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Économie - Pakistan

Les rebelles baloutches, obstacles au corridor économique entre le Moyen-Orient et la Chine ?

Le président Xi Jinping a bouclé hier une rare visite d'un chef d'État étranger au Pakistan pour y dévoiler des projets d'investissements de 46 milliards de dollars.

En visite au Pakistan, le président chinois Xi Jinping a dévoilé des projets d’investissements visant à « transformer » l’économie de son voisin. Pakistan National Assembly/AFP

Le Baloutchistan est au cœur de la stratégie de Pékin pour créer un « corridor économique » inédit reliant le Moyen-Orient à la Chine. Mais il y a un hic : les rebelles sécessionnistes de cette province pakistanaise refusent pour l'heure tout dialogue de paix.
Le président chinois Xi Jinping bouclait hier une rare visite d'un chef d'État étranger au Pakistan pour y dévoiler des projets d'investissements de 46 milliards de dollars visant à « transformer » l'économie de son voisin, miné par des attentats et une crise énergétique, tout en reliant la Chine au Moyen-Orient. La stratégie de Pékin repose sur le développement du port en eau profonde de Gwadar, à la sortie du détroit d'Ormuz, par lequel transite une grande partie de la production de brut du Moyen-Orient, pour construire une autoroute énergétique débouchant sur les régions occidentales de la Chine en contournant l'Inde. Or le port de Gwadar et une partie de l'autoroute énergétique prévue sont plantés dans la province du Baloutchistan, la plus vaste mais la moins développée du Pakistan, malgré ses énormes ressources minières et gazières, et surtout la moins intégrée dans le système pakistanais.
Depuis l'indépendance du Pakistan en 1947, le Baloutchistan a connu quatre périodes de rébellion, la dernière, et la plus longue, ayant débuté il y a dix ans. Les rebelles s'opposent au développement de Gwadar tant que leur province ne sera pas un pays « indépendant », et n'ont pas hésité par le passé à faire exploser des gazoducs, des trains, voire à abattre des ingénieurs chinois. Début avril, le Front de libération du Baloutchistan (BLF), l'un des principaux groupes rebelles, a revendiqué une attaque fatale à 20 personnes, des ouvriers originaires de provinces voisines du Sind et du Penjab. Et lundi soir, au premier jour de la visite du président Xi, les rebelles baloutches ont tiré des roquettes sur l'aéroport de Pasni, près de Gwadar, ont indiqué hier des responsables. Les forces de sécurité, accusées d'enlever et tuer des partisans présumés de la « cause baloutche » ainsi mystérieusement « portés disparus », ont aussitôt répondu avec une opération fatale à deux soldats. « La stratégie est très claire : nous sommes toujours en faveur du dialogue mais en même temps nous n'allons autoriser personne à remettre en cause l'autorité de l'État », affirme Sarfaraz Bugti, ministre provincial de l'Intérieur interrogé par l'AFP à Quetta, capitale du Baloutchistan.

Pourparlers de paix et casse-tête chinois
Le ministre en chef du Baloutchistan, Abdul Malik Baloch, lui-même un ancien rebelle, a l'autorité de négocier avec la rébellion, mais le processus de paix est presque au point mort, reconnaît-il. « Les écarts sont importants. Une décennie de guerre, avec de nombreux morts et disparus, a laissé des traces. Et puis, il y a tellement d'organisations. Par le passé, il y avait trois ou quatre leaders (rebelles) et lorsqu'ils décidaient d'une chose, le reste suivait », explique à l'AFP M. Baloch. « Aujourd'hui, il n'y a pas de leadership unifié, pas d'homogénéité parmi ces groupes, c'est un défi énorme... mais c'est la seule option : amener les rebelles à la table des négociations », dit-il.
Au Baloutchistan, la politique est avant tout une affaire de tribus et de clans. Les groupes rebelles ont historiquement eu tendance à se replier sur des chefs de tribus, appelés « sardars ». Mais au cours de la dernière décennie, un nouveau mouvement rebelle s'est adressé à la fragile classe moyenne baloutche : le BLF du Dr Allah Nazir.
« C'est la première fois que la rébellion va de l'avant sans le soutien de "sardars", car la majeure partie d'entre eux ont été cooptés ou soutiennent le gouvernement », note Anwar Sajidi, éditeur du quotidien baloutche Daily Intekhab, très sceptique sur la possibilité de pourparlers de paix hors du cadre de l'Onu. En menant leur guérilla, les rebelles veulent « perturber l'économie », « empêcher le gouvernement de mettre en œuvre ses projets », estime Siddiq Baloch, éditeur du journal Balochistan Express, lui aussi sceptique sur d'éventuels pourparlers. « Le gouvernement n'a rien à offrir » aux rebelles, dit-il.
Sans paix à l'horizon, la Chine pourrait être tentée de commencer son corridor par des projets dans les régions du Pakistan où les menaces sont « moindres » ou qui peuvent être protégées par l'armée, souligne Andrew Small, spécialiste des relations pakistano-chinoises à l'institut German Marshall Fund. « La Chine n'est certainement pas complètement confiante que tous ces projets seront protégés, mais elle pense que ces problèmes de sécurité sont l'une des principales raisons pour aller de l'avant, afin de stabiliser le Pakistan », son voisin, estime-t-il.

Guillaume LAVALLÉE / AFP

Le Baloutchistan est au cœur de la stratégie de Pékin pour créer un « corridor économique » inédit reliant le Moyen-Orient à la Chine. Mais il y a un hic : les rebelles sécessionnistes de cette province pakistanaise refusent pour l'heure tout dialogue de paix.Le président chinois Xi Jinping bouclait hier une rare visite d'un chef d'État étranger au Pakistan pour y dévoiler des...

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