Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Photo roman

Et si Haïfa Wehbé était une Sonia Gandhi en paillettes ?

Chaque samedi, « L'Orient-Le Jour » vous raconte une histoire dont le point de départ sera une photo. C'est un peu cela, un photo-roman : à partir de l'image, shootée par un photographe, on imaginera un minipan de roman, un conte... de fées ou de sorcières, c'est selon...

Photo GK.

Nous sommes le 8 mai 2016 et le pays retrouve de bonnes joues roses. Les Libanais, dont la majorité électorale est désormais fixée à 18 ans, ont passé la journée à griffonner des noms sur des papiers qu'ils ont ensuite joyeusement glissés dans des urnes. C'est le jour de gloire de toute une nation qui élit enfin, et pour la première fois, son président au suffrage universel. L'histoire ne se termine pas là. Derrière son écran, à 20 heures, le pays découvre le visage du vainqueur, entre stupéfaction gloussante et jouissance arrosée de larmes de crocodile. En ce dimanche ensoleillé qui coïncide joliment avec la Journée de la femme, le Liban vit un tournant historique. Le président sortant est non seulement une femme, elle est chiite de surcroît. Et, pour couronner le tout, elle se prénomme Haïfa Wehbé. C'est le peuple qui l'aura voulu.
Dans l'heure qui suit, Haïfa est déjà résolue à prononcer son premier discours (en play-back, bien sûr) sur la scène du Biel, berceau où elle a impétueusement défrisé les normes et réinventé la notion de scandale, espérant sans doute l'outrage comme on cherche la petite bête à deux dos. Qu'importe. Les supporters en milliers commencent à affluer vers le lieu au gré de Haïfa Ana craché à plein volume. Brandissant les posters de leur najma en étendards, ils secouent la tête comme s'ils émergeaient enfin d'un cauchemar ridicule. Ils sont fiers de dépoussiérer un système dans lequel ils se sont laissés engluer comme un troupeau de moutons empoisonnés.

Le monde (politique) selon Haïfa
Sans trop faire attendre son public, émerge alors Haïfa d'une cloche en argent portée par des hommes herculéens aux six packs laqués : son corps sans âge à l'attraction magnétique, sa beauté impertinente et sa moue lippue qui font scintiller les cœurs en sucre candide de tout un parterre déprimé. Elle porte une robe visiblement empruntée du vestiaire de Betty Boop, pailletée et tricolore (blanc, vert et rouge) avec deux cèdres épinglés sur chacun de ses mamelons. Elle semble sortie des plans tortueux de nos rêves les plus humides. Quand la parole lui est donnée, on l'entend monter au créneau pour pointer les manques de ce gouvernement qui oublie le peuple, méprise les gens, se fout des femmes et des paysans, marginalise les faiblesses des uns et rejette les différences des autres. Et à mesure que Haïfa trimbale sa plastique fantasque et fantastique le long de la scène, la foule se laisse émoustiller par sa voix roucoulante et ses cils parapluies. Ils la voient déjà en Evita Perón, en Cristina Kirchner, en Sonia Gandhi. Dans les coulisses, Fady Kataya éponge les larmes de Bassam Fattouh avec des lingettes hydratantes pendant que Hassan Nasrallah, Walid Joumblatt et Samir Geagea répètent la dabké, Haïfa l'a imposé.

Interdit d'interdire
Le fan club des détracteurs ricaneurs ne tarde pas à dénoncer l'élection de l'ex-chanteuse. Ils parlent de ses charmes monnayés, de rumeurs de protecteur(s) argenté(s) lui garantissant un train de vie conséquent, de sa proximité avec le Hezbollah et son manque d'expérience. Mais tout le monde, inclus Haïfa, s'en bat et fait des boulettes de papier de ce venin coulant à flots. Haïfa est délurée, déconnectée, étonnamment décontractée et extrêmement bien rémunérée. Et c'est tant mieux, ça nous changera de nos politiques à qui l'argent pend comme une carotte sous le nez. Elle aime l'excès d'adrénaline, la profusion de paillettes, la richesse des sensations fortes. Elle se lance dans la politique comme on saute à l'élastique, comme on s'expédie dans la stratosphère. N'a peur ni de ses haines capricieuses ni de sa violence écorcheuse et c'est ce qui manque dans un paysage politique engoncé dans les costumes-cravate des langues de bois, du mi-figue, mi-raisin, de la chèvre et du chou. Née chiite, Haïfa s'est défroquée des tabous de sa religion jusqu'à en faire un argument de vente, tout en continuant à en jouer avec ambivalence et affichant un j'ai un petit faible pour toi à Hassan Nasrallah. Elle sera donc une majorette rebelle, un trait d'union vivant entre les pôles du pays, de l'eau dans le vin et vice versa. Avec elle qui se laque jusqu'au bout des ongles de son Baddi Eish à tue-tête, il sera interdit d'interdire et il y aura de la place pour tout le monde. Les minorités, la communauté LGBT et puis les femmes, leur temps est venu. Elle annonce d'ores et déjà qu'on devra se farcir Hala Aajam au ministère de la Culture, mais si c'est le prix à payer... Par contre, des armes, elle n'en veut pas, si ce ne sont ses seins obus, son regard poignard et sa bouche mitraillette.
Dès lundi, la présidente effectuera sa première visite officielle dans les pays du Golfe. Dans un monde de testostérone, où, qui sait, sa fesse rebondie qu'elle aime tant cambrer en crinoline finira peut-être par devenir un manifeste de paix, comme un laissez venir à moi les méchants hommes des bois que je les soigne de leurs
frustrations.
Après tout, qui mieux qu'elle sait Boos el-Wawa ?

 

Dans la même rubrique
Beyrouth, comment te dire adieu ?

Angelina Jolie s'en va-t'en guerre

Nous sommes le 8 mai 2016 et le pays retrouve de bonnes joues roses. Les Libanais, dont la majorité électorale est désormais fixée à 18 ans, ont passé la journée à griffonner des noms sur des papiers qu'ils ont ensuite joyeusement glissés dans des urnes. C'est le jour de gloire de toute une nation qui élit enfin, et pour la première fois, son président au suffrage universel....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut