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Moyen Orient et Monde - Dossier spécial - Analyse

« Tempête de la fermeté » : bilan mitigé, un an après son lancement

En l'absence d'alliés efficaces et fidèles sur le terrain, l'offensive aérienne de la coalition est demeurée relativement inefficace sur les plans militaire et politique.

Des soldats saoudiens bombardant à l’artillerie lourde, à la frontière arabo-yéménite, des positions houthies en avril 2015. Fayez Nureldine/AFP

Des bombardements incessants qui ont détruit tout un pays ; une multitude d'acteurs – locaux et internationaux – qui s'affrontent de façon directe et indirecte ; un conflit où les motivations communautaires prennent chaque jour davantage d'importance ; une montée en puissance des deux grandes organisations jihadistes sunnites, l'État islamique (EI) et el-Qaëda, et des alliances fragiles entre des groupes aux intérêts divergents : cette description pourrait faire référence à la guerre syrienne, mais c'est bien de celle au Yémen qu'il s'agit. Ce conflit, relativement oublié par les médias, est devenu de plus en plus absurde à mesure que les différents protagonistes se radicalisaient. Dans l'irrespect total de toutes les règles du droit international, il a plongé dans l'horreur la population la plus pauvre de la péninsule Arabique, entre des bombardements massifs, visant notamment des écoles et des hôpitaux, des sièges de villes provoquant des famines et des attentats à répétition au cœur de la foule. Et le bilan est très lourd : plus de 6 200 morts, dont une moitié de civils, pour un résultat politique extrêmement limité.
Un an après le lancement de l'opération Tempête de la fermeté, la coalition menée par l'Arabie saoudite n'a pas réussi à atteindre ses objectifs. Si elle a pu récupérer la ville d'Aden, sécuriser le détroit de Bab el-Mandeb – par lequel transitent près de trois millions de barils par jour (mbj) de brut – et permettre au président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi de regagner son pays, elle n'a pas réussi à chasser les houthis de Sanaa. Ces derniers, forts de leur alliance avec l'ex-président Ali Abdallah Saleh, ont non seulement résisté à l'offensive saoudienne, mais ont en plus mené plusieurs opérations dans le sud du royaume wahhabite.

Pas une priorité pour l'Iran
Si le rapport de force n'a pas beaucoup évolué en un an, c'est qu'aucun des deux protagonistes n'a les moyens de prendre définitivement le dessus sur l'autre. S'ils se sont affirmés comme la principale force politique au Yémen, notamment en faisant réprimer toute forme d'opposition, les houthis ne peuvent pas pour autant mettre la main sur tout le pays. Leur domination se limite essentiellement aux régions du Nord, majoritairement zaydites, et leur alliance avec M. Saleh, qui leur a fait la guerre pendant des années, apparaît plus circonstancielle que fondamentale. Leur ancien ennemi joue en effet sa propre carte, par le biais de la garde républicaine qui lui est restée fidèle, pour retrouver le pouvoir après en avoir été écarté suite aux manifestations de 2011.
Les partisans du mouvement Ansarullah ne peuvent pas non plus compter sur l'appui illimité de l'Iran, dont le soutien semble être surtout moral, politique et financier. Malgré les accusations de Riyad à l'encontre de Téhéran, les houthis demeurent relativement indépendants sur les plans politique et religieux. Au contraire de Riyad, Téhéran ne semble pas faire de ce conflit une priorité stratégique, même s'il l'exploite autant que possible au niveau politique pour critiquer l'action saoudienne – notamment via le Hezbollah – dans les pays arabes.

Aqpa + EI
Pour les Saoudiens, la donne n'est pas vraiment différente. Leur intervention était au départ justifiée par une demande officielle du président Hadi, mais il est possible de s'interroger sur la réelle légitimité de ce dernier. Originaire du Sud, non sécessionniste, M. Hadi ne semble exister sur la scène politique yéménite qu'en raison de l'appui des Saoudiens. Comment pourrait-il alors revenir au pouvoir en cas de défaite des houthis ?
L'intervention saoudienne avait un double objectif : défendre son pré carré par rapport à une menace qui était perçue comme un pion de l'Iran et réaffirmer son leadership au sein du monde sunnite vis-à-vis des autres puissances, mais aussi des groupes jihadistes. Mais en l'absence d'alliés efficaces et fidèles sur le terrain, cette offensive aérienne est demeurée relativement inefficace sur les plans militaire et politique. Son principal allié sur la scène politique yéménite, le parti Islah, a été largement affaibli au moment des printemps arabes par la politique anti-Frères musulmans du roi Abdallah.
Les autres acteurs qui combattent les houthis sur le terrain le font tous en fonction de leur propre agenda, que ce soit les Sudistes sécessionnistes ou les jihadistes d'el-Qaëda dans la péninsule Arabique (Aqpa). Ces derniers, pourtant farouchement antisaoudiens – et contre lesquels Riyad a mené une guerre violente sur son territoire, mais aussi au Yémen –, profitent, d'une certaine façon, de l'offensive saoudienne pour accroître leur présence sur le terrain. Ils participent très largement à renforcer le caractère communautaire (sunnites contre zaydites) de la guerre yéménite même si, dans ce registre, ils sont désormais concurrencés par la montée en puissance de l'EI au Yémen.

