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Lifestyle - Tous les chats sont gris

Un peu Bridget Jones, un peu Carrie Bradshaw

Ça vient tout droit des États-Unis, ça s'appelle Bachelorette Party et ça se célèbre en grande pompe et entre donzelles. Une soirée pendant laquelle la future mariée enterre sa vie de célibat, quelque part entre nostalgie et excitation. Messieurs, si vous n'êtes pas stripteaseurs, passez votre chemin.

Photo Rawan Bazerji

Demain, en tenue de princesse Disney brodée, rebrodée, froufroutée et flanquée d'un Sahara de Swarovski, ou en tailleur comme la mariée crayonnée par Karl Lagerfeld pour Chanel, elle ira jurer fidélité éternelle face à un prêtre, un mufti ou un officier d'état civil chypriote. Ensuite, elle escaladera avec son Roméo la pièce pâtissière (en carton) avant de se faire gracieusement arracher la jarretière emperlousée. On connaît la chanson. Pour faire court, en un trait de stylo, devant une assistance endimanchée et larmoyante, sa vie culbutera, comme ils disent... Elle pivotera de celle de jeune fille à celle de jeune femme, de un à deux, de moi à nous, de chez papa-maman à chez elle, chez eux. Heureusement, l'émancipation (relative) de notre société a fait que ce tournant, tout comme le blanc virginal de la robe, n'est plus que symbolique, les filles ayant désormais des « relations » (passablement) acceptées avant le mariage, et donc une vie de jeune fille à enterrer. Chipeuses de tendances, toujours promptes à saisir l'air du temps, la majorité des Libanaises tiennent aujourd'hui à estampiller ce passage d'une période de prétendu libertinage à une période de supposée allégeance au cours d'un rituel nocturne qu'elles considèrent presque aussi sacré que la cérémonie nuptiale.

Like a virgin
Elles sont là, dans cette chambre d'hôtel louée pour la soirée, entortillées de tulle, saucissonnées dans des collants résilles couleur vermeille, comme un mauvais souvenir de Madonna période « Borderline ». Armées de secrétaires érotomanes en lunettes surdimensionnées, elles attendent dans un état de surexcitation proche du délire la star de la soirée, leur copine qui aujourd'hui enterre les dernières poussières de sa vie de célibataire. Pomponnées, agitées, régressant dans une adolescence flétrie, elles relisent une dernière fois le planning des événements, millimétré. L'une d'elles se lève d'un bond : « On a oublié la musique d'accueil ! » Elles se ruent sur la chaîne Hi-Fi. You can leave your hat on: Non. Prettywoman: Bof. Elles optent pour Like a Virgin. On sonne. Cris d'hystérie. « C'est elle ! »

Entre kitsch et nostalgie
Engoncées dans leurs déguisements aux camaïeux de rose comme des Dora exploratrices de kitsch et de guimauve, elles se retrouvent, midinettes retournées à leurs soirs d'enfance, pour un moment gélatineux de tendresse. Car outre les plumes synthétiques qui volent dans tous les sens, les ballons en forme de seins refaits et le gâteau à l'effigie de Di Caprio dans Titanic, cette soirée loufoque trace quand même la fin de quelque chose. Un dernier regard rétrospectif sur les ruines encore fumantes d'une jeunesse rose bubble gum, passée entre filles à inventer leurs propres idiomes, choisir leurs ennemis comme leurs tenues du samedi soir et fantasmer sur des « poster boys » plaqués aux murs de leurs chambres. Alors, évidemment, dans ce registre nostalgie, il y aura celle qui explosera en larmes à chaque fin de phrase, assénant la future mariée d'un « Tu vas nous manquer ». L'autre, passablement chiffonnée à force d'attendre un prince charmant à la berline et aux pétrodollars, qui s'interroge : « Pourquoi elle et pas moi ? »
Et puis la rigolote, dans le genre ronde et fière de l'être qui débarquera, hilare, avec une malle remplie de sucettes-phallus, godemichets fluorescents et pénis gonflables. Tout un attirail que les plus effarouchées d'entre elles, avec quelques verres dans le nez, finiront par discrètement glisser dans leurs sacs.

Stripteaseur dans limousine
Pour compléter le tableau, gracieusement arrosées d'alcool, les demoiselles grimperont à bord d'une limousine blanche ou, pour faire plus inédit, une « bosta » où les attendra un monsieur. Avec un string-smoking pour seul vêtement, ce pauvre stripteaseur essayera de manœuvrer son show entre les cris nerveux des filles et les tournants sinueux de Beyrouth. Affublée d'un voile blanc, la future mariée devra mimer toute la panoplie du Kama Sutra contre le body buildeur huileux. Il la pelottera mais légèrement, se frottera à elle mais à peine, prendra ses mains mais un peu. Jusqu'à ce moment où elle implorera comme une ursuline à peine sortie du couvent : « On peut arrêter là ? Please ! » Pourtant, ces jeunes Libanaises aimeraient ressembler à la New-Yorkaise, sensuelle et arrogante, plutôt qu'à une Bridget Jones, boudin complexé peu glamour. Entre elles, elles passeront le reste de la soirée à imiter Carrie, Miranda, Charlotte et Samantha qui parlent de cul avec des mots crus autour d'un Cosmopolitan, en dansant sur les bars comme dans le Coyote Ugly de leurs années de jouvence.
Elles peuvent se le permettre avant demain. Car demain, Mademoiselle deviendra Madame.

 

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