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Moyen Orient et Monde - Trois questions à ...

Quand Fajr Libya cherche à se démarquer de l’EI

Tarek Mitri, ex-représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Libye.

Un habitant de Dafiniyah nettoie son magasin, dont la devanture a été soufflée par l’explosion d’une voiture piégée lors d’un attentat-suicide revendiqué par l’EI. Reuters

Plongée dans le chaos depuis le début de la révolte en 2011, la Libye ne semble pas devoir en sortir d'ici peu. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, le pays est morcelé en régions tenues par différents camps et/ou milices armées, sur lesquelles les autorités « légitimes » n'ont aucune influence. Parallèlement, des dizaines de groupes armés s'affrontent encore ; certains se distinguent des autres, comme Fajr Libya (Aube de la Libye, en arabe), contre lequel se bat le général Khalifa Haftar, qui commande les forces armées loyales au Parlement libyen reconnu par la communauté internationale.

Et depuis plusieurs mois déjà, le tant redouté État islamique (EI) fait parler de lui en Libye. Les jihadistes contrôlent déjà des zones dans la région pétrolifère de Syrte, ancien fief de Kadhafi et situé à 450 km à l'est de la capitale Tripoli. Ces derniers jours, le groupe a pris le contrôle de l'aéroport de Syrte après des combats contre Fajr Libya. Et hier, un attentat-suicide à Dafiniyah, localité située entre Zliten et Misrata, a fait cinq morts et sept blessés dans les rangs de Fajr Libya. L'EI a revendiqué l'attaque sur un compte Twitter et affirmé qu'elle avait été menée par un Tunisien identifié comme Abou Wahib al-Tounissi.

L'organisation jihadiste a, dans la foulée, prévenu hier les miliciens de Fajr Libya qu'ils devaient se préparer à la « guerre » à Tripoli. « Les apostats de Fajr Libya (...) doivent savoir qu'une guerre se profile pour purger la terre de leur crasse, à moins qu'ils se repentent et retournent à leur vraie religion », a indiqué l'EI sur Twitter. En réponse, le gouvernement de Tripoli, non reconnu par la communauté internationale, a appelé hier à la « mobilisation générale » contre le groupe jihadiste.

(Lire aussi : Échapper au piège de la violence au Moyen-Orient)


Afin d'essayer de mieux comprendre les éléments et les enjeux de ce qui semble être une nouvelle guerre, ou en tout cas une nouvelle série d'affrontements meurtriers, Tarek Mitri, ex-représentant du secrétaire général de l'Onu en Libye, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Fajr Libya : quel est ce groupe et quelles sont ses composantes ?

Fajr Libya est une coalition qui a été créée l'année dernière. Elle regroupe les Brigades révolutionnaires de Misrata, qui ont joué un rôle très important pendant la révolution, et d'autres qui sont des brigades islamistes. Le groupe a été à l'origine de la formation d'un gouvernement de « salut national » à Tripoli, opposé au gouvernement reconnu par la communauté internationale et basé à Tobrouk (il est issu du gouvernement élu en juin dernier – NDLR) et qui contrôle une partie de l'Est libyen. Fajr Libya contrôle pratiquement toute la partie occidentale et centrale du pays, en particulier les grandes villes, ainsi que la capitale Tripoli.

Pourquoi l'État islamique (EI) a-t-il déclaré la guerre à Fajr Libya ?

Déjà, l'EI combat des islamistes partout où il se trouve, que ce soit en Syrie, en Irak, etc. On n'a pas encore d'informations précises concernant le degré de son importance en Libye ; des groupes islamistes libyens lui ont prêté allégeance, il est vrai. Il y a également de gros soupçons que ce sont des militants kadhafistes. Ainsi, ce qui fut le bastion de Mouammar Kadhafi, c'est-à-dire Syrte, est l'endroit où l'EI jouit le plus de popularité aujourd'hui. C'est une ville qui se distingue des autres, car le dirigeant déchu lui dévoua une attention et un soin particuliers. Il est donc fort probable que Daech (l'acronyme en arabe de l'EI) recrute parmi les loyalistes de l'ancien régime.
Ensuite, Fajr Libya a déclaré la guerre à Daech, et non l'inverse (depuis le début de l'année, la coalition a lancé plusieurs attaques contre le groupe jihadiste, espérant lui reprendre Syrte – NDLR). Parce qu'il comprend des islamistes dans ses rangs, Fajr Libya tient absolument à se démarquer de l'EI et de ses méthodes, d'autant plus qu'il demande à être reconnu par la communauté internationale, qui l'accuse de connivence avec des islamistes radicaux.

La Libye est aux portes de l'Europe. Quelles pourraient être les conséquences d'une montée en puissance de l'EI en Libye ? Une (nouvelle) intervention militaire occidentale devient-elle une possibilité ?

Il est difficile de prévoir ce que pourrait faire la communauté internationale, il est encore trop tôt. Jusqu'à présent, l'Europe n'a jamais rien fait. L'Occident est intervenu en Libye en 2011 mais en est parti très vite. En ce moment, les pays européens sont préoccupés par les migrants illégaux en partance de la Libye et qui déferlent sur leur sol. Ils sont plus concernés par les symptômes que par le problème même. Il leur faudrait donc mettre en place une politique plus interventionniste et plus efficace.


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