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Qualité-prix

Un prix Nobel n'est pas toujours mérité, surtout quand il s'agit de récompenser quelque parcours politique. Tout le monde n'est pas Mandela, en effet, et on n'a sans doute pas oublié ce Nobel de la paix décerné à un Barack Obama fraîchement élu, sur seule base d'un discours. Magnifique, il est vrai, mais demeuré encre sur papier.

Si l'octroi de cette prestigieuse distinction planétaire à un quartette tunisien doit absolument nous interpeller, c'est pour une foule de raisons. L'exploit est bel et bien là, cette fois ; il est éminemment politique, même si c'est la société civile qui en est paradoxalement l'auteur ; il a lieu dans le seul pays à avoir survécu aux fièvres malignes et traîtreux vertiges qui ont accompagné le printemps arabe. Enfin, si ces extraordinaires Tunisiens sont justement primés, c'est parce qu'ils ont brillamment réussi là même où nous nous cassons les dents depuis des années, c'est-à-dire le dialogue national. Là-bas, syndicalistes et patrons, avocats et activistes des droits de l'homme ont conjugué leurs efforts pour jouer les médiateurs entre islamistes, laïcs et autres fractions. Le résultat en est une fort rare transition pacifique, placée sous le signe de la démocratie consensuelle.

Débarrassés de la dictature, les Tunisiens n'y sont pas inexorablement revenus, comme cela s'est produit en Égypte. Ils n'ont pas, non plus, sombré dans le chaos, comme en Libye et au Yémen, comme cela arrive aujourd'hui en Syrie. C'est le cheminement inverse que les Libanais ont emprunté, s'échinant à éreinter, défigurer, dénaturer, assassiner une démocratie qui, pour imparfaite qu'elle fût, faisait figure de curiosité naturelle dans cette partie du monde. De la règle consensuelle, on a fait, ici, un instrument de vil chantage, une recette de paralysie étatique. Si d'aventure les chefs libanais daignent se retrouver autour de la même table, on ne saurait pour autant parler de dialogue : et encore moins de dialogue national, si profondes, si évidentes, si notoires étant les allégeances étrangères de nombre de ces messieurs.

Nous ne sommes pas des Tunisiens qui, sans même avoir eu à rejeter l'odieuse option d'une dictature, frôlons déjà le chaos. Cela non point seulement parce que les institutions agonisent l'une après l'autre, que la corruption règne et que le pouvoir est indifférent même aux besoins quotidiens des citoyens, comme l'illustre l'affaire des déchets ménagers. Non, nous ne sommes pas des Tunisiens qui, dans le cadre de cette même affaire, assistons impuissants au dévoyage méthodique d'une des causes les plus nobles qu'ait jamais eu à défendre la société civile, s'agissant en effet des droits les plus basiques des citoyens victimes de l'incurie ou de la vénalité des responsables. Or ces droits, ce ne sont pas les trublions, saboteurs, provocateurs, casseurs, lanceurs de pierres et autres vandales, glissés parmi les pacifiques manifestants, qui pourront les récupérer : ils ne sont là que pour répandre le désordre. Pour les associations civiles dignes de tout respect, comme pour nous tous, c'est bien dommage. Et ce sont purs dommages pour un centre-ville de Beyrouth qui demeure l'objet de haines aussi sordides que tenaces.

Les ripoux de la politique ne sont plus les seuls, hélas, à puer.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Un prix Nobel n'est pas toujours mérité, surtout quand il s'agit de récompenser quelque parcours politique. Tout le monde n'est pas Mandela, en effet, et on n'a sans doute pas oublié ce Nobel de la paix décerné à un Barack Obama fraîchement élu, sur seule base d'un discours. Magnifique, il est vrai, mais demeuré encre sur papier.
Si l'octroi de cette prestigieuse distinction...