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Coup de miroir

Onze ans, cela commence à faire vieux, même pour un vaste rassemblement politique cimenté par l'idéal commun d'un Liban indépendant et souverain, débarrassé de toute occupation étrangère et régi par un juste équilibre entre ses diverses communautés. Onze années, cela fait apparaître des rides, surtout quand on s'est trop exposé au perfide soleil de ces accommodements qui, trop souvent, tournent à la compromission. À force d'expériences malheureuses, les rides se creusent inévitablement, se crevassent, menaçant même de se transformer en lignes de faille : c'est alors qu'un lifting s'impose.

Tel est bien le cas pour ce 14 Mars au sein duquel les idylles d'antan commencent à tourner à l'aigre, même si, pour commémorer l'assassinat de Rafic Hariri, il partage une place au calendrier avec le saint patron des amoureux. S'en allant à Damas pour y donner l'accolade à Bachar el-Assad, le lavant inconsidérément ainsi des accusations de meurtres politiques lancées contre le dictateur syrien ; et n'émergeant de la séance d'ouverture du Tribunal spécial pour le Liban que pour tendre la main à ce même Hezbollah pointé du doigt par la justice internationale : non seulement impopulaires mais vaines, et même furieusement improductives, furent, il y a quelques années, ces deux initiatives du chef du courant du Futur.

Plus récemment, ce sont deux secteurs précis du 14 Mars qu'a heurtés Saad Hariri, dans sa quête obsessionnelle du compromis qui lui permettrait de regagner le pays en toute sécurité et d'y exercer, à nouveau, la fonction de Premier ministre. En parrainant inopinément la candidature d'un pilier du camp adverse, le député Sleiman Frangié, il n'a pas seulement fait offense à son candidat proclamé, Samir Geagea, le poussant à prendre une tout aussi acrobatique revanche en se ralliant, à son tour, à son vieux rival Michel Aoun ; il s'est rendu responsable du froid sibérien qui s'est installé entre le Futur et la principale composante chrétienne du 14 Mars, en dépit de leurs véhémentes protestations d'amitié et de fidélité.

De manière non moins surprenante, et tout aussi grave, c'est une frange importante de sa propre communauté que vient d'indisposer Hariri en désavouant publiquement, jeudi, le ministre de la Justice, Achraf Rifi. Apparenté au Futur sans en être formellement membre, hostile au projet Frangié comme à l'option Aoun, réfractaire même au dialogue avec le Hezbollah, celui-ci est la figure de proue d'un sunnisme tripolitain assez radical, certes ; mais ses positions tranchées font précisément obstacle au glissement de la deuxième ville du pays vers plus de radicalisme encore : c'est-à-dire l'extrémisme religieux. D'autant plus malheureux était, dès lors, ce désaveu, formulé sur Twitter, qu'il n'avait d'autre motif que le coup d'éclat auquel venait de se livrer le bouillant Rifi en claquant la porte du Conseil des ministres : il entendait protester ainsi contre le refus du chef du gouvernement de passer sans délai à l'examen de l'affaire de terrorisme dont la triste vedette est l'ancien ministre Michel Samaha...

Il y aura sans doute profusion de discours, demain 14 février. Reste à savoir cependant si on laissera la chirurgie plastique faire son œuvre. Cela afin qu'au test du miroir, réapparaisse le reflet de certaine révolution du Cèdre...


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Onze ans, cela commence à faire vieux, même pour un vaste rassemblement politique cimenté par l'idéal commun d'un Liban indépendant et souverain, débarrassé de toute occupation étrangère et régi par un juste équilibre entre ses diverses communautés. Onze années, cela fait apparaître des rides, surtout quand on s'est trop exposé au perfide soleil de ces accommodements qui, trop...