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À La Une - Vatican

François, un pape diplomate et/ou provocateur ?

Le grand "sans faute" diplomatique du souverain pontife est la réconciliation entre Cuba et les Etats-Unis.

Dans la crise syrienne, François avait, en septembre 2013, réagi davantage en chef religieux qu'en homme politique. Il avait alors appelé dans une lettre au G20 les dirigeants du monde à empêcher les frappes contre le régime de Bachar el-Assad. AFP PHOTO / VINCENZO PINTO

Le pape est-il un diplomate ? Si tout le monde s'accorde pour reconnaître une nouvelle vigueur à la diplomatie du Vatican, le pape François a aussi obtenu ce résultat en multipliant phrases et gestes volontairement ou involontairement provocateurs.

Ce sens de la formule, François l'a démontré dernièrement quand, offrant à Mahmoud Abbas une médaille représentant un ange, il lui a lancé: "vous êtes un peu un ange de la paix": une phrase qui a irrité Israël mais qui est une manière habile de rappeler au président palestinien ses propres promesses.

"Ange" dans le langage biblique veut dire "messager", et le Vatican a tenu à souligner que la formule n'était pas un éloge naïf du président Abbas, mais un encouragement. Jorge Bergoglio avait qualifié il y a un an M. Abbas et son homologue Shimon Peres d'"hommes de paix". François avait "commis" un autre geste fort peu diplomatique, en priant en mai 2014, le front appuyé contre le mur de séparation entre les territoires palestiniens et Israël.

 

(Pour mémoire : A l'occasion de Pâques, le pape appelle à la fin des tragédies et des persécutions)

 

Un langage de vérité historique

Autre phrase provocatrice dont il aurait pu s'abstenir, mais qu'il a tenu à prononcer au nom de la vérité historique, qui seule, selon lui, peut amener une vraie réconciliation entre les peuples: le massacre des Arméniens en 1915/16 "est largement considéré comme le premier génocide du XXe siècle". Le pape citait alors, à l'occasion d'une messe à Saint-Pierre, un document signé en 2001 par Jean Paul II. La Turquie avait aussitôt rappelé son ambassadeur.

Dans la crise syrienne, François avait en revanche en septembre 2013 réagi davantage en chef religieux qu'en homme politique. Il avait alors appelé dans une lettre au G20 les dirigeants du monde à empêcher les frappes contre le régime de Bachar el-Assad, et les fidèles à une grande journée de prière et de jeûne. Des frappes étaient alors envisagées par les Etats-Unis et la France contre le régime syrien accusé d'avoir employé des armes chimiques contre sa population civile. Certains estiment qu'une intervention à ce stade de la guerre aurait empêché l'escalade actuelle et la montée en puissance du groupe Etat islamique.

En Ukraine, en dénonçant une "guerre entre chrétiens", le pape a semblé surtout préoccupé par le fait que des chrétiens --catholiques d'Orient et orthodoxes-- contredisent le crédo chrétien en se battant. Mais il lui est aussi reproché de n'avoir pas mis en cause la politique russe en Ukraine. D'autres propos ont été jugés insultants par des Etats, la diplomatie du Saint-Siège s'efforçant ensuite d'apaiser les choses, comme quand il a parlé du trafic de drogue en Amérique Latine. "J'espère qu'on pourra éviter à temps la mexicanisation (de l'Argentine). J'en ai parlé avec des évêques mexicains et c'est une réalité terrifiante", avait-il lancé dans une conversation privée. Le Mexique s'est senti insulté.

 

(Lire aussi : Le Vatican canonise deux religieuses palestiniennes : retour à l'essentiel)

 

"Je suis convaincu que tous ces gestes et ces paroles du pape sont calculées, voulues et non pas improvisées. Il utilise volontairement les différents registres --langage officiel ou jargon populaire" pour faire passer un message afin de faire bouger les lignes, relève le vaticaniste Marco Politi, interrogé par l'AFP.

François cherche souvent à dénoncer les systèmes et les personnes --sociétés exportatrices d'armes, trafiquants, hommes politiques--qui sont à l'origine des conflits et de l'exploitation, avec des expressions énigmatiques destinées à frapper et à interroger les esprits: ainsi a-t-il fustigé lundi devant des religieuses du Proche-Orient le fait que des chrétiens soient victimes de "la persécution en gants blancs, et du terrorisme blanc, et même du terrorisme en gants blancs". "C'est caché mais ça existe", s'est-il exclamé, faisant référence aux décisions et aux politiques menées notamment par des Etats non désignés nommément.

En novembre, il avait déjà expliqué que des responsables à travers le monde "chassent les chrétiens avec des gants blancs", sans recourir à la violence mais à coups de tracasseries administratives. Le grand "sans faute" diplomatique du pape François est la réconciliation entre Cuba et les Etats-Unis, mais ce résultat a été obtenu par un travail de trente ans sous deux pontificats.

 

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