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À La Une - Reportage

Les ruines de la vieille ville de Homs inspirent les artistes syriens

"Lorsque les rebelles ont quitté la ville, j'ai modifié le scénario et décidé de tourner sur place", explique Joud Saïd, metteur en scène de 35 ans qui a filmé "Il pleut sur Homs" à l'été 2014.

Des actrices du film "Il pleut sur Homs" jouent dans la ville en ruine, le 11 septembre 2014. AFP / IT'S RAINING IN HOMS PRODUCTION DEPARTMENT / WISSAM MOHAMMED

Les affres subies par la vieille ville de Homs, défigurée par 20 mois de bombardements et combats entre l'armée et les rebelles, hantent les artistes syriens.

C'est au milieu de ces ruines que Joud Saïd a filmé "Il pleut sur Homs" à l'été 2014, trois mois après le départ des insurgés de ce réduit qu'ils avaient défendus farouchement.

"Au départ, il s'agissait d'un huis-clos entre un homme et une femme qui se rencontrent dans un immeuble assiégé en face d'une église où vit cloitré un curé. Mais lorsque les rebelles ont quitté la ville, j'ai modifié le scénario et décidé de tourner sur place", explique ce metteur en scène de 35 ans.

Homs, en plein coeur de la Syrie, a été surnommée par les opposants au régime de Bachar el-Assad la "capitale de la révolution", dont elle fut l'épicentre en mars 2011. Lorsque la révolte s'est militarisée en raison de la répression, l'armée a réussi à la reprendre à l'exception de la vieille ville qui resta aux mains des rebelles de décembre 2012 à leur départ en mai 2014.

Le film relate les trois derniers mois du siège à travers l'histoire d'une femme et de sa petite soeur qui, profitant de la première évacuation des civils en février 2014, pénètrent dans la vieille ville à la recherche de leur frère disparu. Elle y resteront avec l'aide d'un prêtre qui sera tué.

"Les ruines sont l'un des personnages du film car elles montrent ce dont est capable l'être humain en matière de destruction et de massacres: pas seulement d'autres êtres humains mais aussi de notre culture, de notre patrimoine", explique le lauréat du prix du meilleur film arabe au festival du Caire 2015 pour son film "En attendant l'automne".

Pendant 100 jours, l'équipe a vécu au milieu des ruines dans ce quartier sans âme qui vive à l'exception de militaires. "Ces ruines racontent la mémoire des habitants. A travers les balcons, les fenêtres et le rideaux, on sent encore la présence de gens aujourd'hui disparus. On ne sait ce qu'ils sont devenus: réfugiés, peut-être morts", ajoute le réalisateur, ancien élève de l'école Louis Lumière à Lyon.

Quand on lui fait remarquer que c'est l'armée qui est en grande partie responsable des destructions, il répond: "Nous, les Syriens, sommes tous coupables, tous responsables de nos propres malheurs. Peu importe qui a fait quoi, où et comment. C'est à nous de trouver les moyens de guérir à la fois les blessures de nos âmes et de nos pierres".

 

(Pour mémoire : Les derniers rebelles à Homs vont remettre des armes lourdes)

 

Mariage au milieu des décombres
Bouleversée par ce qu'a subi sa ville, Yara Issa exprime ses émotions par la peinture. "Tous mes tableaux sont inspirés par la guerre. Des gens tués, des explosions, des obus... J'emploie des couleurs froides qui suggèrent la tristesse", témoigne cette femme de 26 ans.

Originaire de Bab Sebaa, un quartier de la veille ville, elle a dû s'exiler à Damas après la destruction de sa maison et de "tous les lieux" où elle avait l'habitude d'aller. "Les artistes syriens peignent pour que les gens n'oublient pas les conséquences de la guerre, qu'ils se rappellent du passé", poursuit la jeune artistes.

De son côté, Jaafar Merhi a choisi de photographier des mariés en tenue de fête devant les façades soufflées par les explosions ou grêlées de balles, devant les immeubles aux toits effondrés ou dans les appartements noircis par les bombes incendiaires.

"J'ai déjà fait trois mariages dans ces décors. Lorsque j'ai proposé pour la première fois à un couple de les photographier ici, ils ont été surpris. Quand je leur explique que je veux montrer que l'amour existe en dépit des ruines, certains acceptent, d'autres non", relate-t-il.

 

Photo Joseph Eid/AFP

Fervent partisan du régime, ce photographe de 22 ans accuse les "terroristes" d'être responsables des destructions et soutient que l'armée n'a fait que son devoir en reprenant ce quartier par la force.
Ce jour-là, il immortalise le mariage de Hassan Youssef, un officier de 27 ans, avec Nada, 18 ans. "J'ai accepté de me faire prendre en photo dans cet endroit dévasté. Car, plus tard, je les montrerai à mes enfants pour leur dire que, malgré tout cette tristesse, la vie continue", explique la jeune épouse.

 

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