Entre l'action de l'armée et celle des combattants du Hezbollah, l'étau se resserre autour des éléments armés encore présents dans le Qalamoun. Aujourd'hui, avec le recul, on sait que le secrétaire général du Hezbollah avait annoncé cette bataille dans un de ses discours en disant qu'elle aura lieu à la fonte des neiges. Et plus récemment, lorsqu'il a déclaré, le 5 mai, que cette bataille s'imposera d'elle-même dans les médias, alors que ceux-ci spéculaient sur la date de son début, cette phrase était codée et constituait le véritable mot d'ordre du lancement des opérations militaires.
Cette bataille avait d'ailleurs été soigneusement préparée depuis des mois. Le Hezbollah avait ainsi profité des expériences précédentes, notamment lorsqu'en novembre, il avait mené une première attaque pour le contrôle des collines, qui s'était soldée par la perte de 13 martyrs et par une contre-offensive de la part des éléments armés. Il s'agissait donc d'un premier test et les lacunes ont été traitées dans cette nouvelle offensive. De plus, le Hezbollah a profité de ce laps de temps pour ouvrir près de 200 km de routes dans le jurd pour permettre aux véhicules blindés ainsi qu'aux ambulances d'avancer dans cette région montagneuse et difficile d'accès, mais aussi pour installer plusieurs hôpitaux de campagne destinés aux soins d'urgence pour les blessés et pour mettre au point une véritable campagne médiatique qui passe par l'installation de petites caméras dans les casques des combattants pour filmer les opérations militaires en direct.
Une fois l'offensive lancée par la petite phrase de sayyed Nasrallah, les combattants ont pris d'assaut les grottes dans lesquelles s'étaient installés les éléments armés, menant des combats féroces la nuit, alors que le camp adverse pensait que le Hezbollah ne disposait pas de lunettes nocturnes. Les combattants du Hezbollah sont divisés en petits groupes totalement autonomes qui fonctionnent chacun comme une petite armée (c'est d'ailleurs l'une des leçons de la guerre de 2006). Même les drones ont été utilisés, l'un d'eux a d'ailleurs été abattu par des éléments armés mais il est tombé en zone contrôlée par les combattants du Hezbollah. Trois camps installés par des éléments armés ont été ainsi découverts et démantelés en quelques jours et plus rapidement que prévu, les combattants du Hezbollah ont fait la jonction avec les soldats syriens à Assal el-Ward. Ils sont désormais à la lisière du jurd de Ersal, devant les cerisiers en fleurs en cette saison de l'année et, selon certaines informations, ils auraient pris en otages des chefs de certaines unités combattantes. Cette carte devrait être utilisée en temps voulu par le Hezbollah.
Aujourd'hui, les éléments armés se trouvent devant trois possibilités : la première est de se replier vers la Syrie et de négocier avec les forces du régime une voie de passage vers Raqqa. Selon certaines informations, un tel projet avait été négocié il y a quelques mois, mais les éléments armés voulaient repartir avec leurs armes lourdes et légères et l'armée syrienne s'y est fermement opposée. La seconde possibilité est de poursuivre la bataille jusqu'au bout, quitte à mourir sur place. Quant à la troisième possibilité, elle se résume au fait de se replier vers le Liban. Les deuxième et troisième possibilités peuvent se combiner. Des sources proches du Hezbollah estiment que c'est un scénario probable et c'est la raison pour laquelle sayyed Hassan Nasrallah a déclaré dans son dernier discours que ses combattants sont prêts à agir si l'État ne veut pas assumer ses responsabilités. Par cette phrase, le secrétaire général du Hezbollah est en train de dire qu'il n'y aura pas de « lignes rouges politiques et confessionnelles » dans cette bataille et que sa formation n'acceptera pas que Ersal et son jurd se transforment en abri pour les jihadistes à partir duquel ils pourraient de nouveau menacer le Liban et réveiller les cellules qui y dorment un peu partout.
De son côté, l'armée est en train de mener dans la plus grande discrétion une guerre secrète contre les jihadistes. Elle mène régulièrement des descentes dans les camps de réfugiés syriens installés comme par hasard entre Ersal et son jurd et y multiplie les arrestations. De même, ces derniers jours, elle a procédé à deux coups de filets de la plus haute importance avec l'arrestation de celui qui se fait appeler « le petit-fils libanais de Baghdadi », un Libanais de 21 ans originaire de Tripoli, porte-parole du groupe État islamique (EI) et impliqué dans l'assassinat des militaires libanais pris en otages. Ce dernier avait fui le Qalamoun (où il se battait aux côtés de l'EI depuis trois ans) via Ersal et voulait revenir à sa ville natale. Il a passé ainsi le premier barrage de l'armée sans être inquiété avant d'être arrêté à Laboué.
L'armée a aussi arrêté le Syrien Yoorob Aboul Jabal (membre de l'unité al-Farouk), de son vrai nom Abdel Aziz el-Faraj, installé à Bar Élias (caza de Zahlé), où il travaillait en principe dans une association islamique. À partir de cette localité, Aboul Jabal transportait les armes vers le jurd de Ersal.
Ces arrestations ont été suivies d'autres dans le camp d'al-Aoudé et il est clair que l'armée est déterminée à affronter à sa manière les combattants dans le jurd de Ersal.
De toute façon, selon les sources proches du Hezbollah, il n'est pas question de maintenir cette plaie ouverte. La bataille du Qalamoun devrait donc avoir des conséquences aussi stratégiques que celle de Qousseir, en 2013. Elle aura des répercussions sur la stabilité de la Békaa et sur celle de Damas, sans parler du fait qu'elle affaiblit les éléments armés dans la région proche du Golan occupé.
Liban - Décryptage
La bataille du Qalamoun, trois possibilités et des conséquences stratégiques
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 20 mai 2015 à 01h01
commentaires (9)
DES DEUX CÔTÉS... DES STRATÈGES DE LA PIASTRE ! DE QUELLE ÉCOLE MILITAIRE SORTENT-ILS... SI CE N'EST DE CELLE DU FANATISME ?
LA LIBRE EXPRESSION
17 h 46, le 21 mai 2015