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Liban - Santé

Histoire des maladies vénériennes au Liban

Une vue de l’Hôpital municipal des Sablons à Beyrouth pour les maladies vénériennes, dans les années 20.

L'histoire du Liban est marquée par l'instabilité et la dernière guerre civile (1975-1990). La grande majorité des archives de la République libanaise, qui venait de naître en 1943, a été détruite. Les manuscrits et articles qui nous restent nous donnent quand même une idée des origines des maladies vénériennes au Liban.
Depuis l'Antiquité, selon l'historien reconnu comme le Père de l'Église – Eusèbe de Césarée – une « école d'impudicité » existait au temple de Vénus (Astarté en Syrie et en Phénicie) au Mont-Liban, où les « libertins déshonoraient leur corps de toutes les manières ; des hommes efféminés y reniaient leur dignité naturelle » (1). Les auteurs nous ont laissé les noms de quelques maladies contagieuses qui affectaient la bouche et les organes génitaux (morbus phrenicus, scelerata lues...). Herodotus parle d'un « vice morbide » contracté par les rapports sexuels avec les Syriens.
Nous avons très peu d'informations concernant les maladies vénériennes durant les époques qui ont suivi, dans un petit territoire conquis par différentes civilisations. Nous savons que la syphilis a été nommée « pustule d'Europe » ou plus familièrement « mal des Francs » (al-Ifranji signifiant « étrangers »). Gonorrhée et syphilis étaient confondues par la majorité des praticiens. Le chancre syphilitique était traité avec de la vapeur de cinabre; et la syphilis secondaire, avec une préparation de mercure, ou de cocktail d'ammoniac, de soufre et de mercure.
Le Dr Robert Khoury mentionne un hôpital des maladies vénériennes disposant de 25 lits, occupés en permanence par des prostituées jusqu'à sa fermeture en 1895. L'existence d'un tel hôpital serait un reflet d'une incidence relativement importante des maladies vénériennes chez cette population à risque.
En 1920, le Grand Liban était sous mandat français. Outrepassant largement une simple fonction de conseil, les autorités françaises mettent en place une administration directe et politique. Plusieurs articles détaillent la vie quotidienne durant l'entre-deux-guerres à Beyrouth, notamment la consécration d'un quartier réservé géographiquement à la prostitution le long de la rue Mutanabbi, qui débouche sur la place des Martyrs, près du petit sérail et non loin du port. Jean Jousselin (secrétaire général du foyer des jeunes et responsable de réseaux de scoutisme) témoigne, par exemple, de la vente de littérature pornographique et de haschisch au sein du quartier.
L'arrêté du 19 avril 1920 stipule que les prostituées doivent se soumettre à une visite médicale bihebdomadaire. C'est ainsi que le haut-commissariat construit dès 1921 des hôpitaux et des cliniques permettant notamment de traiter les maladies vénériennes diagnostiquées chez les prostituées, perçues comme un danger pour la santé des soldats, en s'aidant de certains groupes religieux.
En novembre 1920, la création du département « Hygiène et assistance publique du Grand Liban » aidait à contrôler l'hygiène et les maladies vénériennes. Ce service d'assistance favorise la réservation de 100 lits au sein de l'Hôpital municipal des Sablons à Beyrouth pour les maladies vénériennes (photo). En outre, 30 lits sont réservés dans la nouvelle Polyclinique française de Beyrouth. Le nom d'un seul médecin, Nicolas Khoury, est cité dans plusieurs sources comme le médecin chargé de la visite médicale des prostituées publiques.
Un papier du Pr Walter Booth Adams (professeur de dermatologie à l'Université américaine de Beyrouth) mentionne en 1920 que le service de dermatologie de l'AUB était unique dans toute la région. Il comptait 1 134 cas de gale et 340 cas de syphilis en signalant une baisse significative des cas syphilitiques comparés à la période de guerre. Il ne mentionne aucune information relative aux autres maladies vénériennes.
En 1927, sur 44 000 tests effectués, quelque 2 400 cas de maladies vénériennes ont été diagnostiqués. Le Dr Hudson, envoyé par la mission en Syrie de l'Église presbytérienne, distingue entre la syphilis vénérienne, qui touche 10 % des « chrétiens » du Liban, et la « tréponématose arabe ». Il écrit plusieurs articles à ce propos.
D'autres médecins libanais pratiquant la dermatologie à l'AUB ou à la Faculté française de médecine de Beyrouth (les Drs Reda et Escher) relatent leurs expériences avec la syphilis et les traitements par bismuth et/ou mercure. L'une des dernières mentions de la maladie syphilitique remonte à une note soumise par le gouvernement libanais en 1953 (dix ans après la fin du mandat français) à l'Organisation mondiale de la santé, et mettant l'accent sur les difficultés des mesures secondaires de prévention contre la syphilis, relatives à la déclaration non obligatoire de la maladie, l'hétérogénéité sociale et sanitaire des différents groupes de la population, l'incapacité d'assurer une surveillance médicale des prostituées légales. Le rapport propose de remplacer la surveillance médicale des prostituées enregistrées par l'injection de pénicilline, à raison d'une injection chaque 2 à 3 semaines, en raison de moyens financiers insuffisants.
Le rapport souligne aussi l'absence de bureau responsable du diagnostic biologique et clinique et du traitement des maladies vénériennes au ministère de la Santé, ainsi que l'absence de sensibilisation en matière de santé publique. Le rapport confirme le non-respect des recommandations internationales en énumérant bismuth, arsenic et mercure encore à l'usage : pénicilline et/ou métaux lourds.
Plus de cinquante ans plus tard, la déclaration du diagnostic de syphilis est toujours non obligatoire. Une stratégie claire et bien conçue est obligatoire pour pouvoir recenser et contrôler les maladies vénériennes au Liban, dont aucun état des lieux n'a été établi depuis le mandat français.

Dr Ismaël MAATOUK

Remerciements :
M. Robert Bell
M. Nabil Ismael

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