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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Regards croisés sur l’évolution des rapports de force en Syrie

Haytham Manaa et Anis Naccache analysent les conséquences des changements sur le terrain pour les négociations à venir en mai.

Un véhicule de l’armée syrienne détruit lors de la prise de Qarmid par l’« Armée de la conquête ». Abdalghne Karoof/Reuters

L'évolution du rapport de force sur le théâtre syrien semble liée aux développements que connaît la région depuis le début du conflit au Yémen et la nouvelle convergence tactique entre l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Ce changement est perceptible à travers la coordination serrée entre les soutiens de l'opposition, qui s'est traduite sur le terrain par la création de « l'Armée de la conquête ».

Après la prise de contrôle d'Idleb, de Jisr el-Choughour et de Qarmid, une réédition de ce scénario est envisageable à Hama et peut-être même à Lattaquié. Cette coalition de forces sous l'égide de l'Arabie saoudite, apparue au Yémen et qui se concrétise aujourd'hui en Syrie, tente ainsi de bouleverser la donne militaire. Quelles seraient les répercussions de cette transformation du rapport de force sur les négociations à venir en mai ?
Haytham Manaa, opposant historique et membre du comité politique de la Conférence du Caire qui se tiendra en mai prochain, estime qu'il n'y a pas une offensive planifiée par l'Arabie saoudite. Selon lui, « Riyad n'est pas en mesure de mener plusieurs confrontations à la fois. C'est la raison pour laquelle l'Arabie saoudite a convié, dans les premières semaines de mai, 25 à 30 membres de l'opposition pour un dialogue politique. Nous sommes dans une logique de consultations et non d'intervention de la part de Riyad ».

Cette analyse est contestée par le Libanais Anis Naccache, spécialiste des questions stratégiques régionales et proche de l'Iran, pour qui les faits parlent d'eux-mêmes. Selon lui, « les derniers événements prouvent que cette offensive a été minutieusement préparée – armes sophistiquées, roquettes TAO antichars – et lancée à un moment où les conditions météorologiques étaient défavorables pour paralyser l'aviation syrienne. C'est une opération conduite par un état-major et non pas des groupes locaux. L'effet de surprise passé, il est certain que les Iraniens et les Russes vont apporter une aide sur le double plan logistique et tactique au régime pour lancer la contre- offensive ».


(Lire aussi : L'« Armée de la conquête », la coalition qui avance face au régime syrien)

Des négociations stériles ?
Les deux analystes sont en opposition complète sur l'importance des négociations pour la poursuite du conflit en Syrie. Si Anis Naccache considère qu'elles seront sans effet sur la situation actuelle, Haytham Manaa estime au contraire qu'elles revêtent un enjeu crucial. M. Manaa juge que « la stratégie suivie pour empêcher tout débordement du conflit syrien a échoué et plusieurs pays sont aujourd'hui sous la menace. La Turquie ne peut plus continuer à intervenir dans le conflit sans faire peser de risque sur sa propre sécurité, les Turcs ne seront pas épargnés. Pour éviter un effet de retour, il est dans l'intérêt de tous de trouver aujourd'hui une solution politique ».

Mais, d'après M. Naccache, « nous avons affaire à des pays qui sont dans une division verticale, qui n'acceptent pas le compromis et qui s'épuisent dans les conflits régionaux. En Syrie, les forces extérieures fabriquent chacune son opposition et ont leurs calculs propres. L'Égypte recherche une solution arabo-arabe, la Russie joue son rôle en accord avec les États-Unis, et l'Arabie saoudite tient un double discours sur les orientations politiques à suivre. Riyad ne veut pas de négociations ».
M. Naccache réaffirme que seul le rapport de force sur le terrain est décisif, argument critiqué par M. Manaa comme faisant partie des constructions mythiques qui abreuvent les analyses depuis le début du conflit. « C'est le même son de cloche qu'on entend depuis 2011 : toute solution serait conditionnée par le changement du rapport de force, mais c'est très éloigné des réalités. Le rapport de force a changé plusieurs fois au cours de ces quatre ans, et nous avons pris conscience qu'aucune solution ne peut être imposée par la situation sur le terrain », dit-il. Selon lui, cela fait partie des manœuvres dilatoires des deux parties, régime et opposition, pendant que la Syrie est mise à sac.

« Les destructions matérielles s'élèvent à plus de 60 milliards de dollars, la moitié de la population syrienne est aujourd'hui déplacée, plus de 60 pour cent des enfants déscolarisés, etc. Chaque action en faveur d'une solution politique nous sera utile », dit-il. Sur ce point, Anis Naccache rappelle que ceux qui se rendent à la table des négociations pour une voie de compromis politique ne sont pas ceux qui contrôlent les groupes armés. M. Manaa, conscient du « principal obstacle des 30 à 40 000 combattants étrangers » (certains avancent le chiffre de 60 000, dont un nombre important de Turkmènes et de Tchétchènes), rappelle que c'est à la communauté internationale qu'il revient de mettre fin à leur présence sur le territoire syrien. Selon lui, « aucun accord politique n'est envisageable si les groupes armés ne sont pas délogés et placés hors de la légalité internationale. Tous ceux qui les soutiennent et les financent doivent être condamnés par le Conseil de sécurité de l'Onu ».

Quelle solution ?
Les deux observateurs se rejoignent cependant, dans leurs conclusions, sur la nécessité de renoncer à la logique communautaire qui se déploie à l'échelle régionale. Haytham Manaa rappelle que peu de Syriens sont encore enthousiastes pour un conflit armé qui n'a plus de finalité. « Les forces qui l'emportent sur le terrain sont des forces obscurantistes et leurs projets n'ont plus rien à voir avec les aspirations du peuple syrien. Les Syriens, de quelque bord qu'ils soient, ne veulent pas d'un État islamique sur leur territoire, dont les assises sont en rupture avec leur histoire et conscience collective », note-t-il.

Anis Naccache insiste également sur la nécessité de sortir de la vision communautaire et d'opter pour une approche politique globale qui tienne compte des intérêts fondamentaux des peuples de la région. Selon lui, la solution au conflit syrien ne peut être que régionale. Elle implique la mise en place d'un système qui institue des mécanismes de coopération entre les États arabes, l'Iran et la Turquie pour garantir la stabilité intérieure, le respect des frontières, et promouvoir les échanges régionaux.

 

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L'évolution du rapport de force sur le théâtre syrien semble liée aux développements que connaît la région depuis le début du conflit au Yémen et la nouvelle convergence tactique entre l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Ce changement est perceptible à travers la coordination serrée entre les soutiens de l'opposition, qui s'est traduite sur le terrain par la création de...

commentaires (2)

LES ARABES... CE GÉANT ENDORMI... S'EST ENFIN RÉVEILLÉ REJETTANT LES PROVOCA!!!

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 55, le 29 avril 2015

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Commentaires (2)

  • LES ARABES... CE GÉANT ENDORMI... S'EST ENFIN RÉVEILLÉ REJETTANT LES PROVOCA!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 55, le 29 avril 2015

  • BARAM IL DOULEB...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 10, le 29 avril 2015

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