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Culture - Bipod 2016

Et si la vie n’était qu’un grand festin

Partager un repas c'est d'abord se réunir, s'accorder, s'efforcer de se comprendre, s'entendre, s'unir. Autour d'une chorégraphie à plusieurs voix, Omar Rajeh tente avec « Beytna »*, sur les planches du théâtre al-Madina, une expérience culinaire avec son public, dans un ravissement sensoriel, des yeux et du palais.

Autour d’une chorégraphie à plusieurs voix, Omar Rajeh tente avec « Beytna », sur les planches du théâtre al-Madina, une expérience culinaire avec son public, dans un ravissement sensoriel. Photo Tony Elieh Page 15, l’article de Danny MALLAT

Le projet prend son départ à partir d'une idée simple, comment travailler ensemble pour conduire à une idée plus complexe : comment vivre ensemble ? Quatre chorégraphes, Koen Augutijnen, Anani Sanouvi, Hiroaki Umeda et Omar Rajeh, sur une musique envoûtante du Trio Gebran, vont célébrer le langage du corps autour d'une table, celle de l'alliance. Les réunions autour d'une table sont propices aux échanges de propos, aux confidences, aux questionnements sur le sens de la vie. Mais là où ne suffisent plus les mots, surgit la danse. Et c'est dans un rite communiel que le spectacle Beytna – qui a inauguré hier soir le Festival Bipod 2016 – porte le spectateur à prendre part à la fête dans une fièvre et une frénésie saisissantes.

 

Clivages et partages
Pour Omar Rajeh, il est nécessaire de sortir du contexte social, celui des choix imposés par la vie : l'appartenance religieuse, la famille, la profession, et d'entrer par la voie de l'art afin d'assumer ses propres engagements et d'honorer un pacte passé à l'égard d'une personne ou d'une collectivité pour mieux vivre ensemble. Dans un pays où le clivage social et le brassage communautaire tendent à séparer, Beytna, image de l'univers, soulève la question fondamentale du partage harmonieux en laissant toute la liberté au spectateur d'y répondre. Il a fallu beaucoup de courage pour appréhender ce projet, avoue Rajeh. Réunir – à travers les chorégraphes participants de diverses nationalités – le Japon, le Gabon, la Belgique, la Palestine et le Liban autour de la table pour une réconciliation symbolique dans sa portée universelle a nécessité beaucoup de compromis, une objectivité, une logistique et un certain réalisme. Mais tendus vers un même but, celui de transcender le beau et de danser le partage dans une valse culinaire, les chorégraphes cuisiniers offrent au public la communion comme message de paix.

 

Au fil des minutes
Minute 0.0 : sur un écran géant, le mot « Fattouche » s'affiche. Autour d'une table, des apprentis cuisiniers de la vie regardent une femme découper, hacher, épicer, mélanger et brasser. Le silence de la salle est ponctué par le bruit du couteau sur la planche. Une initiation à la vie où toutes les mains se rejoignent sur la table de l'union.
Minute 3.4 : les effluves d'oignons, de menthe, de sumac traversent la salle, bercée par les notes de trois ouds qui célèbrent dans une même cadence les corps qui s'élancent sur scène.
Minute 8.7 : la table se déplace pour laisser s'exprimer Sanouvi, qui transporte le public dans un rythme endiablé aux couleurs de l'Afrique.
Minute 10.43 : minute ludique où Augutijnen prend la parole et déclare préférer la cuisine chinoise à la cuisine libanaise.
Minute 12.39 : dans une performance proche des arts martiaux, Umeda occupe la scène dans un contrôle gestuel et une maîtrise des sens.
Minute 17.05 : Omar Rajeh, de la ligne de ses épaules à la courbe de ses hanches, honore ses racines...
Minute 20.01 : ou la minute de brassage, celui des herbes, des corps, des cultures, des couleurs et des hommes. Le temps s'arrête de tourner, pour donner le relais à la mémoire d'une date qui a partagé, éloigné et anéanti « 1975 ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la première libanaise du spectacle a eu lieu un 13 avril...
Le repas est terminé, Omar Rajeh prend la parole pour inviter le public à partager son repas et épargner son pays. Le public se retrouve sur scène, pour goûter à l'essentiel, l'amour du partage. À la manière de Platon qui prononce l'éloge de l'amour, Beytna, dans son banquet, invite à penser la vie, ensemble.

*« Beytna », au théâtre al-Madina, ce soir et demain vendredi 15 avril, à 20h30.

 

 

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