qui fait baisser le prix de vente à l'arrivée », conclut-elle.

Mais les petits producteurs ne sont pas les seuls responsables de cette baisse. « Certaines industries spécialisées dans les étapes de transformation – fabricants de lait pasteurisé, de fromages ou encore de yaourt – utilisent du lait en poudre pour fabriquer leurs produits, mais le revendent plus cher en prétendant avoir utilisé du lait frais », relève M. Gédéon.

 

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