Les deux Mohammad
La guerre yéménite a mis en avant les divergences d'intérêts au sein des pays dits sunnites, mais aussi les rivalités au sein du pouvoir saoudien. Au sein de la coalition sunnite, certains pays, comme l'Égypte ou les Émirats arabes unis, continuent de privilégier la lutte contre les mouvements islamistes sunnites, qu'ils soient ou non jihadistes, à la rivalité sunnito-chiite. Dans les arcanes de la monarchie saoudienne, la guerre du Yémen est un objet de discorde entre le prince héritier et neveu du roi, Mohammad ben Nayef, et le vice-prince héritier et fils du roi, Mohammad ben Salmane. Ce dernier, également ministre de la Défense, semble utiliser cette guerre comme un moyen de propagande visant à conforter son pouvoir par rapport à celui de son cousin. Le pays le plus riche de la péninsule Arabique a échoué à imposer son agenda politique dans le pays le plus pauvre de cette même péninsule.
Même s'il décidait demain de cesser son opération, la guerre ne prendrait pas fin pour autant. Les dynamiques internes restent les principales causes du conflit yéménite. Mais le contexte régional, marqué par une rivalité aiguë entre les deux théocraties du Golfe, l'Arabie saoudite et l'Iran, aura contribué à transformer « l'Arabie heureuse » en une nouvelle arène du conflit sunnito-chiite. Et cela pour la première fois de son histoire, pourtant millénaire.

 

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Des bombardements incessants qui ont détruit tout un pays ; une multitude d'acteurs – locaux et internationaux – qui s'affrontent de façon directe et indirecte ; un conflit où les motivations communautaires prennent chaque jour davantage d'importance ; une montée en puissance des deux grandes organisations jihadistes sunnites, l'État islamique (EI) et el-Qaëda, et des alliances fragiles...

commentaires (2)

LA AUSSI... COMME EN SYRIE ET EN IRAQ POUR DAESCH... SI IL N,Y A PAS INTERVENTION TERRESTRE MASSIVE LA CHOSE PRENDRA BEAUCOUP DE TEMPS... ON ESPERE QUE LES NEGOCIATIONS FIXEES POUR LE DIX AVRIL SERONT POSITIVES POUR UNE SOLUTION POLITIQUE.

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 06, le 26 mars 2016

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Commentaires (2)

  • LA AUSSI... COMME EN SYRIE ET EN IRAQ POUR DAESCH... SI IL N,Y A PAS INTERVENTION TERRESTRE MASSIVE LA CHOSE PRENDRA BEAUCOUP DE TEMPS... ON ESPERE QUE LES NEGOCIATIONS FIXEES POUR LE DIX AVRIL SERONT POSITIVES POUR UNE SOLUTION POLITIQUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 06, le 26 mars 2016

  • Sur une note personnel j'aime vous lire Mr Samrani. Mais si vous me permettez un reproche c'est que en essayant de couper " les poires en 2 " vous ne faites aucun commentaire qui brosse le fond du problème. Vous ne restez qu'en surface comme un drone qui prend des photos mais qui n'explique pas les faits réels sur le terrain. La preuve , c'est que vous vous demandez comment le pays le plus riche de la région n'arrive pas à défaire le pays le plus pauvre . Vous parlez des limites de ce pays riche que vous oubliez de dire qu'il a les appuis internationaux comme les us et Israël, et en même temps vous semblez nous dire qu'il y a comme un match nul entre lui et le pays misérable qu'est le Yémen agressé. Dites moi Mr Samrani, si vous deviez nous raconter l'agression de 2006 au Liban nous diriez vous match nul entre le pays le plus armé et un groupe de résistant qui l'a empêché de réaliser ses objectifs ? J'en ai bien peur .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 52, le 26 mars 2016

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