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Liban - En toute liberté

L’étonnant rendez-vous accordé par la Divine Miséricorde au peuple arménien

C'est un étonnant rendez-vous que la Divine Miséricorde, qui se fête le premier dimanche après Pâques, a donné au peuple arménien rassemblé demain dans la basilique Saint-Pierre pour commémorer le souvenir d'une brutalité sans nom dont il fut collectivement victime, dans les dernières années de l'Empire ottoman, entre 1915 et 1918.
Aux catholicos d'Etchmiadzine (Arménie) et d'Antélias (Liban) Karékine II et Aram Ier, au patriarche des arméniens-catholiques, Nersès Bedros XIX, aux Arméniens du monde entier qui assisteront à la messe qu'il célébrera à leur intention, le pape François pourra-t-il dire autre chose que ce que dit la fête même de la Divine Miséricorde ? Des paroles de confiance, de force et de pardon.
Défendue par sainte Faustine Kowalska, une religieuse polonaise morte en 1938, instaurée par Jean-Paul II, cette fête se veut comme une réponse de Dieu à l'époque tragique que nous vivons. Une époque venue du XIXe siècle, et qui se manifeste aujourd'hui dans une perte de repères du monde occidental, tandis que des pans entiers de la présence chrétienne en Orient s'effondrent sous les coups d'une nouvelle barbarie qui se présente comme un retour aux sources de l'islam.
De la crise de l'Occident, il faut écouter Emmanuel Mounier s'exprimer. Dans l'une des premières pages de son introduction aux existentialismes, il en parle comme de « la fin de l'ère évangélique », celle de « la mort de Dieu » que Nietzsche au XIXe siècle a annoncé aux hommes « qui n'osaient l'assumer, après l'avoir perpétrée ». Et voilà que cette nuit spirituelle se prolonge jusqu'en ce début du XXIe siècle où, après l'effondrement silencieux de la foi chrétienne en Occident, c'est le fracas de son effondrement physique en Orient qui se fait entendre.
C'est dans sa lettre encyclique « Dieu riche en miséricorde » (1980) que Jean-Paul II a parlé le plus explicitement de ce qu'est la miséricorde, allant même jusqu'à en faire non pas « un attribut de Dieu », mais son nom même. Dans d'admirables développements qui méritent d'être longuement médités, le pape montre que la miséricorde est « l'incarnation la plus parfaite de la justice », car elle seule est capable de « rendre l'homme à lui-même ».
Certes, le souvenir du génocide des Arméniens restera ineffaçable. Comme doivent l'être les souvenirs de tous les autres génocides, témoignages historiques de ce que l'homme livré à ses démons peut être capable d'infliger à d'autres hommes.
En commémorant le génocide des Arméniens, à Saint-Pierre, en ce dimanche de la Miséricorde, ce sont donc toutes les souffrances injustes infligées à tous les peuples pourchassés à traves l'histoire qui seront évoquées, indépendamment de leur appartenance religieuse ou de leur race.
Bien sûr, l'ordre de la justice ne disparaîtra pas, assure Jean-Paul II, mais la cité humaine se construira patiemment, laborieusement, avec les instruments de la paix plutôt que de la guerre.
C'est dans cet esprit que François s'adressera aux Arméniens. Dans une langue dont Jean-Paul II avait fait usage en 2001, lors de sa visite pastorale en Arménie. À l'époque, Jean-Paul II avait choisi ses mots avec précaution en évoquant clairement le génocide, mais sans mettre la Turquie en cause, et en parlant plus volontiers de « terrible violence » et de « grand désastre ».
François s'adressera aussi peut-être à une « Arménie libre » (dixit Jean-Paul II), et non plus à une Arménie captive du communisme ou une Arménie dispersée aux quatre coins de la planète. Il lui demandera donc d'assumer cette liberté reconquise. Jeudi, en recevant en visite privée le patriarche des arméniens-catholiques, il avait déjà demandé que « des gestes concrets de réconciliation » soient accomplis, selon le code des nations et des États, et non plus selon les codes des résistances et des mouvements de libération.
La cérémonie de dimanche revêtira aussi une dimension œcuménique, à travers la proclamation de saint Grégoire de Narek, docteur de l'Église universelle. L'œcuménisme sera, cette fois, non pas seulement l'œcuménisme des martyrs, dont les Arméniens ont fait la douloureuse et pourtant glorieuse expérience, mais celui de la foi chrétienne à ses origines patristiques. Une déclaration christologique commune remontant à 1996 signée à Rome par Jean-Paul II et Karékine Ier, catholicos de tous les Arméniens, avait déjà rapproché, dans la compréhension théologique du mystère de l'Incarnation, les deux Églises catholique et apostolique arménienne.

C'est un étonnant rendez-vous que la Divine Miséricorde, qui se fête le premier dimanche après Pâques, a donné au peuple arménien rassemblé demain dans la basilique Saint-Pierre pour commémorer le souvenir d'une brutalité sans nom dont il fut collectivement victime, dans les dernières années de l'Empire ottoman, entre 1915 et 1918.Aux catholicos d'Etchmiadzine (Arménie) et...

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